TOUTES LES INSTITUTIONS, police, médecine, justice, éducation sont remises en cause et doivent faire leur aggiornamento. La presse, écrite, parlée ou télévisée, ne peut échapper à ce vaste ravalement social car elle commet souvent de grossières erreurs. Lesquelles constituent les exemples les plus visibles d'une dégradation de la qualité qui remonte à plus longtemps et dont peu de journaux sont indemnes : le langage parlé est de plus en plus souvent truffé de clichés et de fautes de syntaxe ; le langage écrit est devenu synthétique, avec des mots et des portions de phrase passe-partout, et une grammaire approximative.
Manipulation.
Le commentaire personnel irrigue les articles d'information ; les titres, même dans certains journaux prestigieux, correspondent peu, ou pas du tout, au contenu de l'article, la dramatisation du moindre événement est systématique. L'engagement politique dépasse le cadre strict du commentaire ou de l'éditorial : il est dans les titres, dans les choix des sujets ou des photos, dans la hiérarchie des événements. De toute évidence, la presse dite « people » a déteint sur celle qu'on croit encore sérieuse. Quelques magazines au tirage élevé ne cessent de se livrer à des provocations, en annonçant par exemple une idylle entre stars qui est inexistante, quitte à s'expliquer plus tard sur ce genre de manipulation.
Nous avons expliqué le phénomène qui a conduit France 2 à annoncer une fausse nouvelle : les responsables de la chaîne étaient tellement obnubilés par la présence d'Alain Juppé sur le plateau de la chaîne concurrente qu'ils en ont perdu tout bon sens et se sont crus autorisés à présenter comme une information des rumeurs que corroboraient des sources anonymes. Conçu comme une idée ingénieuse de journaliste, leur stratagème s'est effondré au moment où ils le mettaient en œuvre : ils ont été défaits par eux-mêmes.
La sévère réaction du CSA, chargé de contrôler l'éthique de l'information, a été interprétée comme une forme de censure : un ultimatum ou une mise en demeure constitue une pression très forte pour empêcher la récidive. Et bien sûr, on n'y reprendra France 2. Mais, censure ou pas, la question se pose de l'espace infini offert par la liberté d'expression à de simples mortels. La liberté ne se divise pas, ne se saucissonne pas. Mais il faut bien admettre que la presse à grand tirage, souvent la plus vulgaire, n'en fait pas le meilleur usage.
DE LA FABRICATION DE L'INFORMATION À L'ABSENCE DE SENS CIVIQUE
Un scoop facile.
Cependant, la faute de France 2 ne nous semble pas aussi grave que celle de « la Dépêche du Midi » qui a fait un scoop facile : le ministère de l'Intérieur avait demandé à tous les médias de faire le silence, momentanément, sur le chantage terroriste. La décision de « la Dépêche du Midi » a simplement consisté à ignorer tout devoir civique et donc à tirer avantage du comportement moral des journaux concurrents. Après avoir déclaré, avec beau mouvement de menton, que « la Dépêche » ne prend pas ses ordres au gouvernement (il s'agit d'une requête, pas d'une directive) la rédaction du journal a affirmé que ses révélations n'ont pas influencé le cours de l'enquête. Bien sûr, c'est faux : il a fallu prendre des mesures de sécurité sans précédent (30 000 cheminots ont parcouru à pied la totalité du réseau ferroviaire) et les maîtres-chanteurs ont multiplié les menaces. Si une bombe explose au passage d'un train, la direction de « la Dépêche » aura tout le loisir de méditer sur la façon dont elle exerce son métier.
On ne voit pas pourquoi la notion de civisme, le principe de précaution, le sens de la sécurité collective, la hiérarchie des priorités (une exclusivité est-elle plus importante que la sécurité du voyageur ?) seraient étrangers à la profession de journaliste. Maintenant, pour justifier l'attitude de « la Dépêche », on en est à supputer que le gouvernement a été duplice et qu'en même temps qu'il réclamait l'embargo, il organisait la fuite. On préfère donc un coupable à qui le crime ne profiterait guère à celui qui ne se cache pas de l'avoir commis.
L'affaire Baudis.
« La Dépêche » n'en est pas à ses débuts dans le journalisme de bas étage, elle qui a mené contre Dominique Baudis une campagne qui l'aurait achevé s'il n'avait fait la preuve indiscutable de son innocence dans l'affaire de mœurs de Toulouse. Non seulement elle ne s'est jamais excusée, mais voilà qu'elle récidive, cette fois dans un autre chapitre.
Certes, on pourrait s'étonner de ce qu'un journaliste s'en prenne à ses confrères, d'autant que nul n'est infaillible. Mais nous n'avons pas pour objectif, au « Quotidien », de bouleverser la société avec ce que nous publions. Notre modeste ambition est de former et d'informer ; quand nous commettons une erreur de fait, nous nous empressons de la rectifier et cette page est la seule, avec l'éditorial, qui contienne des analyses critiques. Lesquelles n'engagent que leur auteur et non pas l'ensemble de la rédaction.
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