Déterminants de la santé de l'enfant

La prévention commence avant la conception

Publié le 10/10/2007
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L'ÉTUDE sur les Déterminants pré- et postnatals du développement de la santé de l'ENfant (EDEN) dévoile peu à peu ses résultats. Lancée en 2003 à l'initiative du Dr Marie-Aline Charles, de l'INSERM, elle porte sur 2 000 femmes et leurs enfants mis au monde depuis, et doit durer 9 ans au minimum (voir encadré). Elle a déjà confirmé le lien entre le surpoids de la mère et le risque de diabète gestationnel et d'hypertension artérielle en cours de grossesse ; de même, elle a montré que le taux de césariennes augmente avec le poids maternel et que le taux de transfert de nouveau-nés en réanimation ou en néonatalogie est plus important chez les femmes obèses.

Quid du poids de naissance des enfants ? Les résultats rendus publics cette semaine apportent un nouvel éclairage. Exit la règle de 10 ! Jusqu'alors, les médecins ont toujours été attentifs à ce que la femme enceinte ne prenne ni trop de poids (au-delà de 10 kg, la macrosomie foetale, avec les risques y afférents, est redoutée) ni pas assez. Or, il apparaît que le poids de naissance du bébé est avant tout lié à l'IMC (indice de masse corporelle) de la mère avant la grossesse. Et ce n'est pas un effet génétique, car l'impact de la corpulence maternelle est nettement plus important que celui du poids paternel. Les chercheurs suivent la piste du placenta, dont le développement et le fonctionnement seraient influencés par l'état nutritionnel de la mère. Ils relèvent en outre que, pendant la grossesse, et surtout au troisième trimestre, les femmes mobilisent les réserves stockées dans leur tissu graisseux pour soutenir la croissance de leur bébé : les femmes obèses prennent moins de poids (4,5 kg en moyenne sans compter le poids du bébé) que les femmes maigres (10 kg en moyenne). Enfin, le surpoids ou l'obésité de la mère accroissent le risque de développement d'un diabète gestationnel qui, lui-même, favorise la prise de poids excessive du bébé.

Un IMC entre 18,5 et 25.

De toutes ces observations, on conclut que c'est en appartenant à la catégorie à IMC normal (18,5 à 25) dans les mois qui précèdent la mise en route d'une grossesse que l'on a le plus de chances de donner naissance à un nourrisson de poids adéquat. Cela devrait «inciter les femmes et le corps médical à se préoccuper de la santé future du bébé en amont de la conception». Alors que c'est le contraire qui semble se produire : le pourcentage des mères qui pesaient 70 kg ou plus avant leur grossesse est passé de 14 % en 1995 à 21 % en 2003.

Une autre raison de surveiller son poids avant de se lancer dans la maternité est l'allaitement. L'image des nourrices girondes au « sein vigoureux » n'a plus lieu d'être : l'allaitement est plus difficile à mettre en route (la perte de poids dans les trois premiers jours est plus importante) chez les nouveau-nés de femmes en surpoids ou obèses.

D'une manière générale, l'étude EDEN devrait confirmer ce que certains travaux ont déjà montré, à savoir non seulement l'importance cruciale de la vie foetale et des premiers mois de vie, mais aussi celle de la période préconceptionnelle. Ce n'est plus « Tout se joue avant 6 ans », mais « Beaucoup se joue avant même d'exister » !

2 000 mères et leurs enfants

L'étude EDEN vise à identifier les déterminants pré- et postnatals du développement de la santé de l'enfant et leurs poids respectifs. Pilotée par le Dr Marie-Aline Charles, elle est menée conjointement par quatre laboratoires de l'INSERM et deux équipes médicales des maternités de Poitiers et de Nancy. Elle a été lancée en 2003 dans ces deux maternités, où 2 002 femmes ont été recrutées. Les enfants nés depuis seront suivis jusqu'à 5 ans au moins. Outre les questionnaires initiaux, auxquels ont répondu également près de 1 800  pères, des questionnaires de suivi sont réalisés à 4 mois, 8 mois, puis chaque année, ainsi que des examens cliniques. Des prélèvements de sang de cordon et de fragments de placenta ont également été faits.

Le programme veut en particulier évaluer l'impact du statut nutritionnel de la mère sur la santé de l'enfant, son comportement alimentaire, sa croissance, son développement psychomoteur, mais aussi, entre autres, les répercussions possibles de la pollution de l'air sur le bébé (le poids à la naissance et le périmètre crânien seraient plus petits chez les enfants exposés).

> RENÉE CARTON

Source : lequotidiendumedecin.fr: 8234