SELON DES ENQUÊTES menées en Finlande, aux Pays-Bas et au Royaume-Uni, les maltraitances (physiques, psychologiques ou financières) touchent de 4 à 6 % des personnes du troisième et du quatrième âges (7 % dans la population féminine, contre 2,5 % chez les hommes). Mais le fléau pèserait plus lourd que les chiffres officiels ne l'indiquent. «Certains décès attribués à des causes naturelles, accidentelles ou indéterminées pourraient résulter d'actes de maltraitance ou d'un manque de soins», selon l'OMS. Il est temps d'agir, à l'échelon de chaque pays, en renforçant l'action sociale et en mettant au point une législation ad hoc. C'est là le sens de la Journée internationale de prévention organisée chaque 15 juin par l'organisation non gouvernementale, l'International Network for the Prevention of Elder Abuse*.
En France, la fédération ALMA, fondée en 1994 par le Pr Robert Hugonot, a développé dans 77 départements une écoute téléphonique, animée par des psychologues et des travailleurs sociaux prêts à se rendre auprès des victimes. Celles-ci, pour la plupart des femmes, âgées en moyenne de 79 ans, se révèlent vulnérables et souvent dépendantes, note le réseau d'assistance. Les Petits Frères des pauvres, qui accompagnent quelque 8 000 personnes, sont préoccupés, tout particulièrement, par les motivations financières, bien souvent à l'origine des actes de malveillance et de violence physique. Dans les structures d'hébergement, le manque de personnel explique ici et là des sévices. À domicile, les atteintes à la personne – 24 % psychologiques, 22 % financières, 14 % physiques – impliquent une fois sur deux un parent, leur signalement émanant principalement de professionnels qui se rendent au chevet des anciens. Concernant les abus de confiance, les escroqueries, les vols simples ou aggravés, la loi de réforme des tutelles du 5 mars 2007, qui prendra pleinement effet le 1er janvier 2009, devrait prévenir ce type d'agissements.
En 2005, les pouvoirs publics français recensaient 140 signalements. De leur côté, les services d'écoute téléphonique faisaient état de 6 800 appels par an relatifs à des cas de maltraitance, dont 70 % chez des particuliers. Depuis février 2007, un numéro national, le 39.77, géré par l'Association francilienne pour la bientraitance des aînés et/ou handicapés, se met en place. Il couvrira l'ensemble du territoire en 2010. Chaque jour, il enregistre une centaine d'appels, basculés sur les départements, via le réseau Allô Maltraitance (ALMA) qui, si besoin, renvoie à un suivi ou à des traitements. En fonction de la situation, il existe deux orientations possibles : avec les maisons de retraite, les DDASS s'emparent du dossier, et, pour les sévices à domicile, le conseil général et l'assurance-maladie entrent en scène.
Bientôt deux recommandations.
Au niveau de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie, on cherche actuellement à mieux quantifier le mal. Une enquête a été confiée à un cabinet privé. Parallèlement, l'Agence nationale de l'évaluation et de la qualité des établissements et services sociaux et médico-sociaux (ANESM) va publier prochainement deux recommandations : l'une apportera une définition de la bientraitance, l'autre, en octobre, précisera le rôle des structures d'hébergement en matière de prévention et de traitement de la maltraitance.
L'ANESM participe du plan de lutte contre les violences envers les citoyens vulnérables 2007-2009, doté de 2 millions d'euros, lancé en mars de l'année dernière. Elle vient en appui du Comité national de vigilance des personnes âgées élargi aux victimes d'accidents de la vie (décret du 12 mars 2007). En outre, les inspections annuelles dans les maisons de retraite viennent d'être doublées, pour atteindre huit cents. «Tant à domicile qu'en institution, les facteurs de risque de maltraitance et de négligence reposent sur l'absence de communication entre les anciens, les familles et les professionnels», fait remarquer la fédération ALMA France. «Aussi, dit au “Quotidien” son secrétaire général, le Dr Pierre Delaunay, en offrant aux victimes et aux témoins une écoute, on brise les silences et on lève les tabous, même si dans le milieu institutionnel ça reste très feutré.» «Il faut savoir, souligne le gériatre ,que seulement 15% des maltraitances sont dévoilées, 85% ne sortant pas du huis clos.» L'Union européenne, en révélant cette situation – qui vaut pour les 27 États membres – lors d'une conférence sur le sujet le 17 mars, a appelé à une plus grande prise de conscience du fléau.
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