Ce sont les épidémiologistes américains qui ont les premiers attiré l'attention sur le danger des particules fines (PM2.5) de la pollution atmosphérique. L'étude de Dockery et coll., publiée en 1993 (« New England Journal of Medicine » 1993, 329, 1753-1759) repose sur une cohorte de plus de 8 000 adultes vivant dans six mégalopoles américaines et suivis pendant quatorze et seize ans. Il a été constaté une différence évidente du risque de cancer du poumon (allant jusqu'à 37 %) entre la cité la plus polluée et celle la moins polluée en fines particules d'hydrocarbure, tout autre facteur (âge, sexe, tabagisme, obésité, éducation) étant constant par ailleurs.
L'étude de l'American Cancer Society publiée en 2002 (Pope et al., « JAMA » 2002, 287, 1132-1141) est la plus grande enquête réalisée jusqu'ici, menée sur 500 000 sujets vivant dans des cités américaines. Pour une augmentation de 10 µg/m3 de la concentration en particules PM2.5, le risque relatif de cancer du poumon augmente de 1,08 à 1,14, en fonction de la durée d'exposition.
Des résultats attendus en Europe
Les études européennes sont moins avancées. Citons Gen-Air (partie de la grande étude EPIC), coordonnée par Paolo Vineis où la pollution de l'air est calculée sur le lieu de résidence des sujets, avec indication des sources de pollutions voisines, notamment les routes à fort trafic. L'objectif est de comparer le risque des cancers du poumon entre les zones urbaines et rurales. Les résultats de ce travail commenceront à être disponibles en 2004-2005.
Il y a d'autres études européennes (en Suède, au Danemark) et très focalisées sur les dangers du trafic automobile.
Enfin, une étude française (Genotox'er) est en cours à Strasbourg : elle repose sur des compteurs individuels de personnes vivant dans trois zones (industrielle, « fond urbain », fort trafic automobile). Les résultats n'en sont pas encore disponibles.
Ce que l'on peut dire de l'ensemble de ces travaux, c'est qu'ils sont difficiles à mener, pour des raisons méthodologiques et aussi dans la mesure où la durée a une grande importance, même si les conditions de pollution peuvent évidemment varier d'une année à une autre. On peut cependant tirer un certain nombre de conclusions fermes :
a) Un pourcentage faible mais significatif (Aaron Cohen l'estime aux alentours de 5 % avec de fortes variations selon les études) des cancers du poumon sont dus à la pollution atmosphérique.
b) Il y a une différence nette des risques de cancer du poumon entre les zones rurales et les zones urbaines (de 15 à 24 % de surrisque pour les zones urbaines).
c) Tabac et pollution peuvent avoir un risque additif.
La communauté américaine prend très au sérieux les risques de pollution atmosphérique par les particules fines d'hydrocarbure. En Europe, les mentalités évoluent plus lentement. Toutefois, un gros effort a été fait par les constructeurs automobiles pour réduire le risque, notamment lié aux moteurs Diesel (pots catalytiques, filtres).
En conclusion, le risque de cancer du poumon lié à la pollution atmosphérique existe bel et bien. Il s'agit là d'un problème de santé publique majeur. Les mesures devront être prises à l'échelon intergouvernemental pour réduire ce risque, en même temps que se développe une lutte sans précédent contre l'intoxication tabagique.
D'après les communications de Paolo Vineis (Turin, Italie), Gérard Hoek (Bilthoven Utrecht, Pays-Bas), Francesco Forastiere (Rome, Italie) et Aaron Cohen (Boston, Etats-Unis).
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