La lutte contre les infections maternofoetales constitue un enjeu de santé publique en raison des séquelles néonatales, notamment neurologiques et pulmonaires, qu'elles peuvent engendrer, précise le document de l'ANAES.
Les experts devaient se prononcer sur sept questions.
I. Dans quelles circonstances faut-il rechercher une infection cervico-vaginale chez la femme enceinte ?
1) A l'exception des femmes ayant un antécédent d'accouchement prématuré, le prélèvement vaginal systématique n'est pas recommandé en début de grossesse.
2) Il est recommandé de faire un prélèvement vaginal :
- en cas de signes cliniques de vulvovaginite : prurit vulvaire, brûlures cervico-vaginales, leucorrhées colorées ou nauséabondes ;
- en cas de menace d'accouchement prématuré, de rupture prématurée des membranes (RPM) ou de suspicion de chorioamniotite ;
- systématiquement, en début de grossesse, pour rechercher une vaginose bactérienne en cas d'antécédent d'accouchement prématuré.
3) Les infections cervico-vaginales sont asymptomatiques dans plus de la moitié des cas.
4) Il est recommandé de réaliser un prélèvement endocervical :
- en cas de signes de cervicite (écoulement cervical séropurulent ou col inflammatoire saignant au contact) ;
- en cas d'infection urinaire ou de leucocyturie à ECBU négatif ;
- en cas de MST ou de partenaires multiples ;
- si le partenaire a une infection urogénitale.
Les infections identifiées par ce prélèvement sont les cervicites à Chlamydia trachomatis et à Neisseria gonorrhoeae. En cas de signes urinaires, un prélèvement du premier jet d'urines améliore la détection de ces agents infectieux.
Une recherche systématique de C. trachomatis par prélèvement endocervical n'est pas justifiée en début de grossesse, de RPM et de menace d'accouchement prématuré.
II. Quels prélèvements faut-il réaliser chez une femme enceinte pour rechercher une infection bactérienne cervico-vaginale et comment interpréter les résultats ?
1) Vaginose bactérienne
Le meilleur moyen diagnostique est l'examen direct des sécrétions vaginales par coloration de Gram. Les recherches de Gardnerella vaginalis et des mycoplasmes ne sont pas justifiées.
2) S. agalactiae, E. coli K1, S. aureus, S. pyogenes, H. influenzae, S. pneumoniae, autres bactéries d'origine intestinale ou oropharyngée : leur présence en culture monomicrobienne, avec ou sans conservation de la flore de Döderlein, correspondrait plus à un portage qu'à une réelle participation à un processus local de vaginite. Néanmoins, s'il existe des signes de vulvovaginite, une culture pure de une de ces bactéries, avec disparition ou forte diminution de la flore normale et absence de flore de vaginose, peut expliquer l'inflammation et orienter vers un traitement.
3) C. trachomatis
La meilleure technique est l'amplification génique.
4) N. gonorrhoeae
Recherche par culture et test de la sensibilité aux antibiotiques.
III. Conduite à tenir en cas d'infection bactérienne cervico-vaginale au cours d'une grossesse normale ou pathologique
1) Vaginose bactérienne
Elle doit être traitée pendant la grossesse : métronidazole per os (les ovules n'ont pas fait la preuve de leur efficacité). Un prélèvement de contrôle tous les trimestres paraît justifié et le traitement doit être renouvelé si nécessaire.
2) S. agalactiae (streptocoque du groupe B) , E. coli K1, S. aureus, S. pyogenes, H. influenzae, S. pneumoniae, autres bactéries d'origine intestinale ou oropharyngée :
- en l'absence de risque d'accouchement imminent : il n'est pas recommandé de traiter le portage asymptomatique ;
- en cas de suspicion de chorioamniotite ou de RPM, l'antibiothérapie adaptée à l'antibiogramme paraît justifiée ;
- pour le streptocoque du groupe B, le traitement à distance de l'accouchement des porteuses asymptomatiques ne doit pas être réalisé car il ne diminue pas de taux de portage à l'accouchement.
3) Mycoplasmes
Aucun traitement spécifique n'est recommandé pour diminuer la colonisation vaginale.
4) N. gonorrhoae
Amoxicilline + probénicide ou spectinomycine ou ceftriaxone ou céfixime.
Traiter le partenaire.
5) C. trachomatis
Azithromycine ou érythromycine. Traiter le partenaire. Alternative : amoxicilline.
IV. Y a-t-il un intérêt à faire la recherche systématique du portage du streptocoque du groupe B (SGB) au cours de la grossesse et du travail ?
Le dépistage systématique est recommandé en fin de grossesse, idéalement entre 34 et 38 SA.
La recherche d'antigènes de SGB par le test de diagnostic rapide n'est pas recommandée systématiquement en début de travail (pas plus efficace que la culture en fin de grossesse). Elle peut être réalisée chez les femmes non dépistées en fin de grossesse en RPM.
Le prélèvement anorectal est inutile.
Le dépistage est inutile en cas d'antécédent d'infection maternofoetale ou d'une bactériurie à SGB car l'antibioprophylaxie sera systématique ( cf. paragraphe suivant).
V. Antibioprophylaxie per-partum de l'infection néonatale à SGB
1) Elle est recommandée : en cas de portage au cours de la grossesse ; en cas de bactériurie à SGB ; en cas d'antécédent d'infection néonatale à SGB ; en l'absence de prélèvement vaginal de dépistage de SGB, si l'un des facteurs de risque suivants est présent : accouchement avant 37 SA, rupture des membranes supérieures à 12 heures, température maternelle supérieure à 38 °C au cours du travail.
2) L'antibioprophylaxie per-partum (pénicilline G, amoxicilline ; voie I. V.) doit être débutée le plus tôt possible au cours du travail. En cas d'allergie à la pénicilline, un antibiogramme est justifié. Alternatives : érythromycine, céphalosporine.
VI. Quels examens faut-il réaliser en cas de rupture prématurée des membranes ?
Il n'y a pas d'examen biologique permettant à lui seul de prédire le délai d'accouchement après la RPM, de diagnostiquer l'infection amniotique et de décider d'interrompre la grossesse pour prévenir l'infection néonatale. Il faut un faisceau d'arguments.
1) Il faut un prélèvement vaginal (recherche de bactéries à haut risque infectieux ; recherche de vaginose bactérienne).
2) Prélèvement de l'endocol
La recherche d'une cervicite à C. trachomatis ou à N. gonorrhoeae est inutile en France, sauf chez les femmes à risque de MST.
3) Ponction amniotique
Cet examen n'est pas recommandé systématiquement. La culture permet d'identifier des germes colonisants ou infectants.
4) Hémoculture
Elle est recommandée chez toute femme enceinte fébrile ayant une RPM (suspicion de chorioamniotite). Sa positivité témoigne d'une complication bactériémique maternelle et constitue un signe de gravité pour la mère et le nouveau-né.
5) Dosage sérique des marqueurs de l'inflammation :
- hyperleucocytose et élévation de la CRP : dosages habituellement au début puis une ou deux fois par semaine ; examens peu performants et tardifs ;
- élévation de l'IL6 : plus précoce et plus performante. Le coût limite son utilisation en pratique.
VII. Conduite à tenir sur le plan infectieux devant une rupture prématurée des membranes.
1) Après 37 SA
Le déclenchement du travail, précédé ou non d'une maturation cervicale par prostaglandines, est recommandé car il y a réduction des infections maternelles et tendance à la réduction des infections néonatales par rapport à l'expectative sous antibiotiques.
En dehors des femmes porteuses connues de germes pathogènes, l'antibiothérapie systématique n'est pas recommandée en cas de RPM à terme. Un prélèvement bactériologique vaginal est recommandé pour orienter l'attitude des pédiatres.
2) Entre 34 et 37 SA
Prélèvement vaginal à l'entrée, puis soit déclenchement du travail, soit expectative sous antibiotiques. Le choix sera fait en fonction du contexte et de la date de survenue de la RPM.
3) Avant 34 SA
L'antibiothérapie systématique diminue la morbidité infectieuse néonatale, prolonge la grossesse, diminue les taux d'hémorragies intraventriculaires et de chorioamniotite. Elle tend aussi à diminuer la mortalité périnatale et le taux d'endométrites. L'amoxicilline doit être utilisée en première intention.
Il est recommandé d'associer une corticothérapie qui diminue les taux de syndrome de détresse respiratoire et de mortalité périnatale. Elle n'augmente pas le taux d'infections néonatales ou de chorioamniotites mais pourrait augmenter le taux d'endométrites.
Une tocolyse courte (efficacité non démontrée) paraît justifiée, le temps de réaliser une corticothérapie.
En cas de cerclage, l'ablation du fil ou de la bandelette et leur examen bactériologique sont recommandés lorsque survient une RPM.
Le rapport complet et la synthèse, en cours d'édition, sont dès à présent téléchargeables gratuitement à partir du site de l'ANAES : http://www.anaes.fr
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