Des chercheurs nancéiens viennent de découvrir que les cellules tumorales sont non seulement caractérisées par l'accumulation de mutations somatiques au sein de leur génome, mais aussi par une fréquence particulièrement élevée d'événements de transcription infidèle de l'ADN. En conséquence, ces cellules contiennent une variété impressionnante de protéines mutantes, issues soit de l'expression de gènes mutés, soit de la transcription incorrecte de gènes pourtant intègres.
Cette découverte apporte une explication à l'extrême hétérogénéité des cancers. Elle pourrait, en outre, conduire au développement de nouvelles stratégies de diagnostic, de pronostic et de traitements antitumoraux fondées sur le ciblage des protéines mutantes produites par transcription infidèle de l'ADN.
C'est dans le cadre d'un projet fédéré par le Cancéropôle du grand Est que les chercheurs de la jeune société de biotechnologie Genclis (Vandoeuvre-lès-Nancy), en partenariat avec différents instituts de recherche de la région de Nancy, ont mis en évidence cette caractéristique inédite des cellules cancéreuses.
Les chercheurs étaient à la recherche de spécificités génétiques permettant de différencier les cellules de tumeurs du côlon des cellules saines. Dans ce but, ils ont analysé la séquence de fragments d'ADN complémentaires issus de cellules cancéreuses ou de cellules témoins. Les ADN complémentaires sont obtenus in vitro en procédant à la transcription inverse des ARN messagers, eux-mêmes produits in vivo par transcription directe des gènes exprimés. Les ADN complémentaires ont donc une séquence complémentaire à celle des ARN messagers, qui peut être différente de celle de l'ADN si le messager a subi un épissage ou tout autre événement post-transcriptionnel.
Des variations nucléotidiques ont été mises en évidence.
Les séquences des deux populations d'ADN complémentaires étudiées ont été comparées aux séquences de référence du génome humain. Si des variations nucléotidiques ont pu être mises en évidence dans les deux populations de molécules analysées, il est apparu qu'elles étaient beaucoup plus fréquentes dans la population des ADN complémentaires issus de cellules cancéreuses, tellement fréquentes qu'il est difficile de les expliquer par la présence de mutations de l'ADN génomique.
Par ailleurs, il est apparu que ces variations n'étaient pas aléatoires. Leur nature et leur localisation dépendent des séquences adjacentes. Et, là encore, ce phénomène ne « colle » pas avec une accumulation de mutations somatiques au niveau des gènes. Les scientifiques ont donc recherché une origine post-trancriptionnelle au phénomène. Mais la nature des changements de bases observés ne correspond pas à ceux attendus à la suite d'un processus d'édition des ARN. En conséquence, la seule explication possible est que ces variations dépendent d'un phénomène de transcription infidèle. Pour une raison qu'il reste à éclaircir, il semble que, dans les cellules tumorales, la polymérase « dérape » au niveau de certaines séquences et introduit alors des erreurs dans l'ARN messager en cours de synthèse. Ce processus conduit à la production de protéines mutantes qui pourraient jouer un rôle dans la progression tumorale ou tout du moins servir de marqueur biologique utile au diagnostic et à la classification des tumeurs.
M. Brulliard, « Proc Natl Acad Sci USA », édition en ligne avancée.
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