ROSELYNE BACHELOT a soigné sa première sortie devant un aréopage de médecins libéraux. La ministre a annoncé à l'université d'été du SML (Syndicat des médecins libéraux), à Opio (Alpes-Maritimes), que l'Objectif national des dépenses d'assurance-maladie (Ondam) serait porté à + 2,8 % en 2008 – hors franchise médicale – au lieu + 2,6 % en 2007. Elle a surtout indiqué que cet objectif serait «rééquilibré au profit de la médecine de ville avec une répartition équivalente entre la ville et l'hôpital». «Je tiens à ce que nous ayons un Ondam de ville réaliste et rééquilibré qui vous permettra de travailler dans la sérénité»,a précisé Roselyne Bachelot devant une centaine de libéraux. La ministre a convenu que l'Ondam de 2007 était «non réaliste» pour les soins de ville [+ 1,1 %, contre + 3,5 % à l'hôpital, ndlr]. Elle a toutefois souligné que la progression des honoraires médicaux avait été depuis un an de + 4,4 % en ville pour seulement + 3,5 % pour l'hôpital. «Ce n'est pas une attitude responsable, a-t-elle déclaré. Nous ne pourrons pas travailler sur ces bases à partir de maintenant.» La ministre a ajouté qu'un «regard aigu» serait porté sur les résultats de la maîtrise médicalisée «avant de pouvoir revaloriser les tarifs de la consultation des généralistes à 23euros conformément à l'engagement pris dans l'avenant23».
Le Dr Dinorino Cabrera, président du SML, salue l'annonce d'un rééquilibrage de l'Ondam. La parité entre la ville et l'hôpital devrait permettre, selon lui, «d'éviter la répétition du scénario de l'an passé et un plan de redressement comptable». Cette répartition ouvrirait alors des perspectives de revalorisation en 2008 pour les médecins qui s'engageront dans la maîtrise.
Si la Csmf(Confédération des syndicats médicaux français) prend acte des engagements ministériels sur le rééquilibrage ville/hôpital, son président Michel Chassang affiche une «vigilance maximale» à la veille de l'université d'été de son organisation, qui se tiendra ce week-end à Cannes. «Chat échaudé craint l'eau froide, je ne partage pas l'optimisme du président du SML, explique-t-il. On peut craindre que les 850millions d'euros d'économies des franchises (soit 1,2 % des dépenses totales de soins de ville de 66 milliards d'euros) soient finalement récupérés... par l'hôpital à travers le financement des plans Cancer et Alzheimer. Dès lors, on peut avoir des lendemains qui déchantent.» D'autant que Roselyne Bachelot a rappelé les médecins à leurs engagements.
Ouvrir le dossier des recettes.
Dans ces conditions, les promesses de Roselyne Bachelot sur l'équité ville/hôpital ne rassurent pas grand monde, et surtout pas les opposants à la convention. «On amuse la galerie, ironise le Dr Martial Olivier-Koehret, président de MG-France. Les grands discours sur le rééquilibrage ville/hôpital, c'est très bien mais la réalité, c'est qu'on continue de “balancer'' des milliards d'euros à travers les plans Hôpital 2007 et Hôpital 2012 sans aucune réorganisation structurelle de l'accès à l'hôpital, sans définition des missions respectives des uns et des autres et sans moyens réels pour les cabinets de médecine générale.» Pas en reste, le Dr Jean-Claude Régi estime que, «derrière l'affichage, la même logique prévaut». Pour le président de la FMF (Fédération des médecins de France), le scénario sombre de 2007 risque fort de se répéter : «Quoi que dise le gouvernement, on subira un objectif très serré, il sera dépassé; le comité d'alerte interviendra et on dira que les médecins libéraux sont responsables de la gabegie. Chacun sait que la seule issue, ce sont des ressources nouvelles pour l'assurance-maladie...» Un dossier des recettes qui fait figure de casse-tête pour le gouvernement à l'heure des arbitrages sur le budget 2008 de la Sécurité sociale – dont les grandes lignes seront annoncées le 24 septembre.
Côté hospitaliers, le cadrage budgétaire annoncé par Roselyne Bachelot pour 2008 est également source d'inquiétudes. «Un taux global de 2,8% ne me paraît pas crédible, c'est même très insuffisant, tranche le Dr Pierre Faraggi, président de la Confédération des praticiens des hôpitaux (CPH). Nous avons prévenu qu'il sera impossible de “passer” avec un Ondam inférieur à 3,4 ou 3,5% compte tenu des grandes difficultés que connaissent déjà les établissements pour boucler l'année 2007.» Le rééquilibrage ville/hôpital laisse ce responsable circonspect. «Au cours des deux derniers exercices, observe-t-il, caustique, les avancées tarifaires ont surtout été obtenues par la médecine de ville et les dépassements ont d'abord concerné ce secteur alors...» Le Dr Rachel Bocher, présidente de l'Intersyndicat national des praticiens hospitaliers (Inph) est tout aussi prudente. «L'Ondam hospitalier est un signal fort qui permet de savoir si les hôpitaux publics seront accompagnés ou pas dans leurs efforts, si le système pourra fonctionner, commente-t-elle. Il y a de quoi être inquiets car un rééquilibrage au profit de la ville, cela peut vouloir dire que nous serons dans le rouge, compte tenu des difficultés budgétaires actuelles. Et, sans accompagnement, les praticiens baisseront les bras...» Pour la Fédération hospitalière de France (FHF), qui représente la quasi-totalité des hôpitaux publics, un Ondam global de 2,8 % n'augure rien de bon. «L'évaluation des besoins des hôpitaux a minima , à moyens et plans constants, nous a conduits à formuler cet été une demande d'un taux de 4% pour 2008. On est donc loin du compte», explique un de ses responsables.
Roselyne Bachelot souhaitait répondre aux «attentes légitimes» des praticiens. Elle n'y est, semble-t-il, pas pleinement parvenue.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature