« Pour être réellement efficace au niveau européen, la lutte contre le cancer ne peut se cantonner à des plans nationaux indépendants ; les spécialités et le savoir-faire de chaque Etat membre doivent travailler de concert », recommande le Pr Thomas Tursz, directeur de l'institut Gustave-Roussy à Villejuif. Propos tenus lors du 4e Congrès de l'Union internationale contre le cancer (UICC), à Paris, au cours duquel s'est déroulé le premier débat en France sur la dimension européenne de la prise en charge du cancer.
Parmi les quinze pays de l'Union européenne, cinq ont déjà lancé un « plan cancer » national depuis 1976 : le Royaume-Uni, le Danemark, la France, l'Irlande et l'Italie. En dehors de l'Union européenne, il faut ajouter la Norvège. Au programme d'un tel plan, dépistage, prévention, recherche, épidémiologie, formation des professionnels et information du public, développement du soutien psychologique des patients... Le rapport sur la prévention du cancer en Europe, présenté officiellement le 19 septembre 2001, souligne l'incontestable utilité de ces plans. En effet, la réduction la plus importante des cas de mortalité dus au cancer est observée dans les pays ayant adopté un tel programme.
Par exemple, il a été établi que l'augmentation de la taxe sur les cigarettes ou le dépistage du cancer de l'utérus ont contribué à réduire le nombre de cancers bronchiques et utérins.
Pour autant, le plan cancer national ne résout pas tous les problèmes. D'abord, parce que la majorité des pays européens n'en est pas dotée. Ensuite, parce que, d'un Etat à l'autre, persistent des variations considérables en ce qui concerne la survie et la fréquence des cancers pulmonaire, du sein, de l'utérus et colorectal.
Les dernières statistiques concernant le cancer en Europe remontent à 1990 : 1 350 000 nouveaux cas et 900 000 décès. Les professionnels de la santé s'accordent à penser que, depuis, ces chiffres n'ont cessé d'augmenter. D'où l'urgente nécessité de coordonner les efforts à l'échelon supranational pour lutter contre cet ennemi public numéro un.
Une vision globale du patient
Le souhait d'une union européenne pour lutter contre le cancer n'est pas nouveau : le projet Europe contre le cancer, en place depuis des années, en est la preuve. Son efficacité a pu être observée par rapport à la réduction du tabagisme et à l'éducation alimentaire. Toutefois, son action reste limitée à trois domaines : la prévention, le dépistage et l'épidémiologie. Or, actuellement, la cancérologie est perçue comme une discipline très complexe, qui nécessite l'intervention de nombreux acteurs. Pas seulement des médecins, des chirurgiens et des radiothérapeutes, mais également des infirmières, des chercheurs, des psychologues, des sociologues et des économistes. Le but est de parvenir à avoir une vision « globale » du patient, dans un contexte social donné. Et c'est précisément à ce niveau que le bât blesse.
« A l'heure de la monnaie unique, il nous faut une politique de santé commune qui intègre une prise en charge du patient en tant que personne », confirme Marie-Agnès Moulin, de la Ligue française de lutte contre le cancer. « Une étude récente indique que lors de la"consultation d'annonce",l'oncologue interrompt le discours de son patient au bout de 18 secondes... Il faut légiférer à l'échelle européenne pour humaniser la médecine. » Perspective rendue possible depuis le traité de Nice (12 décembre 2000), qui introduit la réalisation de projets européens en matière de santé. Ainsi pourra-t-on mettre un terme aux idées reçues dans certains pays, qui veulent qu'en traversant les frontières on puisse obtenir des traitements moins chers et plus rapidement chez nos voisins.
A cette fin, un institut européen de lutte contre le cancer devrait voir le jour prochainement, en deux étapes. Virtuellement, dès 2002, avec la réalisation de deux ou trois objectifs majeurs, tels que l'information des patients et la qualité des soins. Puis, réellement, en 2007, lors du lancement du 7e plan européen. Alors seulement pourra être envisagée une politique européenne de lutte contre le cancer qui soit efficace.
Pour plus d'informations sur les statistiques du cancer en Europe : www-dep.iarc.fr.
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