L'EXCES DE MORTALITÉ de plus de 15 000 décès reste fortement ancré dans nos mémoires après la canicule d'août 2003. Mais qui a remarqué que la dernière pandémie grippale avait, entre décembre 1969 et janvier 1970, entraîné un excès de mortalité de 31 000 personnes en France, après plus de 14 000 victimes « en excès » entre décembre 1967 et mars 1968 ? Qui a remarqué l'excès de plus de 35 000 victimes de l'hiver 1962-1963 ? Plus récemment, qui a gardé en mémoire les 14 000 victimes en excès de décembre 1989 et janvier 1990, ou les 10 000 victimes en excès du seul mois de janvier 1997 ? Ou encore les 8 000 décès en excès lors du tournant du siècle (entre décembre 1999 et janvier 2000) ? Probablement personne, bien que ces données soient publiques (série disponible sur Internet depuis 1975 [1]).
Un « excès » de plus de 6 000 décès de toutes causes, en moyenne, par saison grippale.
Plus de 80 % des décès attribués à la grippe en France concernent en effet des personnes âgées de plus de 75 ans (2). La figure 1 montre que les oscillations saisonnières de la mortalité en France concernent presque toutes les causes de mortalité (y compris les décès par maladies chroniques, comme le cancer ou le diabète) et pas seulement la mortalité codée « pneumonie » et « grippe ». La figure 2 montre - en dehors de l'épisode de surmortalité liée à la canicule de 2003 - la forte coïncidence entre les pics épidémiques de grippe tels qu'ils sont observés par les médecins généralistes du réseau Sentinelles de l'Inserm et les pics de mortalité hivernaux (3). Nous sommes ainsi conduits à revisiter le concept de mortalité liée à la grippe, et notamment le chiffre moyen de 2 500 décès par saison grippale en France, dont la cause principale rapportée est la grippe (2). Nous avons analysé la série depuis 1946 jusqu'en 2003. Nous avons calculé ici la « surmortalité liée à la grippe » simplement en défalquant les chiffres moyens des mois correspondants (moyenne calculée sur l'ensemble de la période de 55 ans) de la mortalité brute mensuelle fournie par l'Insee, et en ne retenant que l'excès de mortalité mensuelle supérieur à 2 000 personnes durant les périodes d'octobre à avril (3).
L'exemple des décennies 1960-1969 et 1990-1999.
Durant la décennie 1960-1969, l'excès de mortalité, tel que défini ci-dessus, était en moyenne de 14 000 décès durant les saisons grippales. Durant la décennie 1990-1999 - qui n'a pas connu de pandémie grippale et qui a connu un renforcement notable de la politique de prévention par la vaccination des personnes âgées, des personnes à risque et des professions de santé -, cet excès saisonnier moyen (6 000 décès) a été divisé par plus de deux. Il faut probablement renforcer encore les moyens de prévention contre les épidémies de grippe, pour tenter de faire baisser davantage une surmortalité évitable notamment chez les personnes de plus de 75 ans ou fragilisées par une pathologie chronique.
Inserm U707, réseau Sentinelles-Inserm, centre collaborateur de l'OMS pour la surveillance électronique des maladies, université Pierre-et-Marie-Curie, Paris.
Références
(1) http://www.indices.insee.fr.
(2) F. Carrat, A. J. Valleron. Influenza Mortality Among the Elderly in France, 1980-1990 : How Many Deaths May Have Been Avoided Through Vaccination ? « J Epidemiol Community Health », 1995 ; 49 : 419-425.
(3) A. J. Valleron, A. Boumendil. Epidémiologie et canicules : analyses de la vague de chaleur 2003 en France. « C R Biol », 2004 ; 327 : 1125-4111.
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