Par le Dr Dan Alexandre Lebuisson*
LA PRESBYTIE est un tel enjeu de santé publique que chercheurs, médecins et industriels s'intéressent enfin à ce domaine qui concerne plus de la moitié de la population et bientôt encore plus.
Elle apparaît vers 40 ans et procède de la baisse progressive de l'accommodation, le cristallin perdant petit à petit ses capacités à modifier sa courbure antérieure pour focaliser l'image. Deux possibilités s'offrent au chirurgien, soit rétablir une accommodation, soit octroyer une aptitude multifocale par chirurgie additive ou soustractive. Toutes ces interventions, encore rares, sont réalisables en ambulatoire et sous anesthésie locale ou topique.
La chirurgie additive.
Les lentilles intraoculaires phaques sont utilisées depuis longtemps. Il existe depuis peu des modèles à foyers multiples permettant d'obtenir plusieurs images par oeil. Si le cerveau s'adapte, c'est bien, sinon une superposition optique peut gêner, avec aussi de possibles effets secondaires (halos, diffraction, éblouissements, etc.). Cette chirurgie est « réversible », au sens où l'implant peut être enlévé en cas d'intolérance anatomique ou visuelle.
Une autre technique consiste à insérer dans la sclère, à quelques millimètres de la cornée, des petits implants qui vont appuyer et raccourcir d'autant le hamac zonulaire, ce qui permet alors au résiduel accommodatif de se dévoiler. Le recul manque, mais ce procédé n'est pas dangereux.
On peut également recourir à des lentilles intracornéennes (inlays). Si l'idée est ancienne et le produit nouveau. La facilité avec laquelle on découpe des volets cornéens (microkératome et surtout au laser Femtosecond) permet de placer une petite lentille au centre de la cornée. La tolérance biologique semble bonne sans être exempte de soucis, en voie de résolution, mais les mêmes effets secondaires visuels qu'avec tout système multifocal sont possibles
La chirurgie soustractive.
C'est la photoablation au laser Excimer, superficielle ou, mieux, au Lasik. Deux options s'offrent : la première corrige un oeil au loin le dominant et l'autre au près. Cette inégalité est pratique et simple à réaliser. Elle n'est surtout bien acceptée que par les myopes et si la différence n'excède pas 1,5 dioptrie. Dans tous les cas, cette monovision réduit une bonne binocularité et doit être testée par simulation avant l'opération. On peut affiner en jouant sur le diamètre de zone traitée ou en mixant avec la technique suivante. La seconde option est le presbyLasik qui crée une double zone d'ablation par Lasik. La multifocalité obtenue procède de la pseudo-accommodation que provoque une cornée rendue asphérique. L'effet est spectaculaire, simple et vise les petits hypermétropes (< 3 dioptries). Il s'agit en fait de renforcer par une petite myopisation centrale l'action pseudo-accommodative conventionnelle du traitement laser réfractif. Au demeurant, cette action se vérifie quotidiennement par un simple traitement monofocal de l'hypermétrope et nombre de sujets de 50 ans et plus possèdent une vision de près rétablie à un niveau permettant de se passer de correction en vie courante ou du moins de limiter notablement la puissance de la monture d'appoint. Une possibilité s'adresse aux sujets astigmates en favorisant la conservation d'un astigmatisme myopique faible augmentant la profondeur de champ.
La rétraction cornéenne.
La kératoplastie focale par divers moyens physiques (laser Holmium, laser état solide, etc.) crée des zones de rétraction qui possèdent une action antihypermétropique. Ce moyen est non ablatif. Il donne un effet à court terme notable, mais régresse dès les premières années sans stopper ultérieurement. Cette opération est la mieux adaptée au patient emmétrope chez qui un seul oeil, le dominé, sera traité sur la base de 1,5 dioptrie.
Chirurgie de remplacement cristallinien.
Mettre un implant cristallinien multifocal est beaucoup moins hasardeux que par le passé. Les plages multifocales sont mieux pensées et les dessins plus performants. Là encore, double image signifie moins bonne capacité visuelle et réception inconstante d'images un peu floues. Les principaux bénéficiaires demeurent principalement les sujets non myopes et assez flexibles pour tolérer une baisse d'acuité en faible luminance et aussi en mesure d'écarter le conflit psychovisuel de la double offre d'image. Une sophistication supplémentaire consiste à associer une préférence lumineuse loin-près différente pour chaque oeil. Le presbyte n'est pas encore forcément porteur d'une cataracte et le sacrifice lenticulaire doit être discuté avec le patient. De surcroît, une information renforcée s'impose chez le myope en raison des risques, jamais nuls, de retentissement rétinien. En revanche, l'hypermétrope apparaît un très bon candidat à cette chirurgie exigeante en mesures précises et en gestes adéquats.
De futurs implants en macromères nouveaux permettront, moyennant une excitation lumineuse ultraviolette externe postérieure à l'intervention, de modifier la puissance par polymérisation calculée. Il sera même possible de compenser alors des aberrations cornéennes importantes.
Enfin, le recours à des produits mixtes aux index réfractifs différents offre une possibilité d'obtenir des effets visuels variables selon la répartition des zones. Le phacoersatz est une idée voisine, reposant sur un biomatériau injecté dans le sac cristallinien après ablation du contenu cataracté. Le nouveau produit étant censé donner une seconde jeunesse à l'ensemble, mais, depuis le lancement de l'idée, le prometteur est déjà devenu très presbyte avant d'avoir proposé la moindre solution.
Tous ces moyens ne possèdent pas le même degré d'avancement et de fiabilité, une fraction réduite mais non négligeable de patients peut être bénéficiaire.
Le marché de la lunette et des lentilles de contact ne souffrira pas avant longtemps, mais, désormais, la porte est irrestiblement entrouverte pour le rendre alternatif dans quelques années.
* Hôpital Foch (Suresnes), clinique de la vision (Paris) et hôpital américain de Paris (Neuilly).
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