LES CONCLUSIONS de la première conférence d'experts sur le tabagisme périopératoire (Cetpo) ont été rendues publiques en octobre. Elles sont sans appel : le tabagisme augmente significativement les risques périopératoires. Mais les travaux des médecins anesthésistes, chirurgiens et tabacologues du Cetpo montrent aussi qu'une recommandation simple permet de prévenir ce surrisque : en s'abstenant de fumer au cours des six à huit semaines qui précédent une intervention chirurgicale et en poursuivant l'arrêt du tabac au moins trois semaines à trois mois après l'intervention, les risques de complication sont ramenés au même niveau que ceux des non-fumeurs. L'arrêt du tabac en période périopératoire diminue significativement le risque d'un passage en réanimation après l'intervention et permet en outre de réduire la durée du séjour en chirurgie de deux à trois jours.
Aujourd'hui, si plus de la moitié des fumeuses arrêtent de fumer à l'annonce d'une grossesse, seul un dixième des fumeurs ont une démarche similaire à l'occasion d'une intervention chirurgicale programmée. Les professionnels de santé doivent se mobiliser afin que le message « on ne fume pas en période périopératoire » passe dans la population générale. Les médecins généralistes ou spécialistes qui envisagent la possibilité d'une intervention chirurgicale avec leurs patients fumeurs jouent un rôle majeur dans la transmission de ce message de santé publique.
« Si la mobilisation des décideurs, des soignants et du grand public est forte, à coté du bénéfice de santé pour les opérés, les bénéfices financiers attendus de cette prise en charge des fumeurs en périopératoire sont énormes et permettraient de réduire significativement le déficit de l'assurance-maladie dès 2006 », ont expliqué les experts.
Réanimation, infection, accident coronaire.
Il est établi depuis plus de soixante ans que le tabagisme engendre des complications générales et respiratoires en périopératoire. L'analyse de la littérature récente a permis d'affiner cette notion et d'établir que la consommation de tabac en période périopératoire est responsable d'un doublement du risque d'être transféré en réanimation (risque relatif de 2,02 à 2,86), d'un doublement, voire d'un triplement, du risque infectieux (RR de 2 à 3,5) et d'un triplement du risque d'accident coronaire (RR de 3).
Le site opératoire.
Les effets sont particulièrement désastreux sur le site opératoire où l'on note une multiplication du risque dans toutes les études conduites : le tabagisme augmente le risque de complications de la cicatrice après chirurgie du genou (RR de 2,4), de complications infectieuses de la cicatrice (12 % vs 2 %), de mauvaise cicatrisation à l'interface lambeaux/site receveur en chirurgie plastique (27 % vs 12 %), d'éventration après laparotomie (RR de 3.93), d'infection sternale et de médiastinite en chirurgie thoracique (RR de 3), de lâchage des sutures digestives (RR de 3,18), de fistules (RR de 3), de thrombose vasculaire (RR de 3,09) et de retard de la consolidation osseuse (RR de 2,7 et de 8,1 pour les pseudarthroses). La fréquence de l'ensemble de ces complications du site opératoire est 1,5 à 6 fois plus importante chez les fumeurs que chez les non-fumeurs (en fonction du type de chirurgie). Les « fumeurs passifs », en particulier les enfants de fumeurs, sont eux aussi concernés par ces surrisques.
Deux millions de fumeurs sont opérés chaque année en France. Pour faciliter leur prise en charge et favoriser la transmission du message de prévention, les experts du Cetpo vont se mobiliser en aidant à la formation des soignants au sein des unités de chirurgie, notamment en leur fournissant des outils adéquats pour informer les patients. L'objectif à atteindre le plus rapidement possible est qu'au moins 50 % des fumeurs arrêtent de fumer six à huit semaines avant une intervention chirurgicale.
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