REFERENCE
L'utilisation exclusive depuis une quinzaine d'années de l'hormone de croissance synthétique permet une bonne tolérance et l'absence de complications, notamment la disparition du risque de maladie de Creutzfeldt-Jakob. Malheureusement, ces enfants sont bien souvent vus très tard (en moyenne vers 10 ans), limitant ainsi les possibilités de gain statural. Il n'est plus nécessaire de prouver qu'une prise en charge précoce permet d'optimiser les résultats du traitement. Tout enfant qui présente une croissance inférieure à -2DS doit être évalué au moins par un âge osseux, quelle que soit sa taille familiale. L'évaluation doit être faite le plus tôt possible pour obtenir un gain statural maximal lorsque le traitement est possible.
a) Il existe trois phases de croissance :
- une phase postnatale très rapide, avec en moyenne une prise de 25 cm les deux premières années ;
- une phase prépubertaire où la croissance est régulière, avec une prise de 5 à 6 cm par an ;
- une phase pubertaire pendant laquelle la vitesse de croissance double.
La croissance se termine avec la fin de la puberté.
b) Plusieurs hormones contrôlent la croissance :
- hormone de croissance et facteurs de croissance sécrétés par l'antéhypophyse ;
- hormones thyroïdiennes ;
- androgènes de la glande surrénale ;
- stéroïdes au moment de la puberté : estrogène et testostérone.
Elles agissent aussi sur les cartilages de conjugaison et en interaction avec l'état nutritionnel.
L'étude de la croissance nécessite des méthodes d'évaluation clinique précises. Il faut noter les mensurations à la naissance et, une fois par an, les inscrire sur le carnet de santé pour pouvoir tracer la courbe de croissance. L'âge de la puberté est également important, de même que d'éventuelles pathologies ou de traitements associés. Les courbes de croissance de référence permettront de situer l'enfant, de voir si sa vitesse de croissance est normale ou non.
Si l'enfant se situe à < -2 DS sur la courbe, il s'agit d'une petite taille.
S'il est à > +3 ou 4 DS, il s'agit d'une grande taille.
S'il se situe entre -2 et +2 DS, sa croissance est normale (sauf en cas de ralentissement ou d'accélération).
D'autres paramètres permettent d'affiner ces résultats. L'étude de la maturation osseuse par radiographie de la main gauche, comparé à l'atlas de Greulich et Pyle, permet de déterminer un retard ou une avance de maturation selon que l'âge osseux est en avance ou en retard par rapport à l'âge chronologique. Associé à la taille, l'âge osseux permet de faire un pronostic de taille définitive par la méthode de Bayley et Pinneau. Il faut, bien sûr, tenir compte aussi de la taille cible génétique obtenue par le calcul suivant : [(taille de la mère + taille du père) : 2] + 6,5 cm chez le garçon et - 6,5 cm chez la fille.
C'est la taille vers laquelle tend un individu donné en fonction de la taille de ses parents.
Le retard de croissance intra-utérin (RCIU) est défini par un poids de naissance inférieur au 3e percentile pour le terme et le sexe. Son origine peut être liée à une cause maternelle (grossesse multiple, antécédents de RCIU, pathologie vasculaire utérine, hypertension artérielle, intoxication maternelle par le tabac ou l'alcool, malformations utérines ou petite taille maternelle avec facteurs mécaniques). Il peut être lié à des facteurs foetaux : anomalie congénitale ou anomalie chromosomique, avec notamment le syndrome de Turner qui ne concerne que la fille. Environ 10 % des enfants qui naissent avec un RCIU garderont un déficit statural.
Depuis une dizaine d'années, des essais thérapeutiques par l'hormone de croissance ont montré l'efficacité de ce traitement sur le pronostic statural de ces enfants. Le traitement est commencé après l'âge de 3 ans, c'est-à-dire une fois que tout le potentiel de rattrapage spontané a été finalisé lorsque le retard de croissance persiste.
La dose de GH employée est pharmacologique (1,2 UI/kg/semaine), car, ces enfants ne présentant pas d'insuffisance en GH, une posologie élevée est nécessaire pour être efficace. En général, le traitement est poursuivi pendant trois ans, permettant un gain moyen de 2 DS. A l'arrêt du traitement, on vérifie que la vitesse de croissance se maintient. S'il existe à nouveau un ralentissement, on reprend le traitement.
Pour le cas particulier du syndrome de Turner (absence totale ou partielle du chromosome X), dans lequel le RCIU permet de faire un diagnostic précoce, qui présente, outre la possibilité de plusieurs malformations associées, un pronostic statural mauvais, le traitement par GH à la dose de 1 UI/kg/semaine est commencé à l'âge de 3 ans et continué jusqu'à la fin de la croissance. Ce traitement améliore le pronostic statural, mais ne le normalise pas. Les autres pathologies associées seront, bien sûr, elles aussi prises en charge, avec, par exemple, le traitement par estrogène de l'insuffisance ovarienne.
Il n'existe pas de trouble des mensurations à la naissance lors des insuffisances en hormone de croissance, cette hormone n'intervenant pas pendant la vie foetale. Ces insuffisances peuvent être dues à une résistance à l'hormone de croissance. Elles sont exceptionnelles et il n'existe pas de traitement réellement efficace, l'hormone de croissance étant inefficace.
Il peut s'agir d'une insuffisance de sécrétion de l'hormone de croissance. Les éléments d'orientation diagnostique sont une petite taille inférieure à 2 DS, un ralentissement de la vitesse de croissance et un retard de maturation osseuse. Ce diagnostic sera confirmé par des dosages hormonaux réalisés par une exploration dynamique par test de stimulation. Deux tests sont nécessaires pour affirmer le diagnostic. Un pic de sécrétion de GH inférieur à 10 ng/ml signe l'insuffisance somatotrope. On peut aussi doser les facteurs de croissance (IGF1) mais, pour leur interprétation, il faut tenir compte de l'âge, du sexe et de l'état de dénutrition de l'enfant, car ces paramètres modifient les résultats.
L'IRM cérébrale est indispensable, car elle permet de visualiser de façon très fine la région hypothalamo-hypophysaire et de mettre en évidence ou pas une anomalie malformative de cette région.
- Le déficit en GH peut être congénital ; il sera alors soit isolé sporadique, soit héréditaire, ou encore associé à d'autres déficits hypophysaires (c'est pourquoi, en cas d'insuffisance somatotrope, on étudie tout le reste de la fonction hypophysaire) ou à des syndromes malformatifs multiples, notamment dans le cadre d'une anomalie de la ligne médiane. Dans les insuffisances antéhypophysaires congénitales, le traitement substitutif est urgent (hormone de croissance, hydrocortisone et thyroxine), car le pronostic neurologique est fonction de la profondeur des éventuelles hypoglycémies, de l'hypothyroïdie, des malformations pouvant être associées et de l'existence d'une souffrance foetale. Le pronostic statural est bon, avec un traitement par hormone de croissance à 0,10 UI/kg/jour par voie sous-cutanée.
- Les déficits secondaires en GH sont souvent liés à des tumeurs (craniopharyngiome, surtout), des irradiations, des processus infiltratifs (histiocytose, sarcoïdose) ou des séquelles de méningites, encéphalites, traumatisme crânien majeur. Ils peuvent être aussi associés à des pathologies complexes où le déficit est fonctionnel, tel que dans le retard pubertaire, la malnutrition, l'hypothyroïdie, l'anorexie mentale, le nanisme psychosocial ou la compétition sportive intense. Dans ces derniers cas, le traitement de la pathologie de base va normaliser la sécrétion de GH, ces enfants ne sont pas une indication à un traitement par GH.
- Dans le cas des déficits somatotropes idiopathiques isolés, il n'y a pas d'autre insuffisance hormonale, on ne retrouve pas de cause, l'IRM est normale : l'antéhypophyse peut être normale ou légèrement hypoplasique, la posthypophyse est normale. Ces enfants bénéficient d'un traitement par hormone de croissance, mais, paradoxalement, cette insuffisance somatotrope est très souvent transitoire et, après deux à trois ans de traitement par GH ou à la fin de la croissance, on arrête le traitement et on réévalue la situation. On voit alors que la sécrétion est normalisée. On ne connaît pas la signification de ces insuffisances en hormone de croissance isolées partielles transitoires. Elles représentent entre 60 et 70 % des enfants diagnostiqués pour insuffisance somatotrope.
Elles peuvent être constitutionnelles (c'est le plus fréquent) ; dans ce cas, il existe souvent des antécédents familiaux de petite taille. L'examen clinique, la vitesse de croissance et la maturation osseuse sont normaux, il n'y a pas d'antécédents médicaux. Elles peuvent être aggravées par un retard pubertaire dans lequel le ralentissement de la vitesse de croissance précède la puberté et s'associe à un retard de maturation osseuse. En général, le pronostic est favorable. Il faut évaluer le retentissement psychologique et, si besoin, traiter par stéroïdes sexuels.
- Des pathologies chroniques, telles que l'insuffisance respiratoire chronique, les hémopathies, les cardiopathies, l'insuffisance rénale chronique, la polyarthrite chronique juvénile ou toute pathologie chronique nécessitant un traitement par corticothérapie au long cours, peuvent être responsables de retard statural.
Dans le cas des insuffisances rénales chroniques, les enfants qui ont une filtration glomérulaire inférieure à 50 ont systématiquement un ralentissement de la vitesse de croissance entraînant toujours un déficit statural sévère. Depuis quatre ou cinq ans, des études ont fait la preuve de l'efficacité du traitement par l'hormone de croissance et, donc, on propose à ces enfants un traitement par GH jusqu'à la fin de la croissance, ce qui améliore considérablement leur pronostic statural.
- Dans les insuffisances thyroïdiennes, comme pour l'insuffisance en GH, le poids de naissance est normal, les hormones thyroïdiennes n'intervenant pas pendant la croissance foetale. Ces insuffisances sont rares car dépistées systématiquement à la naissance. Les troubles apparaissent très rapidement, en six mois, avec une taille inférieure à - 3 ou - 4 DS et un retard psychomoteur franc. Le diagnostic repose sur les dosages hormonaux thyroïdiens, et le pronostic dépend de la précocité du traitement et de l'importance de l'hypothyroïdie au moment du diagnostic. Il est excellent lorsque le traitement substitutif est commencé au 10e jour de vie.
Dans les hypothyroïdies acquises (thyroïdite de Hashimoto), quand ce n'est pas le goitre, c'est une diminution importante de la vitesse de croissance associée à un retard de maturation osseuse qui alerte et fait doser la TSH et la T4, permettant de poser le diagnostic. Le pronostic statural est bon sous traitement par Thyroxine.
Nous l'avons vu, les principales indications du traitement par hormone de croissance sont l'insuffisance somatotrope, le syndrome de Turner, le retard de croissance utérin et l'insuffisance rénale chronique. Ce traitement présente une bonne tolérance, une absence de complications. Il est donné par injection sous-cutanée quotidienne, de préférence le soir pour respecter la sécrétion physiologique. La posologie utilisée actuellement est de 0,1 UI/kg/jour et, lorsque l'insuffisance somatotrope est patente, il doit être donné jusqu'à la fin de la croissance. Le suivi du traitement se fait par une évaluation clinique trimestrielle, avec un contrôle périodique de la fonction thyroïdienne gonadotrope et corticotrope pour surveiller les autres fonctions hypophysaires, parce que l'on sait que, quand il existe une insuffisance isolée en hormone de croissance, le reste de l'antéhypophyse peut être touché. Il faut apprécier la tolérance et, surtout, la compliance de ce traitement, qui nécessite une injection quotidienne et dont les résultats sont longs à apparaître.
L'hormone de croissance apporte une amélioration majeure du pronostic statural, mais il existe une grande variabilité individuelle. En effet, sous traitement, la réponse est d'autant plus importante que la prise en charge est précoce et le déficit de départ important, tant au niveau de la taille que du pic de GH. Certaines étiologies répondent moins bien au traitement, telles les insuffisances secondaires à des irradiations - car l'irradiation lèse aussi les cartilages de conjugaison - et les insuffisances idiopathiques.
La taille cible génétique, bien sûr, influence aussi le pronostic, de même que la posologie, la fréquence des injections et la durée du traitement. Tous ces facteurs d'évaluation pronostique devraient permettre de moduler les posologies en fonction des différentes étiologies et de l'importance du déficit.
L'hormone de croissance a aussi un rôle sur de nombreux métabolismes, et le traitement par GH vise également à corriger d'autres troubles du métabolisme du déficit en GH : réduction de l'adiposité, augmentation du tissu et de la force musculaire, amélioration du profil lipidique, de la contractilité cardiaque, du contenu minéral osseux, diminution des facteurs de risque cardio-vasculaire, amélioration de la qualité de vie. Tant et si bien que, depuis quelques années, l'efficacité du traitement a été évaluée chez l'adulte avec déficit en GH à qui l'on peut proposer un traitement par hormone de croissance à dose bien moindre que chez l'enfant pour résoudre certaines complications métaboliques des déficits en GH.
Conférence du Dr Juliane Léger (hôpital Robert-Debré, service d'endocrinologie du Pr Czernichow), dans le cadre des formations organisées par la DASES.
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