@CO:PAR LE Pr ANTOINE TABARIN*
DES INCIDENTALOMES surrénaliens sont retrouvés chez 1 à 3 % des patients bénéficiant d'un scanner abdominal. Dans plus de 80 % des cas, ils sont unilatéraux. Les principaux problèmes soulevés par la découverte d'un incidentalome surrénalien sont l'indication de l'exérèse chirurgicale et, en l'absence d'intervention, les modalités et le rythme de la surveillance. L'indication opératoire s'impose en cas de tumeur sécrétante ou de suspicion de carcinome primitif. La prévalence de ces entités est toutefois minoritaire et un bilan étiologique minimal est donc nécessaire avant toute décision thérapeutique.
Les modalités de ce bilan et celles de la surveillance des tumeurs non opérées restent débattues. Du fait de la définition même de l'incidentalome, le consensus ne concerne pas les masses découvertes dans le bilan d'extension d'un cancer ou chez des sujets présentant un syndrome de prédisposition génétique aux tumeurs surrénaliennes. L'incidentalome surrénalien isolé correspondant à une métastase révélatrice d'un cancer extrasurrénalien est un cas de figure anecdotique.
Dans environ 70 % des cas, les incidentalomes surrénaliens sont des adénomes non sécrétants, issus du cortex surrénalien. La prévalence des tumeurs les plus préoccupantes que sont phéochromocytomes et carcinomes primitifs est de l'ordre de 5 %. En dehors de l'approche clinique, que nous n'aborderons pas ici, le bilan complémentaire minimal à effectuer vise à identifier les lésions devant faire l'objet d'une exérèse chirurgicale, c'est-à-dire suspectes de malignité ou responsables d'une sécrétion hormonale excessive.
Scanner et bilan hormonal minimal.
Le scanner (TDM) est l'élément fondamental du bilan. Une méthodologie stricte est toutefois indispensable : coupes de 3-5 mm d'épaisseur, jointives, analyse de la densité de la lésion avant et après injection de produit de contraste. Une taille modérée (< 4 cm) associée à une densité spontanée < 10 UH témoignant d'un contenu graisseux et/ou à une vidange (« wash-out ») du contraste rapide et intense (> 60 % à 15 minutes) sont des arguments qui ont une forte valeur prédictive d'adénome cortical bénin. L'absence de ces critères ne signe pas pour autant la malignité (qui sera d'autant plus redoutée que la masse est volumineuse), mais constitue un élément de poids pour recommander l'exérèse chirurgicale. Les performances de l'IRM sont moins connues que celles du TDM. Quand au PET-scan au FDG, il n'a pas d'indication actuelle dans l'exploration de première intention des incidentalomes.
Une exploration hormonale minimale doit être réalisée systématiquement, même lorsque la symptomatologie clinique est modeste. Elle vise à rechercher une hypersécrétion de catécholamines (phéochromocytome), de cortisol (syndrome de Cushing) ou d'aldostérone (adénome de Conn). Le dépistage du phéochromocytome, capital du fait des risques potentiels de cette tumeur, se fait en mesurant les dérivés métoxylés sur les urines de 24 heures, avec dosage simultané de la créatininurie ou en dosant les métanéphrines libres plasmatiques. Il n'y a pas d'indication à réaliser une exploration scintigraphique par MIBG lorsque les dosages hormonaux sont normaux.
Les tumeurs de la corticosurrénale, responsables d'un syndrome de Cushing, sont le plus souvent des adénomes bénins et rarement des corticosurrénalomes. Une part importante des incidentalomes est représentée par des adénomes qui ont une
sécrétion de cortisol autonome, mais insuffisamment intense pour entraîner un syndrome de Cushing (adénomes cortisoliques « infracliniques »). Les critères précis de leur diagnostic biologique, leur histoire naturelle, leur retentissement restent débattus. S'il semble que seule une minorité de ces tumeurs évoluent vers un syndrome de Cushing patent, il est supposé que leur sécrétion cortisolique modérément excessive, mais chronique, participe à la genèse de l'hypertension artérielle, de l'obésité et du syndrome métabolique, qui sont fréquemment rencontrés dans ces cas. Le bénéfice de leur exérèse sur ces paramètres est toutefois insuffisamment documenté pour qu'elle soit systématiquement recommandée. Elle sera donc discutée au cas par cas.
Les tests dynamiques.
Le test dynamique de freinage à la dexaméthasone rapide (1 mg) est recommandé du fait de sa simplicité et de sa sensibilité diagnostique pour dépister les hypercortisolismes patents et « infracliniques ». Le seuil critique de cortisolémie au-dessus duquel des explorations hormonales complémentaires sont recommandées est de 50 nmol/l. L'interprétation du test doit être prudente chez
les patients présentant une affection intercurrente en phase aiguë ou un traitement pouvant modifier ses résultats (estrogénothérapie, inducteurs enzymatiques). La recherche d'une hypersécrétion d'aldostérone ne sera proposée que chez les sujets présentant une hypertension et/ou une hypokalémie dont la recherche est systématique. Il est alors suggéré d'effectuer un prélèvement sanguin simultané pour doser aldostérone et rénine (ou activité rénine), en vérifiant les traitements médicamenteux pouvant interférer avec le système rénine-angiotensine. Le dosage des androgènes (testostérone, SDHA) ou précurseurs stéroïdiens ne sera pas systématique, mais réalisé en cas de suspicion de tumeur corticale maligne.
En cas d'incidentalome bilatéral, les explorations seront complétées par un test de stimulation au Synacthène ordinaire de la cortisolémie et la 17 hydroxyprogestérone, ainsi qu'un dosage sanguin d'ACTH. Ces explorations ont deux buts : rechercher une insuffisance surrénale (cortisol et ACTH) justifiant un traitement substitutif et rechercher un déficit enzymatique en 21 hydroxylase (17 hydroxyprogestérone) qui peut être pauci-symptomatique cliniquement et s'accompagner d'une hypertrophie nodulaire surrénalienne bilatérale. En cas d'élévation des taux de 17 hydroxyprogestérone, une étude génétique sera proposée avant de retenir le diagnostic de déficit enzymatique génétique.
Le suivi des patients non opérés. Lorsque l'exérèse de l'incidentalome est décidée (masse sécrétante, absence de critères en faveur d'un adénome bénin), il est habituel d'avoir recours à une approche cœlioscopique, sauf en cas de suspicion de carcinome primitif. Dans ce cas, une chirurgie large, menée à ciel ouvert, sera préférée.
Chez les patients non opérés, du fait d'une masse de petite taille, non sécrétante et d'allure bénigne à l'imagerie, un suivi est recommandé. Ses modalités et sa durée sont discutées en l'absence d'études prospectives permettant d'appréhender objectivement l'histoire naturelle de ces tumeurs. Le suivi morphologique peut être utile pour rectifier un diagnostic erroné d'adénome devant une croissance tumorale rapide. Le risque d'ignorer une lésion maligne est très faible si l'examen TDM initial a été réalisé comme indiqué précédemment.
Les experts ont proposé un premier TDM de contrôle à un intervalle rapproché (6 mois), la croissance des lésions malignes étant supposée très rapide. Pour contrôler le risque d'évolution significative à plus long terme, nous proposons une deuxième TDM à 2 ans, puis à 5 ans. Au plan sécrétoire, il semble suffisant de proposer un dosage du cortisol après freinage 1 mg par la dexaméthasone et un dosage des métanéphrines plasmatiques ou urinaires à 6 mois. Au-delà, nous proposons de ne répéter qu'un dosage du cortisol après freinage 1 mg à 2 ans et 5 ans. À côté de cette surveillance morphologique et biologique, il convient d'insister sur l'importance de la surveillance clinique des cibles tissulaires du cortisol (IMC, tension artérielle, glycémie, bilan lipidique) qui peut amener à moduler cette base de surveillance « systématique » des adénomes corticaux non opérés.
* Hôpital Haut-Lévêque, CHU de Bordeaux, Pessac.
Recommandations consultables sur le site : www.sf-endocrino.net.
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