C'est à Villeneuve-lès Avignon (Gard), sur les terres du Dr Yves Léopold – médecin généraliste décédé l'an dernier qui fut lanceur d'alerte sur la prévalence du suicide chez les médecins – que l'Ordre et sept associations référentes* d'entraide ont lancé le programme aide solidarité soignant (PASS), samedi 10 mars.
Ce dispositif national associe un numéro vert gratuit et confidentiel (0800 800 854), ouvert tous les jours 24H/24, et une fédération de forces associatives constituant un réseau de soutien proximité (médecins, juristes, commission d'entraide, etc.). « Un psychologue est au bout du fil pour une discussion de 30 à 45 minutes, illustre le Dr Jacques Morali, président de la commission d'entraide de l'Ordre national des médecins. Si le médecin en difficulté en a envie, il sera dirigé vers la structure de son choix : une association d'entraide ou une unité de soins pour les professionnels de santé dont la première est née ici à la clinique Belle Rive de Villeneuve. Enfin, un "suicidant" sera dirigé vers le centre 15 ».
À l'heure où un tiers des praticiens seulement ont un médecin traitant déclaré, les unités d'hospitalisation de soins pour les professionnels de santé (USPS) ont une obligation de prise en charge dans les 72 heures grâce à une permanence d'accueil et de réception. Chaque unité se positionne comme un recours de proximité, en articulation avec les autres acteurs de la filière (des consultations spécialisées par exemple).
Le rôle d'alerte des confrères
Au-delà des structures dédiées, c'est une culture de la prise en charge des professionnels en souffrance qui se diffuse. Créé en 2016, le DIU « soigner les soignants » dispensé à Paris-Diderot et Toulouse-Rangueil témoigne de la prise de conscience (33 personnes ont été formées à ce jour). « Il faut faire attention à ne pas être soigné par un copain qui peut ne pas tout voir chez un ami, met en garde le Pr Eric Galam (Paris-Diderot), un des premiers praticiens à s’être intéressé à la question du médecin en tant que patient. En revanche, s'il ne doit pas avoir un rôle de soignant, le copain/confrère a un rôle d'alerte ».
« Au CHU de Toulouse, parmi les soignants, on compte 47 % d'absence pour maladie soit 5 700 jours d'absence médicale », détaille le Pr Laurent Schmitt, psychiatre au CHU, président de la CME. Il nous encore manque des données sur la santé dans nos professions, les internes par exemple passent au travers des diagnostics. Il faut analyser comment de jeunes professionnels en souffrance peuvent être repérés », souligne-t-il en pointant le déni dont les médecins font souvent preuve vis-à-vis de leur propre maladie.
Le Dr Thierry Lardenois, président de la Caisse autonome de retraite des médecins de France (CARMF), met les choses en perspective. « Il ne faut pas toujours pointer la responsabilité du médecin dans le déni de sa maladie. Il y a, dans le public comme dans le privé, une pression des chiffres et du résultat. Cette pression sans précédent ne pousse pas forcément à faire tout ce que l'on peut pour soi-même. »
Parmi les initiateurs du PASS, le Dr Jean Thévenot, obstétricien à la clinique Ambroise-Paré de Toulouse et président de l'Ordre de Haute-Garonne, veut croire que cette fédération des associations d'entraide permettra d'apporter « une réponse de proximité et uniforme sur le territoire aux personnels soignants qui en ont besoin. »
*AAPMS (Association d'aide professionnelle aux médecins et aux soignants), APSS (Association pour les soins aux soignants), ARENE (Association régionale d'entraide du Nord Est), le réseau ASRA (Aide pour les soignants en Rhône-Alpes), ASSPC (Association santé des soignants de Poitou-Charentes), ERMB (Entraide régionale des médecins de Bretagne), MOTS (Médecin organisation travail santé).
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