EN 1993, des Français publiaient dans le « Lancet » (1) un article sur l'intérêt de la mesure sanguine des précurseurs de la calcitonine, et en particulier de la procalcitonine. Ce marqueur circulant permet d'orienter le diagnostic en cas d'infection grave : il s'élève en effet de façon tout à fait spécifique lors des infections bactériennes et reste dans les limites de la normale en cas d'infection par un virus ou d'inflammation non spécifique.
Partant du constat que les infections respiratoires basses sont traitées par des antibiotiques dans plus de 80 % des cas en Suisse - et dans plus de 95 % des cas en France ou aux Etats-Unis -, alors que leur origine se répartit harmonieusement entre cause virale et cause infectieuse, des infectiologues ont mis au point une étude ouverte afin d'évaluer l'intérêt d'une prescription antibiotique guidée par la mesure d'une marqueur fiable d'infection bactérienne : la procalcitonine. Pour cela, ils ont décidé de traiter, après tirage au sort, les patients suspectés d'infection pulmonaire basse vus aux urgences soit par un traitement classique, soit par une prescription d'antibiotiques guidée par le taux de procalcitonine (pas d'antibiotiques si le taux était inférieur à 0,25 μg/l). Au total, 243 patients ont été inclus dans l'étude (119 dans le groupe traitement standard, 124 dans le groupe procalcitonine). Les médecins gardaient la possibilité de modifier leur choix de six à vingt quatre heures après l'admission. Au total, dans le groupe témoin, 99 des 119 patients ont reçu un traitement antibiotique, alors qu'ils n'ont été que 55 sur 124 dans le groupe procalcitonine.
Les médecins ont pratiqué des tests cliniques et paracliniques afin d'établir un diagnostic argumenté chez l'ensemble des patients inclus. Dans le groupe témoin, 45 patients étaient atteints de pneumopathie communautaire et ils ont tous été traités par antibiotiques ; 31 ont souffert d'une exacerbation de bronchite chronique (dont 27 ont été traités par antibiotiques), 31 de bronchite (16 traités et 15 non traités), 2 d'asthme et 9 d'autres pathologies infectieuses (tous ont bénéficié d'un traitement antibiotique). Dans le groupe procalcitonine, 42 personnes ont été atteintes de pneumopathie communautaire (38 ont été traités), 29 d'exacerbation d'une bronchite chronique (11 traités), 28 de bronchite (4 traités), 10 d'asthme (tous non traités) et 15 d'autres pathologies infectieuses (dont 13 non traités).
Des tests viraux ont été pratiqués chez 175 patients et la preuve d'une infection virale a été retrouvée chez 81 % d'entre eux. Une infection bactérienne a été détectée au sein des prélèvement bronchiques chez 21 % des patients et des prélèvements sanguins chez 16 autres patients.
Le suivi à court et à moyen terme (5,3 mois) n'a pas permis de retrouver de différence entre les deux groupes.
Ecologie microbienne et aide diagnostique.
Pour la Dr Mirjam Christ-Crian (Bâle, Suisse), « la mesure de la procalcitonine a permis de diminuer de 50 % la prescription d'antibiotiques chez les patients suspects d'infection pulmonaire basse sans conséquence majeure sur le devenir de ces patients. Outre cet intérêt en terme d'écologie microbienne, la mesure de la procalcitonine pourrait aussi représenter une aide diagnostique lorsque les autres examens paracliniques ne sont pas contributifs ».
* « The Lancet », publié en ligne le 10 février 2004.
(1) M. Assicot, D. Gendrel, H. Carsin, J. Raymond, J. Guilbaud et C. Bohuon. «The Lancet », 1993 ; 341 : 515-518.
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