Pour la première fois, une enquête a été menée en France afin de savoir qui sont les patients qui souffrent d'arthrose. Jusqu'à présent, les informations provenaient d'essais thérapeutiques. Les patients étaient donc hautement sélectionnés, et peu représentatifs de ce qu'est la réalité de l'arthrose. « Nous avons donc essayé d'envisager les choses de façon différente, commente le Dr Bruno Fautrel, (hôpital de la Salpêtrière, Paris) avec un abord beaucoup plus épidémiologique, notamment pharmaco-épidémiologique. »
L'arthrose est une pathologie très fréquente et la plupart des patients sont pris en charge près de leur domicile par leur médecin traitant. « Nous avons donc utilisé un réseau permettant de contacter un grand nombre de médecins généralistes ou de rhumatologues, répartis sur tout le territoire national. » Un peu plus de 5 000 médecins ont répondu positivement à cette enquête et chacun d'entre eux avait pour rôle de sélectionner deux premiers patients consultant pour arthrose. Au total, ce sont 10 400 patients arthrosiques qui ont été inclus. La distribution, tant des médecins que des patients, était homogène sur toute la France, permettant de rassembler des informations représentatives de la pratique médicale d'une part et de la réalité humaine des patients arthrosiques d'autre part.
Une arthrose plurifocale dans 47% des cas
« Dans notre enquête, explique le Dr Bruno Fautrel les patients inclus avaient une arthrose symptomatique, raison pour laquelle ils consultaient. Le diagnostic était clinique et radiologique chez près de85 % d'entre eux. » Dans la majorité des cas (90 %), ces patients étaient déjà « étiquetés » arthrosiques depuis plusieurs années. Les résultats ont confirmé que l'arthrose est plus fréquente chez la femme, et permis de caractériser les symptômes qui motivaient la consultation : douleur et/ou gêne fonctionnelle. Près de la moitié des patients (47 %) avait une arthrose plurifocale (genou + mains ou hanche + mains ou genou + hanche + mains). En cas d'atteinte articulaire unifocale, l'articulation la plus fréquemment touchée était le genou (un tiers des patients), puis la hanche et les mains. « Nous avons essayé d'évaluer le retentissement de l'arthrose dans le mois poursuit le Dr Fautrel et dans l'année ayant précédé l'enquête. En moyenne, les patients souffraient depuis une quinzaine de jours avant de consulter et avaient subi 2 à 3 poussées de la maladie arthrosique dans l'année précédente. » La prévalence des prothèses n'était pas très importante : de l'ordre de 6 à 7 % pour la hanche, de l'ordre de 3 à 4 % pour le genou.
Sur le plan humain, 4 patients sur 5 se sentaient limités dans les activités de la vie quotidienne. La moitié d'entre eux étaient limités pour faire leurs courses. Il existait également une gêne pour l'entretien de la maison pour plus de 40 % d'entre eux ; 20 % étaient gênés pour s'habiller et 10 % pour faire la toilette. 1 patient sur 5 avait du mal à se déplacer, même à l'intérieur de sa maison. Elément additionnel particulièrement intéressant, un retentissement très net de l'arthrose sur le travail a été mis en évidence. Environ 20 % des patients arthrosiques exerçaient une activité professionnelle ; parmi eux, près des deux tiers étaient limités dans l'exercice de leur profession soit parce cette dernière était manuelle, soit parce que leur gêne se manifestait dans leurs déplacements, et 20 % des patients étaient en arrêt de travail du fait de leur maladie.
Les données pharmacoépidémiologiques ont montré par ailleurs que les principaux médicaments utilisés étaient les antalgiques, les anti-inflammatoires et les antiarthrosiques symptomatiques d'action plus retardée. 20 % des patients avaient reçu au moins une infiltration (en moyenne 1,7) et seuls 1,5 % d'entre eux avaient reçu une injection d'acide hyaluronique. La rééducation était bien entendu également largement prescrite avec, dans la moitié des cas, des mesures de renforcement musculaire, dont l'efficacité est maintenant démontrée dans l'arthrose des membres inférieurs.
Cette enquête permet donc d'avoir une image précise de l'arthrose en France, des pratiques médicales, de l'impact sur la vie des patients. Elle permet de mieux cerner l'ampleur de cette maladie dont l'impact est souvent minimisé ou négligé.
D'après un entretien avec le Dr Bruno Fautrel (hôpîtal de la Pitié-Salpêtière,Paris).
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