La réunion de consensus qui s’est tenue en mars 2006 était organisée par la Société de pathologie infectieuses de langue française (Spilf) avec la participation de nombreuses autres sociétés savantes ou structures. L’objectif de cette conférence n’était pas de réactualiser les données publiées en 1991 et qui avaient été révisées deux fois, mais de s’adapter à une évolution de l’épidémiologie des bactéries, à des modification des résistances et à prendre en compte la mise à la disposition des prescripteurs de nouvelles molécules antibiotiques.
«Les experts ont souligné que le diagnostic des pneumonies aiguës reste difficile. Il repose sur un faisceau d’arguments cliniques (toux, dyspnée, douleur latérothoracique, expectoration, fièvre, tachycardie, polypnée, matité focalisée, foyer de crépitants) et radiologiques (opacités alvéolaires systématisées, interstitielles ou péribronchiques). L’examen cytobactériologique des crachats ne doit pas être réalisé en ambulatoire, du fait de difficultés pratiques, mais il garde sa place chez les patients hospitalisés», explique le Pr Christian Chidiac, hôpital de la Croix-Rousse, Lyon. Pour les pneumonies acquises en ville, en dehors d’une institution, les experts ont estimé qu’il est inutile de proposer un bilan microbiologique, alors que, pour les patients hospitalisés en dehors des services de réanimation, outre les hémocultures et l’Ecbc, la détection des antigènes urinaires pneumocociques n’est pas recommandée d’emblée. Une recherche d’antigènes de légionelle n’est indiquée que chez les patients présentant des signes évocateurs, une instabilité hémodynamique, une hypoxémie ou en situation épidémique. En réanimation, un bilan microbiologique exhaustif doit être effectué. «Tous les patients atteints doivent en outre bénéficier d’une réévaluation clinique entre 48 et 72heures après la mise en place du traitement initial. L’absence de réponse clinique –en particulier de défervescence– reste une indication au recours à l’imagerie thoracique (scanner en général) à la recherche d’une complication ou d’arguments pour une modification du diagnostic initial», explique le Pr Chidiac.
Dès le diagnostic de pneumonie aiguë communautaire établi, il convient d’en déterminer la gravité afin de choisir le lieu de sa prise en charge. La gravité est systématiquement appréciée sur l’association de facteurs cliniques et de comorbidités. Le praticien doit donc rechercher les conditions préexistantes qui compromettent le succès du traitement ambulatoire : instabilité hémodynamique, décompensation d’une comorbidité préexistante nécessitant l’hospitalisation, hypoxémie aiguë, problèmes d’ordres sociaux ou psychiatriques et incapacité à l’absorption d’un traitement peros. L’évaluation se trouve renforcée par le calcul des scores spécifiquement dédiés à ce type de pneumonies. Ceux-ci sont au nombre de quatre : score de fine (PSI), le CRB65, les règles de la British Thocaric Society (BTS) et celles de l’American Thorax Society (ATS). Le PSI permet de confirmer le possibilité de prise en charge extra-hospitalière (classe I ou II). Les scores CRB 65, BTS et ATS paraissent plus pertinents dans l’aide à la décision d’une prise en charge en réanimation.
La question de la prise en charge thérapeutique a aussi donné lieu à des débats d’experts. «La pneumonie aiguë communautaire est une urgence, dont le traitement est le plus souvent probabiliste. Le diagnostic étiologique n’est porté en hospitalisation que dans 50% des cas. Si le pneumocoque reste le germe à prendre en compte de façon prioritaire, chez les sujets âgés, l’incidence des bacilles à Gram négatif et des staphylocoques n’est pas négligeable. La présence des virus est probablement sous-estimée et les techniques de biologique moléculaire devraient contribuer à l’avenir à une meilleure appréciation de l’impact des virus dans les pneumonies communautaires», continue le Pr Chidiac. A ce jour, la moitié environ des pneumocoques sont soit de sensibilité diminuée, soit résistants à la pénicilline G. «L’amoxicilline reste néanmoins parfaitement efficace au cours des pneumonies à S. pneumoniae , même si leur sensibilité à la pénicillineG est diminuée. Par ailleurs, il n’existe pas à ce jour d’échec clinique lié à des souches de S. pneumoniae résistantes au céfotaxime et à la ceftriaxone. Cela n’est pas le cas des macrolides, et en raison de la forte prévalence des souches résistantes, il n’y a pas d’indication à utiliser les macrolides pour le traitement probabiliste des pneumonies communautaires, et a fortiori si une étiologie pneu- moccique est suspectée. La télithromycine possède un profil favorable du fait du peu de résistances vis-à-vis du pneumocoque détectées à ce jour. Les fluoroquinolones antipneumococciques (lévofloxacine et moxifloxacine) possède des caractéristiques in vitro particulières –spectre étendu, niveau de résistances limité. Cependant, l’utilisation large des molécules de cette classe pourrait exposer à l’émergence de souches de pneumocoques résistants», ont souligné plusieurs experts. Les experts ont enfin ajouté que 98 % des souches de H.influenzae restent sensibles à l’association amoxicilline-acide clavulanique et que les légionelles sont constamment sensibles aux fluoroquinolones, aux macrolides, à la rifampicine et à la télithromycine.
Le traitement antibiotique est choisi, en ville ou à l’hôpital en dehors des services de réanimation et de soins continus, en fonction de la présentation clinique et d’arguments probabilistes. Les patients doit être réévalués dans les 48 à 72 heures suivant la mise en place du traitement ( cf. encadrés). Lorsque le patient est admis en unité de soins continus ou en réanimation, le traitement antibiotique doit débuter rapidement (avant la quatrième heure suivant l’admission) car tout retard thérapeutique peut se révéler délétère. Pendant que les investigations à visée étiologique sont débutées, un traitement probabiliste à large spectre administrable par voie intraveineuse, actif sur les pyogènes, les légionelles et les germes atypiques, doit être mis en place.
Pour les sujets jeunes sans comorbidités, le traitement peut être fondé sur l’association céfotaxime ou ceftriaxone et macrolides ou fluoroquinolone antipneumocociques, alors que pour les sujets plus agés ou souffrant de comorbidités la céfotaxime ou la ceftriaxone sera associée de façon systématique aux fluoroquinolones antipneumocociques.
D’après un entretien avec le Pr Christian Chidiac, hôpital de la Croix-Rousse, Lyon.
Pneumonies présumées virales
En période de circulation de virus influenzae, un groupe de travail de la Spilf préconise chez l’adulte et l’enfant dès l’âge de 1 an, à risque de grippe compliquée, et quel que soit leur statut vaccinal, un traitement par inhibiteur de la neuraminidase. Ce traitement doit être mis en place le plus tôt possible dans les 48 heures suivant l’apparition de la symptomatologie.
Antibiothérapie probabiliste des PAC en ambulatoire | ||
1er CHOIX | ÉCHEC AMOXICILLINE A 48 H | |
Sujets jeunes sans comorbidité (s) | amoxicilline 1 g w 3/j PO Ou pristinamycine 1 g x 3/j PO Ou télithromycine 800 mg/j PO |
macrolide Ou pristinamycine 1 g x 3/j PO Ou télithromycine 800 mg/j PO |
Sujets âgés sans comorbidité (s) | amoxicilline 1 g x 3/j PO Ou pristinamycine 1 g x 3/j PO Ou télithromycine 800 mg/j PO |
macrolide Ou pristinamycine 1 g x 3/j PO Ou télithromycine 800 mg/j PO |
Sujets âgés avec comorbidité(s) | amoxicilline ac. Clav. 1 g x 3/j PO Si en institution : amoxicilline ac. Clav. 1 g x 3/j O Ou ceftriaxone 1 g/j IM/V/SC Ou FQAP :lévofloxacine 500 mg/j PO moxifloxacine 400 mg/j PO |
fluoroquinolone (FQAP) lévofloxacine 500 mg/j PO Ou moxifloxacine 400 mg/j PO |
Antibiothérapie probabiliste des PAC non sévères hospitalisées(SAU, service de médecine) | |||
ARGUMENTS EN FAVEUR DU PNEUMOCOQUE | PAS D'ARGUMENTS EN FAVEUR DU PNEUMOCOQUE | ||
1er choix | Si échec ß-lactamine à 48 h | ||
Sujets jeunes sans comorbidité | amoxicilline 1 g x 3/j PO/perfusion IV | amoxicillline 1 g x 3/j PO/perf IV Ou pristinamycine 1 g x 3/j PO Ou télithromycine 800 mg/j PO |
Associer un macrolide Ou substitution par télithromycine ou pristinamycine |
Sujets âgés sans comorbidité (s) | amoxicilline 1 g x 3/j PO/perfusion IV | amoxicilline ac. Clav. 1 g x 3/j PO-perf. Ou céfotaxcime 1 g x 3/j perf IV Ou ceftriaxone 1 g/j IV Ou FQAP (lévofloxacine 500 mg x 1 à 2/j PO Ou moxofloxacine 400 mg/j PO |
Associer un macrolide Ou substitution par télithromycine ou pristinamycine |
Sujets âgés avec comorbidité (s) | Amoxicilline 1 g x 3/j PO/perfusion IV | amoxicilline ac. Clav. 1 g x 3/j perf IV Ou céfotaxime 1 g x 3/j perf IV Ou ceftriaxone 1 g/j IV Ou FQAP (lévofloxacine 500 mg x 1 à 2/j PO Ou moxifloxacine 400 mg/j PO) |
Associer un macrolide Ou substitution par télithromycine ou pristinamycine |
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature