LA PREMIÈRE IDÉE qui vient à l’esprit après un incident verbal dont on peut penser que M. de Villepin aurait pu l’éviter et dont M. Hollande a peut-être exagéré la signification, c’est qu’il ne fallait peut-être pas en faire tout un plat. On se permettra en effet de faire remarquer que, sous de précédentes Républiques, les élus s’en disaient de vertes et de pas mûres, que, dans le très digne Royaume-Uni, la Chambre des communes abrite des débats parfois très violents, sans compter ces Parlements lointains où la discussion se transforme vite en rixe. On se demande donc si M. Hollande n’a pas un peu forcé son indignation.
Mais, simultanément, on ne voit pas du tout ce qui explique que M. de Villepin soit sorti de ses gonds et qu’il ait lancé une injure à François Hollande, lequel ne faisait jamais que continuer son travail, qui consiste à harceler le gouvernement en toutes circonstances. L’éclat du Premier ministre avait-il la moindre chance de lui donner, après bien des revers, le moindre avantage politique ?
Affaire pas close.
La réponse est non, trois fois non : loin d’avoir galvanisé la majorité, il l’a encore une fois irritée, et même désespérée, de sorte qu’elle lui a envoyé son propre message, celui de la consternation. Dès mercredi, de nouveau dans l’hémicycle, Dominique de Villepin a dû «retirer ses propos» dont il «regrette» qu’ils aient pu blesser M. Hollande. Il a donc reconnu implicitement qu’il était allé trop loin et, même s’il n’en conçoit pas nécessairement une détresse excessive, il aura compris que, à ses diverses défaites, il en a ajouté une qui était parfaitement inutile.
Les élus socialistes en ont pris acte. L’incident est-il clos ? Pas vraiment. Il a largement prouvé que le Premier ministre n’a pas le cuir assez épais, qu’il n’est pas maître de ses nerfs et que, une fois encore, non seulement il ne résout pas le problème, mais il est le problème.
NON SEULEMENT VILLEPIN N'APPORTE PAS DE SOLUTIONS, MAIS, DANS CHAQUE CIRCONSTANCE, IL DEVIENT LE PROBLEMECoup sur coup, il a été contraint de battre en retraite dans au moins trois affaires. Il a été forcé de retirer le CPE, alors qu’un peu de finesse diplomatique et de didactisme lui auraient assuré les concours nécessaires pour réussir le projet ; et si le CPE était vraiment une mesure indigeste pour le pays, il aurait dû le comprendre assez tôt pour ne pas déclencher une crise qui a jeté des millions de gens dans la rue. Déjà, dans cette affaire, n’importe quel observateur pouvait remarquer que, à son manque d’expérience, à son ignorance du monde syndical et, au-delà, du peuple qu’il est censé servir, à son refus de prendre en compte l’action de l’opposition, le chef du gouvernement ajoutait son entêtement, ingrédient particulièrement explosif quand un homme aussi important ne sait pas mesurer le pouls du pays.
Après le CPE, ce fut l’affaire Clearstream, qui n’en est une que parce que le Premier ministre y est cité comme quelqu’un qui aurait souhaité écarter Nicolas Sarkozy de la course à la présidence au moyen d’accusations calomnieuses. En d’autres termes, c’est le comportement du chef du gouvernement qui déclenche la crise, comme on l’a vu à propos de la « lâcheté » de M. Hollande, dont on ne voit toujours pas de quelle manière il a été lâche : M. de Villepin se trompe, même dans le choix des injures.
Catastrophisme.
Cependant, il n’est pas besoin de justifier la conduite de M. de Villepin pour s’inquiéter du dérapage des autres discours. Mardi, à l’Assemblée, régnait le catastrophisme, comme s’il n’y eût rien de pire au monde qu’un mot de trop : M. Bocquet (PC) réclamait des élections anticipées, de même que M. Bayrou. Si les institutions ne résistent pas au mot lâcheté, c’en est fini de l’ordre républicain. Il est vrai que ceux qui réclamaient la dissolution prenaient leurs désirs pour des réalités, en exigeant les actions dramatiques dont ils n’ont cessé de dire qu’elles deviendraient inévitables parce que, n’est-ce pas ? tout va mal et qu’eux feraient mieux. Les communistes se réjouiraient peut-être d’une décomposition de la Ve, mais les électeurs de l’UDF ?
Bref, on a monté en épingle une affaire qui ne méritait pas un si grand retentissement si M. Hollande qui, après tout, a le harcèlement incessant et, à ce titre, est agaçant, n’en avait fait un casus belli. Ce qui lui a fort bien réussi, puisque M. de Villepin, sans doute pressé par le président de la République, a fait amende honorable et, cette fois, avec élégance.
Estocade politique.
On peut craindre toutefois que cette tempête dans un hémicycle n’ait porté l’estocade politique à Dominique de Villepin. M. Chirac, qui n’a pas complètement renoncé à s’en séparer et songerait à Antoine Rufenacht pour le remplacer, voudrait, selon quelques-uns de nos confrères, avoir un changement à commenter lors de son entretien télévisé du 14 juillet. Dans ce cas, ce sera fait dans quelques jours.
Nous n’avons jamais milité ici pour un grand changement politique à moins d’un an d’élections dont le résultat sera extrêmement important. Mais nous devons reconnaître que la façon de procéder du Premier ministre met le pays sur des charbons ardents. Il manque, à n’en pas douter, un peu de cette sérénité qui permettrait à la France d’avancer au lieu de s’enliser dans des querelles d’hommes. L’obstination dans l’erreur restera dans les annales comme un trait de caractère mystérieux de M. de Villepin. Manifestement, il n’a pas l’étoffe des hommes d’Etat. Mais on aurait pu le dire dès 1997, quand il a suggéré à Jacques Chirac de dissoudre l’Assemblée.
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