Rôle pathogène
Les ANCA sont retrouvés chez 90 % des patients atteints de maladie de Wegener (essentiellement des c-ANCA dirigés contre la protéinase 3), 80 % des patients atteints de micropolyangéite (surtout des p-ANCA de spécificité antimyéloperoxydase) et plus d'un tiers des patients atteints de syndrome de Churg et Strauss (essentiellement des p-ANCA dirigés contre la myéloperoxydase). Le suivi de ces vascularites nécessite le dosage tous les 3 mois de ces autoanticorps qui peuvent constituer un marqueur d'activité de la maladie. Ces ANCA ont un rôle pathogène tout à fait démontré. Cette reconnaissance a amené de nouvelles stratégies thérapeutiques.
Objectifs de prise en charge
Le groupe français d'étude des vascularites coordonné par le Pr Loïc Guillevin a permis d'homogénéiser en France la prise en charge des patients souffrant de vascularite nécrosante. L'identification de centres de référence et de centres de compétences pour les maladies systémiques auto-immunes va permettre la mise à disposition d'un protocole national de diagnostic et de soins (PNDS) pour les vascularites systémiques.
L'objectif principal dans la prise en charge thérapeutique des patients atteints de vascularite à ANCA n'est plus aujourd'hui uniquement centré sur l'obtention de la rémission ou de la guérison. Il faut en plus choisir le traitement le plus adapté et l'ajuster afin d'obtenir par ailleurs :
– une diminution des rechutes (qui sont de l'ordre de 10 à 20 % pour la micropolyangéite et de l'ordre de 50 % à cinq ans pour la maladie de Wegener) ;
– une limitation des séquelles liées à la maladie ;
– une limitation des effets indésirables et des séquelles liés au traitement ;
– une amélioration des paramètres de qualité de vie qui ont été affectés par la maladie ;
– le maintien de l'insertion socioprofessionnelle et/ou le retour rapide à l'activité sociale et/ou professionnelle.
Aujourd'hui, la prise en charge des patients atteints de vascularite à ANCA doit être multidisciplinaire et coordonnée par un médecin hospitalier en liaison avec un centre de référence et/ou de compétence et le médecin de famille.
Eduquer et informer
L'éducation thérapeutique du patient et de son médecin de famille est indispensable à une bonne prise en charge et va améliorer l'adhérence au traitement et en limiter les effets indésirables.
L'information doit porter sur les symptômes de la maladie, sur les traitements prescrits et leurs effets indésirables, sur les examens de surveillance et de dépistage qui sont nécessaires. Les séances de formation individuelle ou collective sur la corticothérapie sont mises en place dans certains centres comme le nôtre. La mise à jour du carnet de vaccination est indispensable en évitant formellement les vaccins vivants atténués lorsque le traitement corticoïde et immunosuppresseur a été institué (BCG, fièvre jaune, polio oral, rougeole, rubéole, oreillons). La vaccination antipneumococcique est vivement recommandée ainsi que la vaccination antigrippale avant l'hiver.
Il faut aussi souligner le rôle important que peuvent jouer les associations de patients qui apportent des informations sur la maladie, mettent en contact certains patients, apportent des aides et des conseils médico-sociaux ou administratifs. Ils peuvent aider à une meilleure adhésion thérapeutique des patients.
Traiter
•Maladie de Wegener
Le traitement de la maladie de Wegener relève d'un traitement corticoïde toujours associé aux immunosuppresseurs en attaque pour obtenir la rémission, habituellement le cyclophosphamide. Le méthotrexate en première ligne est parfois proposé dans les formes limitées ou localisées de la maladie. L'utilisation du cyclophosphamide par voie I.V. est aujourd'hui validée, il est aussi efficace que la forme orale pour obtenir la rémission, avec moins d'effets indésirables. Les différents protocoles thérapeutiques coordonnés par le Pr Loïc Guillevin du groupe français d'étude des vascularites (GFEV, http://www.vascularite.com) ont permis de bien standardiser aujourd'hui des modalités thérapeutiques de cette maladie :
– corticothérapie en attaque à la dose de 1 mg/kg/j de prednisone durant 3 à 4 semaines après éventuellement des bolus de méthylprednisolone (1 g, trois jours consécutifs, ou 15 mg/kg/j), puis décroissance progressive sur une durée de 12 à 18 mois ;
– cyclophosphamide à la dose habituellement de 600 mg/m2 adaptée en fonction de l'âge et de la fonction rénale sans dépasser la dose de 1,2 g/bolus tous les 15 jours pendant 1 mois, puis 750 mg/m2 adaptée en fonction de l'âge et de la fonction rénale sans dépasser la dose de 1,2 g/bolus, toutes les 3 semaines (au minimum 3 mois de traitement, soit 5 ou 6 bolus, au maximum 12 bolus).
Alors que, il y a une dizaine d'années, le cyclophosphamide était maintenu pendant au moins 18 mois, aujourd'hui, afin d'en limiter les effets indésirables lorsque la rémission est obtenue, un relais peut être réalisé avec l'azathioprine ou le méthotrexate ou le mycophénolate mofétil pendant 18 à 24 mois au minimum.
L'information et l'éducation permettent aujourd'hui de réduire les effets indésirables de la corticothérapie au long cours en limitant la durée des traitements d'attaque, en réduisant rapidement les doses jusqu'à une dose minimale efficace et en assurant un suivi métabolique et densitométrique régulier. L'adjonction au traitement vitaminocalcique de bisphosphonates chez des patients ayant un T-score < – 1,5 constitue une avancée thérapeutique notable pour limiter la fréquence et la conséquence de l'ostéoporose cortisonique.
•Micropolyangéite et syndrome de Churg et Strauss
Pour la micropolyangéite et le syndrome de Churg et Strauss, le traitement validé comprend toujours une corticothérapie sous la forme de prednisone par voie orale à la dose de 1 mg/kg/j. Selon la gravité, des bolus intraveineux de méthylprednisolone doivent être proposés en attaque. Après un traitement de 3 à 4 semaines, si la rémission clinique est obtenue, la corticothérapie pourra être diminuée progressivement pour atteindre 10 mg/j au 6e mois environ. Il n'y a pas de schéma de décroissance validé au niveau international ; les auteurs anglo-saxons privilégient des traitements courts de 6 mois, les auteurs européens plutôt des schémas allant sur 12 à 18 mois.
Pour les immunosuppresseurs, ils sont parfois associés systématiquement à la corticothérapie dans les micropolyangéites diffuses selon un schéma identique à la maladie de Wegener. Dans les autres cas, ils sont proposés en cas de corticorésistance ou en fonction du score pronostique FFS. Si ce score de gravité est ≥ 1 (encadré), le cyclophosphamide sera choisi en priorité selon le même schéma que la maladie de Wegener. Le syndrome de Churg et Strauss, lorsque la vascularite est contrôlée et mise en rémission, il n'est pas exceptionnel que la maladie asthmatique évolue ensuite pour son propre compte et justifie de poursuivre au long cours une corticothérapie à faible dose.
Avancées thérapeutiques
Plusieurs avancées thérapeutiques observées ces dernières années sont à signaler :
– les immunoglobulines polyvalentes ont démontré dans un essai randomisé qu'elles aidaient à la mise en rémission des patients n'ayant pas répondu aux traitements de première ligne de référence des vascularites à ANCA ;
– les biothérapies comme l'infliximab (anti-TNF) ou le rituximab (anti-CD20) sont en cours d'évaluation dans les vascularites à ANCA et constituent des alternatives thérapeutiques prometteuses.
Des progrès notables ont été faits sur la prévention des infections. Celle-ci repose sur la surveillance clinique et biologique avec en particulier un contrôle régulier du taux de lymphocytes, voire des lymphocytes T CD4. Aujourd'hui, les patients sous cyclophosphamide sont mis de manière systématique sous triméthoprime 80 mg/j + sulfaméthoxazole 400 mg/j trois fois par semaine ; en cas d'allergie aux sulfamides, des aérosols de pentamidine sont réalisés toutes les 3 à 4 semaines. La vaccination antipneumococcique doit être systémique, de même que les vaccins antigrippaux ou anti- Haemophilus influenzae sont fortement conseillés. Chez les patients atteints de syndrome de Churg et Strauss, la vaccination doit être discutée au cas par cas.
Des progrès ont par ailleurs été réalisés dans la prévention de la stérilité liée aux immunosuppresseurs, en particulier avec le cyclophosphamide. Un prélèvement au Cecos doit être proposé systématiquement à l'homme et une protection gonadique par progestatifs doit être systématiquement proposée à la femme.
Au total
En conclusion, les vascularites à ANCA sont des pathologies rares dont l'incidence va de 2,4 à 10 cas par million d'habitants. Ces affections engagent le pronostic vital avec des taux de survie à 5 ans qui varient de 90 % environ en l'absence de critère de gravité à 50-60 % en présence de plus de deux critères de gravité. Des progrès thérapeutiques sont donc encore nécessaires pour espérer améliorer le pronostic de ces maladies.
Score pronostique FFS (Five Factor Score)
• Protéinurie > 1 g/24 h.
• Créatininémie > 140 µmol/l.
• Atteinte gastro-intestinale spécifique.
• Cardiomyopathie spécifique.
• Atteinte neurologique centrale spécifique.
1 point pour chacune de ces caractéristiques si présente(s).
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