Il y a 365 000 nouveaux cancers par an en France. Cinq pour cent d’entre eux se compliqueront d’une maladie thromboembolique veineuse (MTEV), soit 18 000 patients cancéreux en France présenteront une MTEV. Le surcoût engendré est de 20 000 euros par patient MTEV soit au total 360 000 000 euros par an.
La stratégie préventive
« Si la prévention de la MTEV est optimale au cours du cancer, des économies potentielles peuvent être réalisées : la prophylaxie baisse de 2 % le risque de MTEV et évite 360 cas par an, soit une économie de 7 200 000 euros par an. Le gain potentiel de survie en cas de prophylaxie efficace est de 5 000 vies par an (la mortalité par cancer en France en 2011 était de 147 500 décès) », rappelle le Dr Philippe Debourdeau (oncologue, Institut Sainte-Catherine, Avignon).
La prévention en chirurgie
Les HBPM 1/jour ou de faibles doses d'HNF 3 fois/jour sont recommandées pour prévenir la MTEV postopératoire chez les patients cancéreux ; cette prophylaxie doit débuter entre 12 et 2 heures avant l’intervention et être poursuivie pendant au moins 7 à 10 jours (un traitement par HBPM 1 fois/jour est plus pratique) (Grade 1A).
Il n'existe pas de donnée affirmant la supériorité d’une HBPM par rapport à une autre (Grade 1A).
L'utilisation de la dose prophylactique d'HBPM la plus élevée est recommandée.
Une prophylaxie prolongée (4 semaines) peut être indiquée pour prévenir la MTEV après chirurgie majeure par laparotomie chez les patients cancéreux à haut risque de MTEV et à faible risque hémorragique (Grade 2B).
Il n’existe aucune donnée justifiant l’emploi du fondaparinux comme alternative aux HBPM (Grade 2C).
Une métaanalyse montre qu’une prophylaxie prolongée (4 semaines) par héparine de bas poids moléculaire (HBPM) réduit le risque de survenue d'événements thrombo-emboliques veineux après chirurgie (laparatomie) chez des patients cancéreux. Une tendance à l’augmentation du risque de saignement sous HBPM est également observée.
La prévention en médecine
Chez les patients cancéreux hospitalisés, alités pour une affection médicale aiguë, des études randomisées ont montré que les HBPM et le fondaparinux étaient supérieurs au placebo pour la prévention des ETEV sans augmentation du risque de saignement.
Cinq études randomisées ont comparé une HBPM contre placebo (ou pas de traitement) en prophylaxie primaire chez des patients cancéreux en chimiothérapie ambulatoire. Ces études ont montré une réduction du taux d'ETEV dans les cas des cancers du pancréas et poumon sans augmentation du risque de saignement, mais pas d’effets sur les ETEV chez les patientes ayant un cancer du sein métastatique.
Le groupe francophone thrombose et cancer (www.thrombose-cancer.com) a émis des recommandations pour la prévention de la MTEV en milieu médical chez les patients cancéreux parmi lesquelles :
- Une prophylaxie par HBPM, HNF ou fondaparinux est recommandée chez les patients cancéreux hospitalisés et à mobilité réduite (Grade 1B).
- Chez les patients traités par chimiothérapie, la prophylaxie systématique n’est pas recommandée (Grade 1B).
- Une prophylaxie primaire pharmacologique peut être indiquée chez les patients avec un cancer du pancréas localement avancé ou métastatique ayant un faible risque de saignement (Grade 1B).
La stratégie du traitement curatif
Le traitement de la maladie thromboembolique associée au cancer devrait durer au moins 6 mois par HBPM, puis être réévalué en fonction du rapport bénéfice/risque (1). « Les études démontrent que les HBPM sont préférables aux AVK, car ces derniers induisent davantage de saignement et ont un risque de récurrence plus élevé », a expliqué le Dr Guy Meyer (oncologue, HEGP, Paris).
L’étude CLOT (2) a bien démontré une réduction du risque de récidive d’événements thromboemboliques veineux de 50% dès les premières semaines de traitement par rapport aux AVK, de même que l’étude LITE (3), avec un risque hémorragique comparable (4). Le Dr Meyer a rappelé qu’il faut adapter les posologies en fonction des thrombopénies et du contexte clinique.
Les limites de l’utilisation des HBPM sont l’insuffisance rénale (contre-indication lorsque la clearance est < 30 ml/mn selon cockcroft, la nécessité d’une infirmière pour l’injection, le coût et l’absence de données au-delà de 6 mois (bénéfice vis-à-vis des AVK).
Les HBPM constituent le traitement curatif de référence en cas de thrombose veineuse ou d’embolie pulmonaire associée au cancer.
« Des questions restent ouvertes : faut-il traiter après le 6e mois, que faire en cas de récidive, comment prendre en charge les embolies pulmonaires découvertes fortuitement », s’est interrogé le Dr Meyer.
(2) Lee A. et al. N Engl J Med 2003; 349: 146-153.
(3) Hull RD. et al. Am J med 2006; 119: 1062-1072.
(4) Louzada M. et al. Thromb Res 2009; 123: 837-84.
* Atelier 11 organisé dans le cadre des RCFr.
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