«À UN MOMENT ou à un autre de leur vie, globalement 32millions de Français» sont concernés par la contraception, soulignait en 2007 le ministère de la Santé*. Pendant les douze ans qui séparent le premier rapport sexuel, à 17,5 ans, et la première naissance, à 29,6 ans, la contraception appelle au sur-mesure. Il faut qu'elle se montre sans faille, dans toutes les circonstances. Et, compte tenu du nombre d'enfant par femme (2), la maîtrise de la fécondité s'étend bien au-delà des années précédant le premier accouchement.
Or la France, qui détient le record du monde de la contraception médicale réversible (pilule, stérilet), enregistre, dans le même temps, près d'un tiers de grossesses imprévues, plus d'une sur deux se terminant par un avortement. Un phénomène d'autant plus préoccupant que 2 grossesses non voulues sur 3 surviennent chez des femmes déclarant prendre un moyen contraceptif. Seulement 5 % de celles qui ont des rapports sexuels et ne souhaitent pas donner la vie font l'impasse sur la contraception**. Les méthodes contraceptives employées sont la pilule (45,4 %), le stérilet (17,3 %), le préservatif (7,4 %), la stérilisation féminine (4,7 %), le retrait (2,3 %) et l'abstinence périodique (1,3 %). Quand on les interroge sur les « échecs », des Françaises les attribuent au fait qu'elles n'ont pas choisi leur contraception, quelques-unes invoquent une utilisation incorrecte ou la survenue d'une difficulté (oubli de pilule, rupture de préservatif, etc.), d'autres mettent en avant un manque d'information. En somme, il s'agirait moins d'un problème d'accès à la maîtrise de la fécondité que d'une inadéquation entre la prescription médicale et le mode de vie au quotidien, voire une insuffisance d'explications. Sur la base d'un tel constat, les pouvoirs publics ont lancé des propositions d'actions à mener, tant en direction de la population que des médecins. Les prescripteurs de contraceptifs sont majoritairement les généralistes (98 000), les gynécologues-obstétriciens (3 130), les spécialistes en gynécologie médicale et obstétrique (2 100) et les praticiens qualifiés en gynécologie médicale (25). En 2003, l'enquête EPILULE, menée auprès de 208 omnipraticiens, offre la photographie suivante : un sur deux initie la première prescription, les femmes prescrivent davantage que les hommes (18,2 % contre 15,2 %), 60 % délivrent une information orale et 20 % un support explicatif (visuel, brochure), 48 % communiquent systématiquement sur de possibles oublis lors d'un renouvellement d'ordonnance, 38 % posent un stérilet – 70 % de ceux qui ne le font pas parlent d'un manque de formation – et 14 % des généralistes préféreraient que le suivi de la contraception soit assuré par un spécialiste.
Une journée de formation.
L'année suivante, la Haute Autorité de santé (HAS), avec le concours notamment du Collège national des généralistes enseignants (CNGE), formule une série de recommandations afin que le prescripteur se rapproche «au maximum de l'efficacité optimale de la méthode prescrite». Parallèlement, les 1 350 maîtres de stage en médecine générale – dont 150 enseignants associés et 1 200 attachés d'enseignement et chargés de cours – et les 2 400 généralistes qui accueillent des internes dans leur cabinet sont conviés à suivre une journée de formation à la contraception, dédommagée 15 C ( «indemnités perte de ressources»), explique au « Quotidien » le Dr Patrick Chevalier, secrétaire général du CNGE. Conçue, en 2005, dans le cadre d'un partenariat direction générale de la santé/CNGE, cette opération a pour objectif de mieux former dans la spécialité les étudiants de la filière médecine générale et les formateurs sur un plan pédagogique (FMC), explique en substance le Dr Anne Bottet, directrice adjointe du département formation du CNGE. Les deux premières années, financées par la DGS à hauteur de 120 000 euros annuels (plus 15 000 euros du CNGE, 15 000 euros du laboratoire Organon en 2006 et 15 000 euros de la Mutualité française en 2007), ont permis de mobiliser quelque 300 participants à Créteil Paris-12, Clermont-Ferrand, Reims, Paris-5, Blois, Nice, Lille, Nantes, Limoges, Bordeaux, Paris-7, Grenoble, Cahors, Lyon et Montpellier. L'enseignement dispensé, enrichi des avis de la HAS, se fait selon cinq axes, souligne le Dr Vincent Renard, directeur de la formation au CNGE : prise en compte des préférences et des représentations de la femme et du couple dans le choix de la méthode contraceptive, développement des informations adéquates lors de la première consultation, conseils appropriés au renouvellement de la contraception, évocation de la législation et des lieux ressources en termes de prescription et d'accès aux contraceptifs, situations à risque (adolescence, suites d'IVG, période postnatale, changement de méthode) et recours à la contraception d'urgence. Le niveau du taux de connaissance des généralistes en matière de contraception est passé de 70 à 95 % grâce à la journée de formation, estime le Dr Renard. Les impacts sur leur pratique font l'objet d'une thèse qui sera publiée début 2009. Pour l'année en cours, la journée se décline selon les modalités de la formation professionnelle conventionnelle.
«La consultation de contraception se veut un temps fort de la prévention des grossesses non désirées, mais, plus largement, elle doit constituer un temps fort de prévention des autres risques relatifs à la sexualité. Dans certaines circonstances, elle peut contribuer à préparer de meilleures conditions de déroulement de grossesses ultérieures», insiste le ministère de la Santé.
* « Stratégie d'actions en matière de contraception », DGS.
** Enquête Cohorte Contraception (COCON) 2000-2002 INSERM/INED.
La parole est aux...Généralistes
Dr Catherine Bosson (Savoie), 25 ans d'exercice : «Ici, au bout du monde, en terre montagnarde –l'hôpital se trouve à 25km–, on se doit d'être multicarte. Je viens seulement d'arrêter de mettre des stérilets, alors qu'il est recommandé aujourd'hui de le faire avec une autre personne à proximité et avec de l'oxygène à disposition. Vous savez, en tant que femme... Et puis, avec la presse médicale, je suis au courant.»
Dr Sylvie Bousseyroux-Lamagat (Corrèze), installée depuis 22 ans en milieu semi-rural : «On n'est jamais assez formé. Heureusement, il y a les journaux médicaux et la FMC.»
Dr Bernard Martinole (Îlle-et-Vilaine), 25 ans de pratique : «C'est important de se maintenir informé, et pour cela, on lit “le Quotidien”.»
Dr Christophe Lacarme, médecin depuis 30 ans : «À la campagne, il faut bien qu'on se débrouille. Ici, les troisgynécologues les plus proches sont à 20km. Comme tous les généralistes, la contraception m'est familière.»
Dr François Gattere, médecin de campagne (Vendée) depuis 33 ans : «Cela n'est pas très important dans mon activité, mais j'essaie de me tenir au courant en lisant des revues médicales.»
Dr Denis Gaspard, médecin de campagne (Mayenne) depuis 17 ans : «Si je me sens suffisamment formé? Pourquoi pas? J'en fais quotidiennement, de la contraception.»
Dr Lucette Desfaudais (Calvados), généraliste de ville : «Je connais tous les types de contraception, j'en ai l'habitude. Je n'ai pas besoin de formation.»
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