LES TC GRAVES se définissent par un score de Glasgow inférieur ou égal à 8 après normalisation de l'état hémodynamique. On estime que leur incidence annuelle est de l'ordre de 25/100 000 (1). Il existe dans ce contexte une forte prédominance masculine, avec trois fois plus d'hommes – surtout des adolescents et des adultes jeunes – que de femmes touchés. Comme pour les TC de gravité moindre, les accidents de la circulation sont une des causes principales de TC graves.
Bien qu'en nette diminution depuis une quinzaine d'années, la mortalité des TC graves reste importante, allant jusqu'à 50 % dans les cas les plus graves, avec plus de la moitié des décès survenant avant l'arrivée à l'hôpital (1). Les TC graves constituent également une cause non négligeable de séquelles plus ou moins lourdes. Certaines victimes conservent un handicap sévère : la littérature récente fait état de plus de 30 000 traumatisés crâniens vivant avec des séquelles graves en France (2).
Deux éléments ont contribué à l'amélioration du pronostic des TC graves : d'une part, une meilleure compréhension des mécanismes physiopathologiques aboutissant à la mort neuronale (en particulier la sensibilité accrue du cerveau traumatisé à l'ischémie) et, d'autre part, le développement de nouvelles techniques de monitorage multimodal (3).
Toujours d'actualité.
En 1998, huit sociétés savantes concernées par le problème ont diffusé des recommandations pour la prise en charge des traumatisés graves à la phase précoce (4). Ces recommandations restent d'actualité, de l'avis du Pr Jean-Pierre Pruvo (Lille), un des membres du groupe de travail qui a participé à leur élaboration. Elles indiquent que la prise en charge préhospitalière du patient repose à la fois sur la coordination des intervenants et sur «la prévention des agressions cérébrales secondaires d'origine systémique en maintenant ou en restaurant immédiatement les fonctions ventilatoires et cardio-circulatoires». Pour ce faire, la victime est intubée et ventilée, et sa pression artérielle systolique maintenue à au moins 90 mmHg. Une sédation adaptée à l'état hémodynamique est préconisée dès la prise en charge initiale.
«Après une mise en condition préhospitalière, les patients traumatisés crâniens sévères doivent être pris en charge dans une unité spécialisée proposant un accès à l'imagerie, à un avis neurochirurgical et une poursuite de la réanimation» (3). Tout sujet présentant un TC grave doit bénéficier d'un bilan tomodensitométrique cérébral (voir page 13).
Les experts ont précisé les indications opératoires formelles à la phase précoce du TC grave, à savoir les hématomes extraduraux asymptomatiques, quelle que soit leur localisation, et les hématomes sous-duraux aigus significatifs (pour évacuation), l'hydrocéphalie aiguë (pour drainage) et les embarrures ouvertes (pour parage et fermeture immédiate).
Les pratiques en Ile-de-France.
Trois ans après la publication de ces recommandations, la Cnamts (Caisse nationale d'assurance-maladie) a voulu savoir si elles étaient bien appliquées, à travers une enquête rétrospective menée en Ile-de-France sur 215 patients avec TC grave arrivés vivants dans un établissement de santé de la région (5).
Vingt et un d'entre eux ont subi une intervention neurochirurgicale et 103 sont décédés, «au cours de la première semaine, dans 85% des cas», précisent les auteurs.
Tout en soulignant «les avancées en matière de prise en charge des traumatisés crâniens graves», ces derniers ont constaté «la persistance de certaines pratiques en désaccord avec les recommandations». Elles concernent la prescription de solutés hypotoniques (13 % des cas), dont on sait qu'ils aggravent l'oedème cérébral, l'absence d'exploration du rachis par scanner (43 % des cas), qui doit être systématique dans les TC graves, et d'information sur l'état pupillaire initial (10 % des cas), ainsi qu'une mesure de la pression intracrânienne insuffisamment réalisée (absente dans 70 % des cas). Partant de ce constat, les auteurs de l'étude concluent que «la mobilisation des professionnels reste nécessaire pour assurer à tous une prise en charge optimale».
En 2005, l'agence régionale de l'hospitalisation d'Ile-de-France a fait des propositions d'organisation de la prise en charge des TC graves visant à corriger les dysfonctionnements constatés, notamment dans cette enquête (5).
(1) Masson F. Epidémiologie des traumatismes crâniens graves. « Ann fr Anesth Réanim » 2000 ; 19 : 261-269. (2) Mathé JF et coll. Santé publique et traumatismes crâniens graves. Aspects épidémiologiques et financiers, structures et filières de soins. « Ann Fr Anesth réanim » 2005 ; 24 : 688-694.
(3) Degos V et coll. Controverses thérapeutiques concernant la prise en charge du patient traumatisé crânien sévère. 47e Congrès de la Société française d'anesthésie-réanimation (Sfar). « Les Essentiels » 2005, p. 419-432. Editions Elsevier.
(4) Prise en charge des traumatisés crâniens graves à la phase précoce. Recommandations pour la pratique clinique. Anaes, janvier 1998.
(5) Van Haverbeke L et coll. Traumatismes crâniens graves de l'adulte : prise en charge à la phase précoce en Ile-de-France. « Rev Med Ass Maladie » 2004 ; 35 : 19-25.
(6) Dossier Sross III – Volet traumatisés crâniens », 16 octobre 2005.
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