Généralités
La prise en charge de l’acouphène débute par l’écoute et l’information du patient. Le médecin doit amener son patient à comprendre que son acouphène est le fait de plusieurs facteurs dont les émotions. La prise en charge doit être pluridisciplinaire, faisant intervenir un ORL mais aussi un psychiatre spécialisé dans la gestion de l’anxiété et du stress utilisant des thérapies cognitives et comportementales qui sollicitent une attitude active du patient par rapport à son trouble. L’audioprothésiste intervient également lors de l’utilisation de prothèses auditives amplificatrices classiques, de masqueurs ou de générateurs de sons.
Les médicaments
Les vasodilatateurs favorisent l’oxygénation tissulaire et sont indiqués dans l’acouphène aigu. Dans l’acouphène chronique, ces médicaments peuvent être proposés en cas de déficit auditif associé, dans un but protecteur de l’oreille interne visant à freiner l’aggravation de l’audition.
Les benzodiazépines agiraient sur le système limbique avec un effet anxiolytique, sédatif, anticonvulsivant et myorelaxant permettant au patient de reprendre le contrôle sur le symptôme. Le clonazépam est la molécule la plus utilisée, à raison de huit à dix gouttes par jour le soir au coucher. La durée du traitement peut être de plusieurs mois. L’utilisation sous forme de gouttes permet d’utiliser de faibles doses au départ et de limiter les effets secondaires (somnolence, troubles de l’équilibre, perte de mémoire, difficultés de concentration, troubles de la libido, prise de poids). L’arrêt du traitement doit se faire progressivement afin d’éviter un syndrome de sevrage. Ce traitement ne doit plus être employé seul. A haute dose, les benzodiazépines peuvent empêcher l’habituation en diminuant les capacités de mémorisation de la maîtrise de l’anxiété. Ce traitement est à préconiser à faibles doses et au début de la prise en charge, principalement chez des patients découragés, persuadés qu’on ne pourra rien faire pour les aider, afin de rétablir un climat de confiance pour une prise en charge plus spécifique.
Les antidépresseurs, en particulier les tricycliques, qui ont une activité anticonvulsivante, pourront être utilisés. La clomipramine à faible dose est la plus utilisée. Les effets secondaires (im- puissance, glaucome et hypertrophie prostatique) et le risque d’accoutumance sont à prendre en compte.
La prise en charge prothétique
Les masqueurs n’intéressent que les acouphènes qui bénéficient d’une inhibition résiduelle à l’arrêt du masquage. Très peu d’acouphènes sont concernés par ce phénomène. Les inconvénients (réapparition de la sensation de l’acouphène malgré un bruit relativement intense, gêne auditive, voire traumatisme acoustique) font progressivement abandonner ces techniques au détriment des générateurs de son.
Les générateurs de son ou bruiteurs ont pour objectif de favoriser l’habituation. Le sujet doit percevoir son acouphène et le son du générateur. Celui-ci, toujours identique, va provoquer un phénomène d’habituation à l’acouphène. Il s’agit d’un son en bande large, extrêmement stable, neutre du point de vue émotionnel, avec une puissance sonore modeste, le bruit généré par la machine et l’acouphène se mélangeant. Cet appareil est porté toute la journée et dans chaque oreille, même si l’acouphène est unilatéral, les voies auditives étant croisées, desservant les deux hémisphères cérébraux. Le générateur de bruit devant être utilisé longtemps, environ six mois, il doit être parfaitement toléré. Il est indispensable de ne pas modifier les réglages une fois ceux-ci effectués. Cette technique, peu favorable dans le cas d’une surdité neurosensorielle importante, est surtout employée si l’acouphène s’associe à une hyperacousie. Le générateur de bruit peut être associé à une aide auditive.
Les appareils amplificateurs classiques peuvent avoir un effet de masque et procurer un confort au patient. Le premier objectif est d’obtenir un effet sur l’acouphène et secondairement sur la performance auditive. Le plus souvent, le temps de mise en place est plus long que pour un appareillage conventionnel. Contrairement au masqueur, qui apporte un bruit surajouté constant, la prothèse amplifie le bruit environnant constamment variable, mais considéré comme normal par le cerveau, puisque habituel, ce qui tend à procurer un meilleur confort au patient. L’appareillage numérique est plus performant pour cet effet de masque que l’appareillage analogique classique. Il permet de diminuer les bruits de fond pour mieux comprendre la parole. La prothèse numérique a une bande passante plus large que l’analogique, surtout dans les aigus, zone où se situent le plus souvent les acouphènes. Le port permanent de l’appareil est obligatoire. L’amplification sera réalisée progressivement en cas de surdité ancienne. Cette prise en charge prothétique est palliative, non curative, l’acouphène réapparaissant à l’ablation de l’appareil. Cependant, cela favoriserait des phénomènes d’habituation, permettant au patient de reprendre le contrôle sur son acouphène.
La gestion du stress
La prise en charge de l’acouphène vise à obtenir un contrôle du symptôme, à ne plus le subir passivement, ce qui implique de reprogrammer certaines structures : centres sous-corticaux, cortex auditif, système limbique, cortex préfrontal, qui interviennent dans la reconnaissance et l’entretien de l’acouphène.
La relaxation permet de réduire l’état de tension dû à l’anxiété provoquée par l’acouphène et qui s’oppose à l’habituation. Elle provoque une détente musculaire, le ralentissement de la respiration ou du rythme cardiaque. Il existe plusieurs méthodes de relaxation différentes. Elles peuvent être couplées avec des techniques de biofeedback favorisant leur apprentissage.
Les thérapies cognitives et comportementales : par des techniques de conditionnement, elles permettent au patient de modifier leur comportement, notamment vis-à-vis des situations stressantes. Le déconditionnement du patient repose sur une bonne information, une analyse critique des idées négatives et croyances erronées, et une élaboration de réponses adaptées aux situations stressantes.
La Tinnitus Retraining Therapy ou TRT : cette thérapie a été mise au point par Pavel Jastreboff et Jonathan Hazel. Elle associe port de générateurs de sons et conseils. Elle repose sur quatre points essentiels :
– inverser les croyances négatives du patient acouphénique ;
– utiliser un bruit blanc six heures par jour ;
– corriger la perte auditive associée ;
– pratiquer la relaxation pour lutter contre l’anxiété.
L’acupuncture est un complément à la prise en charge des dérèglements neurovégétatifs dus à la composante émotionnelle liée à l’acouphène, et à la prise en charge des contractures cervicales souvent associées.
Les stimulations électro-acoustiques: acouphènes et douleurs chroniques ont des mécanismes neurophysiologiques comparables. De même que la stimulation électrique transcutanée des zones douloureuses soulage certains types de douleurs, celles-ci étant masquées par une stimulation concurrente, les stimulations électro-acoustiques ont pour objectif de masquer l’acouphène par une stimulation rivale. Des électrodes sont positionnées sur la peau en regard de chacune des mastoïdes. Des impulsions électriques sont délivrées de façon concomitante à un stimulus sonore : soit un son de fréquence comparable à celui de l’acouphène, soit un son de fréquence comparable à celui de la stimulation électrique.
Quel que soit le type de prise en charge thérapeutique utilisé, au mieux pluridisciplinaire, il est indispensable d’informer en tout premier lieu le patient de façon correcte. Les idées reçues, parfois véhiculées par l’entourage, sont importantes dans le blocage au phénomène d’habituation.
La prise en charge pluridisciplinaire de l’acouphène conduit à une habituation du patient acouphénique chez 60 à 75 % des patients, selon les équipes thérapeutiques, dans un délai de douze à dix-huit mois. L’obtention de la disparition de l’acouphène est beaucoup plus rare, de l’ordre de 5 à 7 % des cas.
Une meilleure compréhension de cette erreur d’intégration sensorielle qu’est l’acouphène va permettre une meilleure connaissance du traitement de l’information sensorielle par notre cerveau qui conduira à de nouvelles solutions thérapeutiques.
ORLCentre d’explorations fonctionnelles otoneurologiques 10, rue Falguière, 75015 Paris
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