EN 2003, des auteurs britanniques publiaient un article vantant les mérites de ce qu'ils dénommèrent la polypill. Pour eux, l'administration quotidienne aux sujets de plus de 55 ans d'un comprimé contenant trois antihypertenseurs à faible dose, une statine, de l'aspirine et de l'acide folique devrait permettre de réduire de 80 % le risque d'infarctus du myocarde. Ce sujet a fait l'objet de maints débats et discussions depuis lors, notamment du fait que ce moyen simple, dont le coût est estimé à moins de 1 euro par jour, pourrait faire reculer, tant dans les pays industrialisés que dans les pays en voie de développement, une des principales causes de mortalité.
En réalité, à y regarder attentivement, la polypill a déjà fait son apparition dans la pratique. En effet, dans le cadre de la prévention secondaire, il existe une association fixe comprenant de l'aspirine et une statine, dont un des premiers avantages est de favoriser l'observance, mais pour laquelle certaines données indiquent qu'il pourrait y avoir synergie d'action. Plus encore, en ce début d'année 2007, est commercialisée dans le cadre de la prévention primaire une association fixe comprenant un antagoniste calcique et une statine, dont l'objectif est de réduire le risque cardiovasculaire des hypertendus.
La polypill fait donc déjà partie du présent. La question posée est de savoir si la prescription large de ce type de traitement à des sujets sains mais ayant un certain niveau de risque cardiovasculaire du fait, par exemple, de leur âge, peut permettre de réduire leur risque cardiovasculaire.
Les données disponibles indiquent que la réponse est oui. En effet, il existe une relation linéaire et sans seuil entre la valeur des chiffres tensionnels et le risque cardiovasculaire et il en est de même pour le LDL cholestérol.
De nombreuses étapes restent à franchir.
Dès lors, abaisser, même modérément, la valeur de ces deux paramètres, chez des sujets considérés comme non hypertendus et non dyslipidémiques, doit permettre de réduire leur niveau de risque cardiovasculaire. C'est tout l'enjeu du concept de polypill vers lequel il est possible qu'évoluent les autorités de santé, les praticiens, mais aussi les sujets qui se considèrent à risque. Si la polypill peut paraître un concept séduisant, elle n'est encore qu'un concept. En effet, il n'est pas prouvé que les effets des différents groupes thérapeutiques qu'elle pourrait inclure s'additionneront. Il n'est pas non plus prouvé que son prix sera modique, et plus encore, de telles associations exposent à autant d'effets secondaires que de groupes thérapeutiques contenus dans le comprimé.
De ce fait, de nombreuses étapes restent à franchir avant de passer du concept à la pratique et il est possible, voire probable, que ces étapes conduisent à renoncer à cette voie thérapeutique.
S'il est certain que deux associations fixes de groupes thérapeutiques différents sont actuellement commercialisées en France, se rapprochant dans leur esprit du concept de la polypill, le concept même de cette stratégie thérapeutique est maintenant en évaluation dans au moins trois essais thérapeutiques contrôlés : l'un est conduit en Amérique du Nord et les deux autres dans des pays en voie de développement. Nous aurons donc des réponses aux diverses questions posées dans les trois à cinq ans à venir.
D'après une controverse présidée par P. Amouyel (Lille) et B. Waeber (Lausanne), F. Diévart (Dunkerque) défendant le pour et G. Chatellier (Paris) défendant le contre.
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