COMME l'a rappelé le Pr J.-C. Meurice (Poitiers), une difficulté de la prise en charge vient du fait que la notion d'exacerbation n'est pas clairement définie : épisode de détérioration aiguë d'une Bpco stable marquée par une majoration de la dyspnée ; une réduction des performances quotidiennes associées ou non à une modification d'aspect de l'expectoration, une toux ou de la fièvre et/ou une altération de la conscience ; épisode d'aggravation du handicap respiratoire sans cause documentée objectivement telle qu'une pneumonie ; dégradation prolongée de la condition respiratoire des patients par rapport à l'état stable et plus marquée que les variations habituelles d'un jour à l'autre, de début brutal et nécessitant un traitement complémentaire par rapport au traitement habituel... Définitions multiples, plus ou moins précises...
L'évaluation des critères prédictifs d'exacerbation n'est pas plus simple, pas seulement en raison de l'absence de définition précise de l'exacerbation : nécessité d'études longitudinales longues portant sur de grandes populations, sous-estimation subjective des patients, problème de choix des bons outils de mesure ?
En pratique, conclut le Pr J.-C. Meurice, les critères retenus sont exclusivement fondés sur les paramètres fonctionnels respiratoires (Vems, distension thoracique, importance de la capacité inspiratoire).
L'apport des études de cohorte.
I. Annesi-Maesano (Inserm U472 Villejuif) a rappelé l'apport des études de cohorte pour guider la prise en charge des Bpco. On sait que les études de cohorte consistent à suivre, de façon prospective dans le temps, de grands nombres d'individus nés pendant une période précise. Par extension, les études observationnelles permettent de « tracer » des individus dans le temps, éventuellement de façon rétrospective. Ces dernières, souligne I. Annesi-Maesano, traduisent la vie réelle, même si elles n'éliminent pas les biais méthodologiques.
Dans le domaine des Bpco, sept grandes études observationnelles ont été publiées pour évaluer l'efficacité des corticoïdes inhalés seuls (cinq études) ou associés à des bêta-agonistes à longue durée d'action (Laba). En ce qui concerne les corticoïdes inhalés seuls, les résultats sont mitigés, trois études mettant en évidence une diminution de la mortalité et du taux de réhospitalisation alors que deux autres études sont négatives. En revanche, les résultats sont toujours positifs avec l'association CSI-Laba par le nombre de décès, des hospitalisations et des réhospitalisations.
La démonstration a été faite pour Sérétide, à travers notamment l'étude Tristan (« The Lancet », 2003) citée par le Pr A. B. Tonnel (Lille), avec une réduction du nombre total d'exacerbations, versus placebo (p < 0,001) et du nombre des exacerbations nécessitant une corticothérapie orale (p < 0,001).
Des résultats qui ont conduit à la mise en place d'une vaste étude prospective et randomisée portant sur 6 200 patients atteints de Bpco légères. Sur les 5 000 premiers patients inclus, on constate que les hommes (77 %) sont largement majoritaires, l'âge moyen étant de 65 ans ; il s'agit de Bpco modérées à sévères (stades Gold II et III). Ces patients recevront soit du Sérétide (salmétérol-propionate de fluticazone), soit un placebo. Le suivi sera de trois ans, le critère de jugement principal étant la mortalité (la morbidité, la qualité de vie et la tolérance étant également analysées). Les résultats sont attendus en 2006.
La nécessité de rassembler les volontés.
D'ores et déjà, conclut le Pr Tonnel, nous connaissons les conséquences désastreuses de la Bpco, en termes de pronostic vital, de qualité de vie et d'économie de santé. Ainsi, plusieurs études ont montré que quand une exacerbation nécessite une hospitalisation, la mortalité intra-hospitalière est de l'ordre de 10 % et elle varie entre 22 et 40 % dans l'année qui suit la sortie de l'hôpital. Le retentissement sur la qualité de vie est également impressionnant : il faut en moyenne trois mois pour « se remettre » d'une exacerbation, plus s'il s'agit d'une rechute. Enfin, les coûts générés par la Bpco sont énormes, augmentant, bien sûr, avec la sévérité de la maladie (l'hospitalisation représentant près de la moitié des dépenses pour les formes modérées à sévères) : à titre d'exemple, aux Pays-Bas, on a calculé que la Bpco coûtait trois fois plus cher que l'asthme.
Face à ces chiffres, conclut le Pr Tonnel, il est urgent de concilier au mieux les souhaits des patients, des médecins et des organismes payeurs afin de mieux prévenir et/ou traiter les exacerbations de Bpco.
L'association Bpco
Présidée par le Dr Yves Grillet (Valence), l'association Bpco à fond le souffle s'est donnée pour objectif de réunir les médecins et les patients désireux de tout faire pour mieux prévenir et mieux prendre en charge la Bpco, ce qui passe par la sensibilisation du public. Dans cet objectif, l'association publie un trimestriel et une affiche qui seront présentés au public, dans un premier temps à travers les salles d'attente des médecins concernés. En étroite relation avec la Société de pneumologie de langue française, l'association a plusieurs projets de formation des spécialistes et de réalisation de programmes de recherche portant sur les données épidémiologiques. L'objectif est, bien sûr, de mobiliser ces praticiens.
A plus long terme, diverses actions de formation seront menées auprès des médecins généralistes, notamment sur l'utilisation d'un nouvel appareil permettant de mesurer le souffle et notamment la capacité inspiratoire, paramètre essentiel dans la Bpco.
L'objectif de toutes ces actions est donc de faire que la Bpco redevienne un thème d'actualité ne se résumant pas à la nécessaire lutte contre le tabagisme. Il y a incontestablement, aussi, un problème de dépistage quand on sait que de 10 000 à 20 000 personnes meurent chaque année de Bpco dans notre pays et que selon les données disponibles, de 55 à 85 % des Bpco ne seraient pas diagnostiquées... Cela mérite bien un effort d'information.
> Dr A. M.
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