Algorithme décisionnel
La rate est l’organe le plus fréquemment atteint lors de traumatismes fermés de l’abdomen.
Initialement développé pour les lésions les moins sévères, le traitement non opératoire des traumatismes de rate s’est peu à peu imposé pour des lésions plus graves. Il permet à la fois d’éviter les complications postopératoires (hémorragie du site opératoire, abcès phréniques, pancréatites, fistules pancréatiques, complications thrombotiques), ainsi que les complications infectieuses tardives. Chez l’enfant, 95 % des traumatismes spléniques sont traités de façon non opératoire et de 55 à 80 % des traumatismes de rate de l’adulte bénéficient d’un traitement non opératoire. Ce choix requière un algorithme décisionnel rigoureux : stabilité hémodynamique, bonne qualité de la surveillance clinique et de l’imagerie, absence de lésions associées nécessitant une laparotomie.
Grade de Moore
Une importante étude rétrospective (EAST) rapporte l’expérience de 27 « Trauma Centers » des Etats-Unis sur la prise en charge de 1 448 traumatismes fermés de rate chez l’adulte. Dans cette étude, plus les lésions spléniques étaient importantes, moins le traitement non opératoire était réalisable. En effet, c’est en fonction de la gravité de l’atteinte (grades I, II, III, IV et V de Moore) que le traitement non opératoire a pu ou non être réalisé avec succès (respectivement dans 75 %, 70 %, 49 %, 17 % et 1 % des cas). Dans tous les cas, un accès rapide au bloc opératoire est indispensable afin de réaliser, si nécessaire, une laparotomie différée dans de bonnes conditions.
Quand la chirurgie s’impose
Dans les heures qui suivent le traumatisme, les causes principales de laparotomie sont la persistance de l’hémorragie, une péritonite due aux lésions associées et un syndrome du compartiment abdominal beaucoup moins fréquent que dans les traumatismes du foie. De manière plus tardive peuvent apparaître un hématome sous-capsulaire persistant, un pseudo-anévrisme ou un pseudo-kyste. Les risques de rupture d’hématome sous-capsulaire tardif, d’une part, et de pseudo-anévrismes, d’autre part, sont à leur maximum les quatre premiers jours après le traumatisme, puis décroissent lentement. Une hospitalisation d’au moins cinq jours est requise.
En présence d’une défaillance hémodynamique, la splénectomie demeure le geste le plus simple qui sauvera la vie du patient. L’indication de splénectomie totale est impérative lorsqu’il existe un état de choc hémorragique et/ou une hypothermie avec un risque de coagulopathie. L’exérèse de la rate s’intègre alors dans une stratégie chirurgicale de laparotomie écourtée. Une splénectomie totale est raisonnable lorsque la rate est très lésée et présente des signes d’hémorragie active (Moore IV-V) chez un patient de plus de 55 ans car le taux de sauvetage est alors très bas. Elle est également indiquée à titre préventif chez le patient polytraumatisé présentant une lésion splénique et qui va devoir subir en urgence une chirurgie orthopédique prolongée, avec un positionnement sur la table opératoire rendant impossible une laparotomie. En postopératoire, le risque de thrombocytose justifie une surveillance clinique échographique et biologique (numération des plaquettes). Du fait d’infections fulminantes pouvant survenir tout au long de sa vie, le patient splénectomisé doit être vacciné et bénéficier d’une éducation afin de réagir correctement en cas de syndrome fébrile.
Traitements chirurgicaux conservateurs
Ils sont multiples. Les agents hémostatiques ne sont efficaces que sur les lésions spléniques les moins sévères Moore I à III. La splénectomie partielle est parfois simple à réaliser si l’anatomie est favorable et lorsque le traumatisme ne concerne qu’un des deux pôles. Elle doit laisser en place au moins 25 % et, idéalement, 50 % du parenchyme splénique avec un flux artériel suffisant, pour permettre une fonction immunologique correcte. Le filet périsplénique est une prothèse résorbable permettant de réaliser une compression hémostatique respectant le pédicule. Dans les mains expérimentées, les résultats immédiats de la prothèse sont comparables à ceux de la splénectomie totale, mais les données expérimentales sont en faveur d’un risque très accru d’infections abdominales chez les animaux porteurs de prothèses périspléniques.
Avec l’essor de l’embolisation, l’incidence des techniques réparatrices tend à diminuer. Les indications d’angiographie et d’embolisation splénique varient selon les équipes. Schématiquement, les possibilités d’utiliser l’angiographie sont les suivantes : haut risque de décompensation chez un patient stable ne présentant pas de signes d’hémorragie active (pseudoanévrisme, atteinte Moore III-V et hémopéritoine abondant, hémorragie distillante et nécessité de transfusion, nécessité d’intervention orthopédique en urgence) et extravasation de produit de contraste au scanner chez un patient relativement stable. Néanmoins, si l’artériographie avec embolisation augmente le taux de sauvetage de rate, les indications de cette approche demandent à être rigoureusement évaluées.
D’après les communications de C. Arvieux, C. Letoublon, R. Jancovici, I. Bricault, F. Guillon, F. Pons et C. Sengel lors du 108e Congrès français de chirurgie (Paris).
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