Il est impératif, en premier lieu, d'obtenir une réduction drastique de la consommation de boissons alcooliques, d'alcools forts, mais aussi de bière (avec ou sans alcool). Ainsi le risque relatif de goutte est de 1,14 par 10 g d'alcool (soit un verre de vin) ou de 1,49 par demi de bière quotidiens.
Le régime doit être pauvre en purines, c'est-à-dire peu de viande, et éviter abats et crustacés. À l'inverse, il peut être riche en laitages allégés ; l'uricémie varie inversement avec leur consommation.
De telles mesures procurent un bénéfice secondaire : une perte de poids. Or, comme le précisent les dernières recommandations établies à l'EULAR (European Ligue Against Rheumatism) : «La correction des comorbidités associées et la prise en charge des facteurs de risque cardio-vasculaire, tels que l'hyperlipidémie, l'hypertension artérielle, l'hyperglycémie, l'obésité et le tabagisme, représentent une part importante de la prise en charge de la goutte.» Il est clairement établi que l'hyperuricémie est associée à ces divers troubles métaboliques. À ce propos, l'intérêt d'un diurétique dans le cadre d'un traitement antihypertenseur doit être réévalué, puisqu'il favorise l'hyperuricémie. Le losartan peut alors être utilisé en raison de son effet uricosurique. En cas de dyslipidémie, le choix peut se porter sur le fénofibrate, également uricosurique.
Une fois ces facteurs métaboliques évalués, le patient informé et éduqué, le traitement de la maladie métabolique, l'hyperuricémie, prend place.
En préambule, il convient de préciser qu'hyperuricémie ne signifie pas goutte. Il n'existe aucune preuve en faveur du traitement de l'anomalie biologique isolée. Ici, le régime, le remplacement d'un diurétique ou d'autres molécules hyperuricémiantes sont les mesures à proposer. Seulement dans les formes asymptomatiques, avec un taux dépassant 90 mg/l (540 µmol/l), une discussion peut être envisagée.
Accès répétés, arthropathie, tophus…
Ainsi, selon les recommandations de l'EULAR, «un traitement hypo-uricémiant est indiqué chez les patients ayant des accès répétés, une arthropathie, des tophus ou des lésions radiographiques, ce qui définit la goutte sévère » . En France, la stratégie habituelle est d'attendre la deuxième ou la troisième crise de goutte (sur quelques mois ou années) avant de proposer un traitement de fond. Cependant, pour nombre de spécialistes, l'existence d'une lithiase urique suffit pour instaurer un traitement.
«L'objectif du traitement hypo-uricémiant est de favoriser la dissolution des cristaux et d'en prévenir la formation grâce au maintien de l'uricémie au-dessous du seuil de saturation pour l'urate de sodium, soit inférieur ou égal à 60mg/l (360 µmol/l) », précisent les recommandations.
L'allopurinol, inhibiteur de la synthèse d'acide urique, est ici la molécule de choix. Il se montre rapide d'action et efficace, à condition de le prescrire de façon prolongée. Il guérit la majorité des gouttes. Le traitement est commencé à la dose de 100 mg/j, puis progressivement augmenté de 100 mg (50 mg chez le sujet âgé) toutes les deux à quatre semaines, pour viser l'objectif d'une uricémie à 360 µmol/l. Il n'existe pas de limite posologique, à la condition d'une fonction rénale normale. Dans le cas inverse, la posologie doit être modulée selon la clairance de la créatinine.
Dose quotidienne de 1 mg de colchicine.
À l'instauration, le traitement hypo-uricémiant, quel qu'il soit, peut occasionner des crises de goutte. Leur prévention repose sur une dose quotidienne de 1 mg de colchicine (0,5 mg, chez l'insuffisant rénal) pendant trois à six mois, voire plus, si des tophus persistent.
Les uricosuriques vivent essentiellement des échecs réels, ou des allergies à l'allopurinol (de 2 à 5 % des cas). Ils peuvent être prescrits si l'uricosurie est inférieure à 600 mg/24 h et s'il n'existe pas d'antécédent de lithiase urinaire. Il s'agit du probénécide et de la benzbromarone (en ATU nominative). De nouvelles molécules sont en cours d'étude.
La surveillance du patient est fondée sur des uricémies semestrielles, puis annuelles (< 60 mg/l). S'y ajoute, tous les ans, un bilan de la fonction rénale.
En conclusion, il faut se souvenir que la goutte est la seule affection rhumatismale qui peut être le plus souvent guérie et ce grâce à un traitement médical. Les gouttes résistantes sont bien souvent le fait d'un patient récalcitrant à un traitement qu'il n'a pas compris ou à la prise de boissons alcooliques.
D'après F. Lioté, T. Bardin, « Revue du Rhumatisme », 74 ; (2007) : 160-167.
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