La fréquence des métastases cérébrales est en augmentation (un tiers des patients atteints de cancer) compte tenu de l’allongement actuel de la survie des patients polymétastatiques, en cours de chimiothérapies efficaces, mais à faible accessibilité cérébro-méningée.
Le diagnostic est souvent établi à partir de signes cliniques d’appel : une hypertension intracrânienne avec céphalées (50 %), vomissements, troubles visuels, un déficit focalisé avec hémiparésie (30 %), troubles du langage, vertiges... une épilepsie ou une désorientation temporo-spatiale, voire une asthénie rebelle inexplicable... L’extension cérébrale, établie au mieux à partir d’une IRM cérébrale (ou un scanner), est plurifocale, c’est-à-dire avec de multiples métastases, dans 80 % des cas, et à localisation préférentielle sus-tentorielle hémisphérique. Les patients porteurs de métastases cérébrales sont hétérogènes et donc à pronostics différents : dans l’histoire naturelle de la maladie, avec 50 % de ces métastases liées à des cancers primitifs bronchiques, 15 % à des cancers primitifs mammaires ; et dans le délai médian entre le diagnostic de la tumeur primitive et l’apparition des métastases cérébrales, avec 2,5 mois dans les cancers bronchiques et 2,5 ans dans les cancers mammaires.
Survie médianeCes patients avec métastases cérébrales ont une survie médiane de 1 mois sans traitement et de 2 mois sous corticoïdes (groupe pronostique du RTOG de classe 3). Le traitement usuel repose, certes, sur une radiothérapie encéphalique palliative, mais ont été développées plus récemment des associations radiothérapie-chimiothérapie/radiothérapie-chirurgie performantes et la radiochirurgie, avec quelques patients long survivants.
Cas des métastases cérébrales multiplesLa radiothérapie externe de l’encéphale in toto (EIT) reste à ce jour le traitement standard. Cette irradiation est réalisée sur le plan technique à l’aide d’un accélérateur de haute énergie (4-8 MV) par deux faisceaux latéraux opposés, couvrant l’ensemble de l’encéphale et dessinés sur un masque thermoformé lors d’une séance de simulation-centrage. La dose-intensité délivrée habituellement est de 30 grays/10 fractions/douze jours (avec 3 Gy par fraction), meilleur compromis actuel entre tolérance et amélioration symptomatique : à taux de réponse identique, les traitements moins concentrés (sur quatre semaines) ont une réponse plus lente pour une pénibilité supérieure au quotidien et le flash très concentré en une séance a une tolérance immédiate moindre.
L’irradiation par EIT, utilisée comme seul traitement de métastases cérébrales multiples, permet d’obtenir une médiane de survie de trois à cinq mois (classe 2). Des études en cours montrent un gain de réponse significatif de l’irradiation EIT associée à une chimiothérapie (fotémustine ou témozolomide) sans répercussion mesurable sur la survie médiane à ce jour.
La tolérance immédiate de l’EIT est généralement acceptable, sous couvert d’une corticothérapie (par exemple 1 mg/kg/j/quinze jours, puis 0,5 mg/kg/j/quinze jours, puis baisse dégressive sur deux-trois mois), commencée dès le diagnostic par imagerie, entre trois et sept jours avant le début de l’irradiation. En effet, la symptomatologie neurologique en cours d’irradiation est transitoirement majorée dès la fin des séances de radiothérapie, évoquant un retour à l’état neurologique antérieur tel qu’il était observé juste avant la mise sous corticoïdes, et ce pendant une durée de une à deux semaines : cette observation impose régulièrement la réaugmentation transitoire de la corticothérapie. Cette corticothérapie modérée, mais de plusieurs semaines, est associée à la prescription usuelle de régime désodé, de potassium (DiffuK), d’inhibiteur de la pompe à proton (oméprazole), et d’antiépileptique ; et d’une surveillance classique tensionnelle, glycémique... La plupart des patients présentent dès la fin des séances de radiothérapie une alopécie transitoire de trois à six mois.
Les complications à long terme de l’irradiation cérébrale, de type EIT, chez les rares patients survivants, sont le plus souvent acceptables. Des effets sévères ont cependant été décrits de type détérioration cérébrale avec démence/atrophie cérébrale ou radionécrose avec atteinte neurologique focale, en grande partie influencées par l’âge du patient, l’étendue des métastases et l’existence préalable d’un déficit neurologique.
Cas de métastase cérébrale uniqueEn cas de métastase cérébrale unique, les patients en bon état général (indice de Karnovsky 70), sans maladie générale évolutive (classe 1), peuvent bénéficier, lorsqu’ils sont traités, d’une médiane de survie de quatorze mois. En effet, des options thérapeutiques agressives focales ont été récemment développées, permettant un gain substantiel en qualité de vie et en survie, comparées à une irradiation de type EIT isolée, du fait d’une action thérapeutique focale sur la lésion. Le traitement local peut être alors une résection chirurgicale, une radiothérapie stéréotaxique (appelée « radiochirurgie ») ou un complément de radiothérapie usuelle dans un volume limité, associé de préférence avec une irradiation cérébrale de type EIT.
La résection cérébrale chirurgicale en conditions stéréotaxiques de la métastase unique est un bon traitement lorsque la lésion est accessible et résécable (peu de risque neurologique) et qu’il n’y a pas (ou plus, car contrôlée) de maladie cancéreuse systématique évolutive, et/ou qu’une vérification histologique s’impose.
La radiochirurgie est une radiothérapie réalisée en centre spécialisé, qui permet de délivrer, grâce à une contention par un cadre stéréotaxique, une forte dose de rayons en peu de séances (15-20 Gy/1 fraction), à l’aide de minifaisceaux (diamètre moyen de 2 cm), dans un volume réduit à la tumeur, avec une marge de sécurité de 1 mm. La radiochirurgie peut être réalisée en zone chirurgicalement inaccessible, avec d’aussi bons résultats que la chirurgie d’exérèse, pour des lésions de moins de 3 cm ou moins de trois lésions groupées. Les principales complications sont la radionécrose cérébrale en zone irradiée (10 %) et l’?dème cérébral pour les lésions volumineuses (5 %).
Ces gestes locaux sont à ce jour complétés ou précédés par une irradiation cérébrale associée de type EIT prophylactique, afin de réduire le risque de rechute intracérébrale dans le lit opératoire ou adjacent, qui peut atteindre 50 % des patients en cas de traitement par geste local exclusif. En effet, ce risque de reprogression tumorale peut représenter un danger plus grand que le risque thérapeutique séquellaire éventuel, en fréquence comme en intensité. Ces données sont actuellement débattues dans la littérature. Les taux de survie après traitement local de ce type peuvent être de 30 % à un an, 15 % à deux ans et moins de 5 % à cinq ans.
ConclusionEn conclusion, la radiothérapie encéphalique par EIT reste aujourd’hui le traitement de référence des métastases cérébrales en traitement exclusif comme en complément d’un traitement local. Cependant, les patients avec lésions cérébrales uniques ont à ce jour une espérance de vie et une qualité de vie meilleures grâce à une stratégie incluant un traitement local ± systémique. La place de la chirurgie et/ou de la radiochirurgie dans la stratégie thérapeutique globale des métastases cérébrales uniques doit être précisée par des essais en cours. La place d’une chimiothérapie associée doit aussi être définie pour obtenir puis prolonger la qualité et la durée de la rémission.
Service d’oncologie-radiothérapie,hôpital Saint-Louis, paris.
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