Violences au Proche-Orient

La politique du sang

Publié le 10/10/2004
Article réservé aux abonnés

LE NOMBRE DES VICTIMES de ces attentats, attribués à Al-Qaïda (et non au Hamas) par le gouvernement d'Ariel Sharon, ne dépasse pas celui des tués dans les massacres interconfessionnels du Pakistan ou celui des victimes de l'insurrection irakienne. La plupart des commentateurs y trouveront la confirmation de leur thèse, à savoir qu'on ne riposte pas à la violence par la violence.
On leur fera remarquer que des milliers de touristes israéliens prennent leurs vacances en Egypte, pays où l'antisémitisme populaire, officiel et médiatique a atteint des sommets. Même s'ils réfléchiront avant de retourner à Taba, les Israéliens essaient de montrer que leur mansuétude s'étend à un pays où beaucoup de gens ne pensent qu'à les tuer et réussissent fort bien, parfois, à les faire passer de vie à trépas.
Bien entendu, les mêmes contradicteurs diront que, dans une région où des Irakiens assassinent par centaines d'autres Irakiens, des Afghans d'autres Afghans, il ne faut pas s'étonner que des Arabes tuent des juifs.
Pourtant, ces juifs-là étaient des civils, qui sont allés en Egypte pour y dépenser leur argent ; rien là qui ne soit très pacifique ni contraire aux vœux du gouvernement égyptien qui n'a pas su les protéger, bien qu'il soit friand de leurs shekels ou de leurs dollars. Voilà bien un exemple particulièrement discret de coopération israélo-arabe, à laquelle les intégristes ont voulu mettre un terme.

Terrorisme à tendance génocidaire.
Le plus consterné, c'est le président de l'Egypte, Hosni Moubarak, qui se gardait bien de faire de la publicité autour du tourisme israélien sur les bords de la mer Rouge, mais en tirait profit. Après quoi, on peut toujours écrire dans les journaux français que M. Sharon est un boucher, et qu'Israël, comme l'a affirmé le directeur de RFI, est un « pays raciste ». On peut aussi compter les morts palestiniens de Gaza, s'indigner à l'ONU de la répression israélienne, dénoncer le mépris d'Israël pour les résolutions des Nations unies. Mais Israël n'attend que l'occasion de voter une résolution dénonçant et interdisant l'assassinat des civils et une forme nouvelle de terrorisme qui commence à prendre une tournure génocidaire. Un fait écrasant est une fois de plus démontré : chaque fois qu'Israël veut normaliser ses relations avec le monde arabe, au point de confier imprudemment à l'Egypte intolérante la vie de ses citoyens, il y aura toujours des fanatiques pour lui rappeler qu'ils nient son droit à l'existence.
C'est d'ailleurs ce qui se passe à Gaza. Ariel Sharon ne négocie pas, mais il agit : Gaza sera évacuée l'année prochaine. Le Hamas essaie de prouver que c'est lui qui chasse les Israéliens. Il tire sur des civils israéliens du Néguev. M. Sharon est alors mis dans l'obligation de démontrer que le départ de Gaza ne traduit pas sa faiblesse, mais sa force : il faut bien qu'il protège les habitants de Sderot.
Des enfants israéliens ont été tués, des enfants palestiniens ont été tués. Le Hamas a annoncé qu'il avait mis au point une roquette de longue portée qui atteindrait le cœur d'Israël et dont il se servirait « jusqu'à ce que le dernier juif soit parti ». Cela n'empêche pas la plupart des journalistes français, les uns plus avisés que les autres, de conseiller à Israël de faire des propositions de paix.

DE TABA A SDEROT, LE BUT DES TERRORISTES, C'EST L'ÉLIMINATION D'ISRAËL

Un précédent : l'assassinat de Rabin.
Mais à qui ? A Yasser Arafat, qui continue à promettre à son peuple, reclus de souffrances, un avenir radieux, « un Etat indépendant avec Jérusalem pour capitale » ? Aux extrémistes qui veulent rayer Israël de la carte ? Nous avons été parmi les premiers à applaudir l'Initiative de paix. Mais nous sommes bien obligés d'admettre qu'au rythme des attentats quotidiens, de la relance permanente de la violence, elle n'est allée nulle part.
Comme il est politiquement correct de donner du Premier ministre israélien l'image la plus négative qui soit, un quotidien bien intentionné (et prétendument avide de paix) met en manchette de première page « l'enterrement » de l'Etat palestinien par un conseiller de M. Sharon. Que dit ce conseiller ? Que l'évacuation de Gaza est un acte unilatéral et qu'il « gèlera » la négociation sur le reste des territoires. Voilà bien une nouvelle tout à fait surprenante. Pour commenter cette déclaration dans le même journal, pas un mot sur la surenchère de l'extrême-droite israélienne, sur le mécontentement du Likoud (le parti de Sharon), sur les menaces qui pèsent sur la vie du chef du gouvernement israélien, (Arafat a refusé de signer la paix en disant à Clinton : « Vous voulez qu'on m'assassine ? », mais Arafat est vivant et Rabin, lui, est mort sous les balles d'un fanatique ; donc Sharon joue vraiment son existence dans cette affaire). Pas un mot sur les forces hostiles au plan Sharon et qui figurent dans son gouvernement : dans l'analyse la plus courante en France, Sharon ne libère Gaza que pour garder toutes les colonies de Cisjordanie.
C'est effectivement ce qui va se produire si les assassins continuent leur ouvrage, en réduisant Sharon à la gestion des morts, et en le contraignant à riposter encore plus fort. Après tout, pourquoi Sharon n'estimerait-il pas, comme Arafat, qu'il n'a pas besoin de payer de sa vie une négociation inutile ? Pourquoi, à la fin des fins, faudrait-il accorder quoi que ce soit à des interlocuteurs qui jurent de vous éliminer ?
Mais là n'est pas la question. Le conseiller de Sharon avait pour tâche de calmer l'aile droite du Likoud et les ultras. De la pure cuisine intérieure dans un pays dont les parlementaires sont élus à la proportionnelle intégrale. On en fait la preuve irréfutable que Sharon enterre l'Etat palestinien. Mais aucun journal n'a rapporté en manchette l'histoire de la roquette de longue portée. Manchette qu'on aurait pu rédiger ainsi : « Le Hamas enterre l'Etat israélien ».

> RICHARD LISCIA

Source : lequotidiendumedecin.fr: 7608