PRATIQUE
Plusieurs études ont montré que l'état de santé bucco-dentaire du patient handicapé s'aggrave avec l'âge, et devient dès l'adolescence très nettement inférieur à celui de la population générale. Les déficiences cognitives, les troubles du comportement et les obstacles physiologiques, comme le réflexe nauséeux ou les mouvements incoordonnés, sont responsables de la faible coopération des personnes handicapées. De plus, ces personnes ont une grande expérience du milieu médical, et ont souvent vécu des situations difficiles, voire douloureuses, qui renforcent leur anxiété et leur opposition. Ainsi, la peur et la perception d'attitudes négatives représentent les obstacles qui relèvent du patient. De ce fait, les modalités techniques de prise en charge constituent le besoin le plus spécifique que ces personnes présentent en santé bucco-dentaire par rapport à la population générale.
La grande majorité de ces patients qui, initialement n'ont pas accès aux soins, peuvent être soignés à l'état vigile, s'ils bénéficient d'une prise en charge personnalisée. Pour l'ensemble de ces patients, l'objectif qui vise à les éduquer pour les rendre actifs vis-à-vis de leurs soins implique l'établissement d'une relation de confiance qui se fait progressivement et nécessite du temps. La qualité de la relation soignant-soigné est essentielle pour les personnes qui ont des troubles cognitifs. Il n'est pas possible d'obtenir une coopération suffisante, autorisant la réalisation d'un soin dentaire, sans l'établissement de cette relation. Le patient handicapé ou le patient anxieux peut accepter beaucoup de contraintes si la douleur est contrôlée et si sa confiance n'est pas trahie.
Dans le cadre de la prise en charge d'une personne déficiente mentale, la qualité de la relation patient-praticien résultera de la capacité du praticien à considérer avant tout la personne qu'elle est, et non la déficience mentale qu'elle représente. Cette reconnaissance autorise la personne déficiente mentale à accorder sa confiance et à coopérer avec le soignant. De fait, le patient devient actif dans son soin, comme un patient ordinaire. Le vécu du soin dentaire dans de bonnes conditions reste une expérience que le patient peut partager avec son entourage, et qui diminue son état d'anxiété. Ainsi, une étude réalisée en Italie a montré que le niveau d'anxiété chez des enfants porteurs de trisomie 21 est plus faible chez les enfants soignés à l'état vigile, avec un parfait contrôle de la douleur, que chez les enfants soignés sous anesthésie générale.
La coopération de l'enfant et de l'adulte déficient mental est en général obtenue lorsqu'il a compris ce que l'on attend de lui.
Les techniques du Tell, Show and Do, du renforcement positif et du contrôle de la voix correspondent bien aux besoins de ces personnes, adultes et enfants. Leur mise en uvre permet au patient d'accepter les techniques nécessaires à des soins de qualité. Ces approches personnalisées demandent du temps, elles ne peuvent être développées dans le stress et la précipitation, et nécessitent des moyens matériels et humains adaptés.
Or la couverture médicale actuelle ne prend pas en compte les besoins spécifiques de ces personnes, et le système de soins dentaires, basé à 95 % sur une pratique privée, repose essentiellement sur la bienveillance des praticiens à recevoir ces patients. La prise en charge de ces personnes nécessite un environnement spécifique qui, pour l'instant, et contrairement à la situation notée chez nos voisins européens, ne relève pas d'une responsabilité communautaire. De ce fait, la santé dentaire est un domaine où l'inégalité des chances est flagrante pour les personnes handicapées. Ainsi, dans un département français, 63 % des dentistes ayant participé à une enquête sont conduits à modifier une ou plusieurs étapes des procédures de soins habituelles pour les personnes handicapées. Généralement, les séances sont plus longues et plus nombreuses et les actes conservateurs sont difficilement réalisables.
La même étude montre également que parmi ces dentistes, 42 % n'ont pu prendre en charge certaines personnes handicapées.
Une autre enquête, menée en 1997 auprès de 204 familles d'enfants porteurs d'une trisomie 21, montre que les parents ont plus de difficultés à trouver un médecin pour leur enfant trisomique par rapport à leurs autres enfants, et ce degré de difficulté est doublé lorsqu'il s'agit de consulter un dentiste. Malgré ces difficultés, les parents emmènent plus souvent leur enfant trisomique chez le dentiste, mais celui-ci reçoit moins de soins que son frère ou sa sur, bien que ses besoins soient plus importants, du fait de l'existence d'un syndrome oro-facial induit par l'anomalie génétique. De plus, dans certains domaines, l'importance des besoins est négativement corrélée avec l'accès aux soins. En particulier, les enfants trisomiques qui présentent un risque d'endocardite, et ceux dont le phénotype est très marqué par la trisomie 21 sont encore moins soignés que les autres.
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