LE 8 OCTOBRE 2005, une jeune Chinoise de 12 ans qui, jusque-là, avait toujours été en bonne santé, a développé un tableau associant une fièvre et de la toux. Quatre jours après le début des symptômes, elle a consulté un médecin dans un centre de soins local de son petit village rural de la région du Hunan. Le 13 octobre 2005, elle a été admise à l’hôpital local en raison de la persistance des troubles. A l’entrée aux urgences, elle présentait une fièvre à 40,4 °C, la radiographie mettait en évidence des opacités des lobes moyen et inférieur du poumon gauche. Un bilan biologique a immédiatement été effectué : la patiente ne présentait pas d’hyperleucocytose (3 280 blancs dont 640 lymphocytes ; 94 000 plaquettes) et ses fonctions rénales et hépatiques étaient dans les limites de la normale.
Détresse respiratoire aiguë, Civd, défaillance d’organes.
En raison de la majoration de la dyspnée et de l’apparition d’une cyanose, la jeune patiente a été transférée au sein de l’hôpital pédiatrique régional. La radiographie pratiquée à l’arrivée en pédiatrie a retrouvé une densification des deux plages pulmonaires. Son état s’est détérioré malgré la mise en place d’une oxygénothérapie, d’une antibiothérapie à large spectre (azithromycine et céfotaxime) associée à une corticothérapie.
Moins de 24 heures après son admission au centre hospitalier, elle a été intubée et mise sous ventilation assistée. Elle est décédée d’une détresse respiratoire aiguë associée à une coagulation vasculaire disséminée et à une défaillance d’organes le 17 octobre 2005.
Le 10 octobre de cette même année, son petit frère de 9 ans a lui aussi développé un syndrome fébrile associé à une toux. Une semaine plus tard, il a été hospitalisé et a bénéficié d’un traitement par antiviraux (amantadine, ribavirine), antibiotiques à large spectre et corticostéroïdes. Amélioré par ce traitement, il a pu quitter l’hôpital le 12 novembre et lors de la dernière évaluation clinique, le 9 décembre 2005, il était toujours asymptomatique.
Grâce au réseau de surveillance mis en place dans le pays depuis juillet 2004, il a été possible d’effectuer une recherche épidémiologique dès la déclaration de ces cas familiaux au centre chinois pour le contrôle des maladies et la prévention.
Poulets et canards dans la salle de bains et les toilettes.
Comme la plupart des familles de cette région, les W. élevaient des volailles au sein même de leur habitation : entre le 1er et le 7 octobre 2005, 22 poulets et 5 canards étaient gardés en cage soit dans la salle de bains, soit dans les toilettes. Comme cette période coïncidait avec des vacances scolaires, les enfants de la famille ont passé plus de temps à leur domicile que d’habitude. Un interrogatoire des habitants du village a permis de préciser la date des premiers décès de volailles : il s’agissait du 16 septembre 2005. Entre le 6 et le 12 octobre 2005, les volailles de la famille W. ont été décimées : le 19 octobre, seulement un poulet et un canard étaient encore vivants. La mère a cuisiné toutes les volailles décédées et elles ont été consommées par la famille. Les 191 personnes en contact proche avec les deux enfants malades et leur famille ont toutes été examinées dans les dix jours suivant leur dernier contact avec les malades. Aucune d’entre elles ne présentait de signe d’infection par le virus de la grippe aviaire.
Anticorps anti-H5N1.
Une analyse sérologique a pu être effectuée sur un échantillon sérique prélevé chez la jeune fille huit jours après l’apparition des premiers signes cliniques. Elle a permis la mise en évidence d’anticorps dirigés contre le virus H5N1. Des anticorps de même type ont aussi été détectés sur le seul poulet vivant de la famille W. Chez le jeune garçon, des prélèvements ont été effectués à J8, J17 et J22. Le taux d’anticorps anti-H5N1 était, là aussi, très élevé. La recherche virale directe, en revanche, s’est révélée négative.
« Lancet » vol. 367, p. 84, 7 janvier 2006.
Nouveau décès en Turquie
Une troisième personne, la s?ur des deux premières victimes supposées de grippe aviaire en Turquie, est décédée le 6 janvier 2006 à l’hôpital de Van, dans l’est du pays, à la frontière avec l’Iran. La fillette était traitée en soins intensifs et elle avait été placée sous respiration artificielle en raison d’une détresse respiratoire. Un quatrième enfant de la famille est encore hospitalisé en raison de symptômes compatibles avec ceux d’une grippe aviaire.Les résultats de tests menés par un laboratoire britannique indépendant devraient être rapidement disponibles. Si cette contre-expertise confirme le lien entre le virus H5N1 et les décès, il s’agirait des premiers morts en dehors du continent asiatique.
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