L'état de santé dentaire des personnes en situation de précarité est préoccupant par rapport à celui de la population générale, indique une enquête du CREDES réalisée auprès de 80 centres de soins gratuits entre septembre 1999 et mai 2000 (1). Parmi les 571 patients interrogés, trois sur quatre (76 %) déclarent avoir au moins une dent manquante non remplacée, soit deux fois plus souvent qu'en population générale, à structure d'âge et de sexe égale.
L'examen médical permet de constater que les personnes démunies ont souvent peu conscience de la gravité de leurs problèmes dentaires, et donc de la nécessité de soins et de prothèses. Le CREDES constate une tendance à sous-déclarer le nombre de dents manquantes, en particulier chez les plus âgés : selon les médecins, les patients de plus de 50 ans ont 12,3 dents manquantes, et non 10 comme ils le déclarent. Au passage, on remarque que les femmes, sans doute parce qu'elles sont plus attentives à leur apparence, ont moins de problèmes dentaires : il leur manque 9,5 dents en moyenne, contre 13 pour les hommes.
Autre signe de ce manque de prise de conscience chez les personnes en situation de précarité : moins de 6 % seulement des patients interrogés ont déclaré être venus au centre pour un problème de dents. De même, leur faible recours au dentiste explique l'aggravation de leurs problèmes dentaires. Un tiers déclare avoir consulté un dentiste durant l'année écoulée, alors que ce taux est proche de 50 % en population générale. 60 % disent n'avoir aucune prothèse dentaire (couronnes, dentiers, bridges, plombages), mais cette proportion n'est que de 15 % en population générale. Plus le besoin de soins est important, plus le recours aux soins du dentiste est faible. Près de 60 % des usagers des centres de soins gratuits invoquent des problèmes financiers pour expliquer le non-remplacement de leurs dents, soit deux fois plus souvent qu'en population générale.
Les étrangers en meilleure santé
L'enquête du CREDES indique, en outre, que les problèmes dentaires sont nettement moins importants chez les patients de nationalité étrangère, qui représentent 46 % des patients interrogés, que chez les patients français (3,2 dents manquantes, contre 5,7). « Cela est lié aux formes particulières de la précarisation des étrangers », estime le CREDES. Les étrangers en situation irrégulière sont en situation de précarité depuis moins longtemps en général que les Français. En outre, le CREDES estime que « les plus fragiles et les malades (des étrangers) sont moins susceptibles de se lancer dans l'épreuve de la venue en France en situation irrégulière ». En revanche, quand ils cumulent absence d'emploi, logement instable et isolement, les consultants de soins gratuits connaissent « un état psychique et un état de santé dentaire fortement dégradés, aussi bien pour les Français que pour les étrangers ».
(1) Etude d'Alice Beynet et de Georges Menahem parue dans « Questions d'économie de la santé », n° 48. Centre de recherche, d'étude et de documentation en économie de la santé (CREDES).
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