« LA GREFFE DE MOELLE OSSEUSE allogénique représente le traitement de choix pour de nombreux cancers, tant chez l'adulte que chez l'enfant ; toutefois sa large utilisation est limitée par la survenue de la réaction du greffon contre l'hôte (Rgch) », explique au « Quotidien » le Dr Miriam Merad, hématologue d'origine algérienne, formée à Paris et basée à la Mount Sinai School of Medicine de New York (Centre Carl C. Icahn de thérapie génique et département de médecine). « La Rgch affecte presque toujours la peau (allant du simple rash à l'épidermolyse spectaculaire souvent fatale), mais peut aussi affecter le foie, l'intestin et les tissus lymphoïdes. »
« Dans cette étude, nous montrons pour la première fois que, après la greffe de moelle osseuse allogénique, les cellules de Langerhans de l'hôte(une population majeure des cellules dendritiques cutanées)persistent dans la peau et peuvent induire une Rgch sévère, tandis que le remplacement des cellules de Langerhans de l'hôte par celles du donneur, effectué avant l'allogreffe de MO, peut protéger contre la Rgch. »
Les cellules de Langerhans sont, dans la peau, les principales cellules présentant les antigènes. A l'instar des autres cellules dendritiques, elles captent les antigènes dans leur environnement, puis migrent à travers les vaisseaux lymphatiques vers les ganglions de drainage dans lesquels elles présentent les antigènes aux lymphocytes T.
Autorenouvellement.
Contrairement aux cellules dendritiques des autres organes qui sont constamment remplacées par les précurseurs circulants dérivés de la MO, les cellules de Langerhans de la peau s'autorenouvellent et ne sont remplacées par les précurseurs dérivés de la MO que lors d'une lésion inflammatoire.
Merad et son équipe, qui ont récemment découvert cette stabilité des cellules de Langerhans dans la peau, ont décidé d'examiner leur devenir après allogreffe de MO chez la souris, afin d'explorer leur rôle dans la Rgch cutanée.
Les cellules de Langerhans de l'hôte subsistent dans la peau pendant au moins douze à dix-huit mois après une allogreffe d'une MO totalement dépourvue de cellules T. A l'opposé, les cellules dendritiques du sang, du foie et des organes lymphoïdes sont remplacées par celles du donneur en quatre semaines.
Les cellules de Langerhans de l'hôte ne sont remplacées par celles du donneur que lorsque des cellules T du donneur sont administrées en même temps que la MO, et l'étendue du remplacement des cellules de Langerhans (ou chimérisme) est corrélée à la dose des cellules T du donneur injectées.
Les cellules T alloréactives greffées induisent le chimérisme des cellules de Langerhans, en entraînant, d'une part, une déplétion cutanée des cellules de Langerhans de l'hôte (par la voie Fas) et, d'autre part, en déclenchant la production cutanée du CCL20, lequel est indispensable pour recruter vers la peau les cellules de Langerhans du donneur.
Enfin, les cellules T du donneur induisent une sévère Rgch cutanée chez les souris lorsqu'il persiste dans la peau des cellules de Langerhans de l'hôte, mais non lorsque ces cellules ont été remplacées par celles du donneur. Cette observation apporte la première preuve directe que les cellules de Langerhans de l'hôte induisent la Rgch.
« Ces résultats indiquent un rôle crucial des cellules T du donneur pour remplacer les cellules de Langerhans de l'hôte, et montrent que les cellules dendritiques de l'hôte peuvent persister dans des tissus non lymphoïdes pendant toute la vie d'un animal et peuvent déclencher une Rgch en dépit d'un chimérisme complet dans le sang », conclut l'équipe.
PUVAthérapie et lumière UVB.
Les résultats suggèrent également qu'un traitement pourrait protéger contre la Rgch cutanée.
En effet, lorsque les souris, après allogreffe de MO dérivée des cellules T, sont exposées aux UV, elles ne développent pas de Rgch cutanée ; alors que, sans traitement UV, la Rgch est sévère. Le traitement UV entraîne une déplétion des cellules de Langerhans de l'hôte, mais le mécanisme exact reste à déterminer.
Ces résultats concordent d'ailleurs avec une observation chez les greffés : la photothérapie UV pourrait améliorer les lésions cutanées de la Rgch chronique.
Des études cliniques sont envisagées. « Nous voulons maintenant évaluer si chez les patients, comme chez les souris, l'élimination des cellules de Langerhans avant la transplantation peut prévenir ou moduler la Rgch cutanée », confie au « Quotidien » le
Dr Merad. « Nous étudierons donc la PUVAthérapie et la lumière UVB, et nous analyserons leurs effets sur les cellules de Langerhans in situ. Nous examinerons également la vitesse de repopulation après le traitement UV. Nous comparerons également le traitement par la lumière ultraviolette à d'autres agents connus qui éliminent les cellules de Langerhans cutanées, par exemple les corticoïdes locaux. »
« Nature Medicine », 19 avril 2004, DOI : 10.1038/nm1038.
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