La prise en charge des personnes âgées, de plus en plus nombreuses et de plus en plus âgées, semble particulièrement complexe. Risque-t-on alors une crise sanitaire liée au vieillissement de la population ? «Absolument pas, assure le Pr Ménard. La prise en charge des personnes âgées n'est facile dans aucun pays. Mais, au sujet du vieillissement, tout est écrit et annoncé, notamment par les démographes. Il ne peut donc pas y avoir de crise sur ce sujet. Il n'y a que des phénomènes annoncés. L'avenir de la prise en charge des personnes âgées dépendra de la manière dont on saura prendre en compte des scénarios de projection dans un futur à quarante ou cinquante ans.»
Diabète, hypertension, cholestérol…, ces pathologies qui se déclarent parfois à un âge avancé sont souvent la conséquence de comportements répétés depuis plusieurs décennies (mauvaises alimentation , sédentarité…). Car c'est dès l'âge de 20 ou 30 ans, voire plus tôt, que chacun doit apprendre à préserver sa santé afin de vivre plus longtemps avec une qualité de vie optimale. De même, une personne âgée ne doit pas être définie par son âge légal mais par son âge biologique, par son état de santé. «Les progrès médicaux doivent être accompagnés d'une prise de conscience sociale: la prévention est la clef d'une vieillesse supportable pour les individus et la communauté. La qualité de la prévention en matière de vieillesse, dans les années à venir, dépendra de la politique de santé que l'on mènera vis-à-vis des femmes enceintes, des enfants, des adolescents…, souligne le Pr Ménard. Actuellement, l'espérance de vie sans incapacité (sans pathologie invalidante) augmente davantage que l'espérance de vie tout court. La compression de la morbidité se produit sous nos yeux. «Mais notre combat pour une espérance de vie importante –tout en maintenant une qualité de vie acceptable– n'est pas gagné. Avec le Programme national Nutrition Santé (PNNS) , nous avons tenté de mettre en oeuvre une politique de santé d'envergure. Car tous les pays occidentalisés ont été marqués par l'augmentation importante du poids à tous les âges, ayant un lien direct sur l'incidence du diabète. Or si nous avons réussi à diminuer la mortalité cardio-vasculaire, les problèmes de cholestérol et de tension artérielle, les problèmes de poids demeurent non résolus.»
Autre problème, le « binge drinking », consommation excessive d'alcool provoquant un état d'ivresse important, est en train de s'installer en France. Or, il a été suivi, en Ecosse, d'une augmentation très importante des cancers du foie et des décès dus à ces cancers répondant à des habitudes installées depuis trente ans.
Le choix d'une priorité de santé publique.
Une politique de santé bien menée doit tenter de garantir un meilleur état de santé pour toute la population. Et cela, même si le président de la République établit une priorité de santé publique ciblée sur une des maladies des personnes âgées. «L'objectif d'une telle priorité n'est pas de mettre en compétition les maladies, de favoriser les jeunes plutôt que les personnes âgées, les femmes plutôt que les hommes (ou le contraire) . Le choix d'une priorité repose sur une réflexion, sur des critères techniques. La maladie d'Alzheimer, par exemple, choisie par Nicolas Sarkozy, concerne un grand nombre de personnes âgées, elle handicape beaucoup, et la charge pesant sur les familles est souvent lourde. La prise en charge, en maison de retraite, d'une personne atteinte de la maladie d'Alzheimer est ainsi plus complexe et donc, plus onéreuse que celle d'une personne diabétique. «Dans les années à venir, de nombreuses personnes seront atteintes de la maladie d'Alzheimer, à des stades de plus en plus avancés. Il est donc aujourd'hui logique de mettre en oeuvre un plan afin de comprendre les mécanismes biologiques, cliniques et sociaux de la maladie. Un effort financier majeur doit être réalisé pour faire avancer la recherche relative à cette maladie, insiste le Pr Ménard.
Par ailleurs, «les données démographiques récentes montrent que les pays développés auront besoin davantage de personnes ayant une formation meilleure et spécialisée pour s'occuper des personnes âgées. Il faudra donc les valoriser, leur offrir une formation supérieure et une rémunération appropriées», conclut l'ancien directeur général de la santé.
Le cycle « Crises et santé »
Les Tribunes de la santé, le cycle de conférences grand public de la chaire santé de Sciences-Po, sur le thème « Crises et santé », organisé en partenariat avec « le Quotidien », se poursuit jusqu'à la fin de l'année.
Prochains rendez-vous :
– le 28 mai, « La crise de confiance », par Christian Saout, président du CISS ;
– le 11 juin, « L'assurance-maladie : sortie de crise ? », par Frédéric Van Roekeghem, directeur de la CNAMTS ;
– le 9 octobre, « La génétique, scénario pour une crise », par Axel Kahn, président de l'université Paris-Descartes ;
– le 27 novembre, « Gestion d'une crise sanitaire : l'exemple du chikungunya », par Antoine Flahault, directeur de l'EHESP ;
– le 18 décembre, « L'hôpital en crise ? », par Claude Evin, président de la FHF.
Les conférences ont lieu de 19 h 15 à 20 h 30 à Sciences-Po (27, rue Saint-Guillaume, Paris 7e).
L'entrée est libre sur inscription préalable :
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