DEUX ÉTUDES (1) réalisées à l’initiative de l’URPS médecins du Languedoc-Roussillon rebattent quelque peu les cartes sur la perception - par les patients d’une part, les praticiens libéraux d’autre part - des freins « réels » à l’accès aux soins. Trois enseignements majeurs : le constat de la gravité de la situation est partagé entre praticiens et assurés, mais leur regard sur les obstacles est différent et la profession semble de plus en plus ouverte à des solutions novatrices d’organisation.
• Démographie : perspectives régionales préoccupantes
Dans cette région, historiquement plébiscitée par le corps médical (héliotropisme notamment), les projections font état d’une chute de 30 % de la densité moyenne des médecins libéraux par habitant d’ici à 2030. Le nombre de praticiens baissera de 8 % alors que la population bondira de 30%... Le terrain d’étude est d’autant plus intéressant que le Languedoc-Roussillon associe des grands pôles urbains, des communes isolées et des zones rurales où l’accès géographique est souvent très difficile.
• Obstacles aux soins : des perceptions différentes médecins/patients
Dans un contexte national qui met l’accent sur les dépassements d’honoraires, les dérives tarifaires et les renoncements aux soins pour des raisons financières, cette double étude remet les choses en perspective.
Côté patients d’abord, c’est le temps d’attente trop long au cabinet et les horaires de consultation inadaptés qui avaient été cités, l’an passé, au tout premier rang des freins à l’accès au généraliste. Pour consulter un spécialiste, c’était de très loin (43% des réponses) le manque de disponibilité pour obtenir un rendez-vous qui était évoqué. Dans les deux cas, les difficultés strictement financières et les difficultés géographiques (éloignement, trajet) étaient relevées mais de façon très minoritaire, loin derrière les premiers items.
Côté médecins cette fois, l’étude 2012 apporte un autre éclairage, là aussi surprenant. Pour les généralistes comme pour les spécialistes, notamment dans les communes isolées, les principaux freins seraient le montant des soins prescrits à la charge du patient (devant le temps d’attente ou la difficulté du trajet selon la spécialité). « Cette prise de conscience aiguë du contexte économique et des frais induits par les prescriptions est très nouvelle », assure le Dr Jean-Paul Ortiz, président de l’URPS médecins qui a piloté cette enquête. En revanche, patients, généralistes et spécialistes se rejoignent sur les quatre spécialités où la prise en charge est la plus difficile (taux de renoncement) : l’ophtalmologie, la dermatologie, la gynécologie et la psychiatrie.
• Assumer la demande, mission impossible ?
L’étude a identifié les causes des difficultés. La première est d’ordre démographique. Environ 50 % des médecins (généralistes comme spécialistes) estiment qu’actuellement il manque déjà en moyenne trois médecins de leur propre spécialité dans leur secteur de patientèle pour relever le défi de la demande.
Pire, à l’horizon de 5 ans, plus de sept médecins sur dix toutes disciplines confondues sont convaincus que la situation va s’aggraver. En 2017, il manquera au moins...cinq praticiens de leur spécialité dans leur secteur, selon les intéressés.
Deuxième constat qui conduit au déséquilibre entre l’offre et la demande : la charge de travail et la conviction de « travailler trop » (61% des généralistes - surtout les ruraux et les plus de 50 ans - et 41% des spécialistes). Les généralistes libéraux interrogés évaluent (en moyenne) leur semaine de travail à 53 heures, volume qui grimpe à 63 heures en secteur rural et à 75 heures en Lozère... Les spécialistes, eux, travaillent près de 50 heures (52 en milieu rural).
Parmi les facteurs qui augmentent « souvent » le temps de travail, les généralistes comme les spécialistes citent d’abord l’augmentation de la charge administrative ou de la paperasse, la fréquence accrue des consultations à plusieurs motifs, la prise en charge des pathologies graves et le vieillissement de la patientèle.
• Quels remèdes ? La réorganisation de l’offre...
La profession semble désormais appeler de ses vœux une réorganisation (plus marquée chez les jeunes) de son exercice et de ses pratiques. Pour répondre dans des délais convenables à une demande croissante, il convient de se donner les moyens de renforcer le temps médical, surtout si la situation empire. Comment ? Chez les généralistes comme les spécialistes, le regroupement avec d’autres confrères est souhaité à 70 % (pour gérer la PDS et la continuité des soins) et carrément plébiscité par les jeunes généralistes et ceux exerçant en mi-leu rural. La fin de l’exercice isolé ?
Un praticien sur deux jugerait également utile de prendre un associé ou un collaborateur pour mieux répondre à la demande. Dans une proportion un peu moindre, la profession souligne l’intérêt de déléguer des tâches à un professionnel paramédical sous une forme libérale ou salariée (environ 4 généralistes sur dix et trois spécialistes sur dix). En revanche, la présence d’un secrétariat médical n’est pas jugée suffisante en soi pour réduire le temps d’attente.
Enfin, un quart des médecins (22% des généralistes, 26% des spécialistes) seraient prêts à faire des consultations avancées dans des secteurs ruraux (à plus de 50 km) pour une durée médiane de deux jours par mois. « Un réservoir d’organisation non négligeable » commente le Dr Ortiz.
(1) Enquête « médecins » effectuée par l’Institut CSA en avril 2012 auprès de 498 médecins libéraux exerçant en Languedoc-Roussillon (253 généralistes, 245 spécialistes). Enquête « patients » effectuée par l’institut CSA en juin 2011 auprès de 1006 personnes. Voir ci dessous.
Dans les deux cas, les travaux ont été réalisés par Joy Raynaud, géographe de la santé, pour l’URPS LR.
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