AVEC SON MARI, Chantal est venue exprès de Montpellier. En fauteuil roulant, la soixantaine, elle n’est pas la seule, au palais de la Mutualité, à venir de loin, pour ce qui est un petit événement à son échelle : le premier congrès francophone sur la poliomyélite aiguë antérieure et ses séquelles, organisé par la mission Handicaps de l’AP-HP et quelques associations (dont l’Association des paralysés de France et la Fédération hospitalière de France). «Il n’y a pas de médecin référent dans ma région. Du coup, je ne suis pas suivie, explique Chantal. J’ai eu la maladie en 1957, et aujourd’hui un certain nombre de symptômes me posent question: douleurs de dos, d’épaules. Je voulais en savoir plus.»
Un syndrome méconnu.
La « polio » est en effet devenue au cours des ans un parent pauvre de la médecine, reléguée aux oubliettes, au point qu’elle n’est plus enseignée en faculté. Si le virus a disparu de nos contrées depuis vingt ans, on compte plus de 50 000 anciens malades en France, la plupart ayant entre 50 et 65 ans. Une population largement ignorée, alors qu’elle présente des risques, avec l’âge, d’aggravations handicapantes, dues notamment au syndrome postpolio (SPP), découvert dans les années 1980. «Ce syndrome existe bien, insiste le Pr François Boyer, chercheur au service de médecine physique et de réadaptation à l’hôpital de Reims. Plusieurs décennies après l’infection initiale par le virus, des personnes souffrent de symptômes nouveaux, inhabituels et gênants fonctionnellement.» Près de la moitié des anciens malades seraient touchés. Fatigue, douleurs articulaires, aggravation, voire extension des paralysies initiales, doivent donner l’alerte, même si elles peuvent s’expliquer par de tout autres raisons, comme le surpoids, des complications neurologiques, orthopédiques ou respiratoires. «Le syndrome postpolio relève d’un diagnostic uniquement clinique, d’élimination», reconnaît le Pr Boyer. Il n’est donc pas facile à poser. Si les causes précises sont encore obscures, il semble que le SPP soit dû à l’épuisement du métabolisme des cellules de la corne intérieure de la moelle épinière. Le détecter, c’est rendre possible le traitement, par les médicaments et surtout par la rééducation. Et tenter ainsi d’enrayer la dégradation de la motricité, afin de préserver au maximum l’autonomie du patient.
Face à ces exigences, la médecine française est loin du compte. Méconnaissant le problème, médecins et professions paramédicales (kinésithérapeutes) ne répondent pas assez aux attentes de patients pas toujours pris au sérieux. Comme cette ex-polio, victime de tremblements, que le praticien soupçonnait d’alcoolisme.
Selon une enquête menée par le Groupe d’information et de liaison postpolio (Glip)* auprès de 200 anciens malades, beaucoup d’entre eux se plaignent d’être peu écoutés et compris. En cause, la formation médicale, mais aussi un déficit d’orientation des patients vers le professionnel ou le centre spécialisé compétent. Sans parler des difficultés de type social rencontrées par les patients : handicap mal reconnu, refus d’être pris en charge par telle mutuelle... Bref, des attentes nombreuses, auxquelles le congrès a donné une voix pertinente.
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