Une seule marque de lévothyroxine sur le marché, un changement de formule a priori anodin, des signalements d’effets secondaires qui explosent avec la médiatisation du phénomène, puis l’arrivée sur le marché de nouvelles marques de lévothyroxine. Le Lévothyrox en France ? Non, c’est la Nouvelle-Zélande qui a connu cette situation en 2007-2008 avec l’Eltroxin.
En 2004, le laboratoire GlaxoSmithKline (GSK) choisit de modifier sa formule d’Eltroxin, pour en améliorer la stabilité. Le temps d’effectuer les études de bioéquivalence, et d’obtenir l’approbation de Medsafe (l’autorité de sécurité du médicament néozélandaise), la nouvelle formule est distribuée dans les pharmacies en juin 2007. Le laboratoire GSK avait prévenu les professionnels de santé de ce changement de formule.
Modification des excipients
Le changement en question n’était pas une modification du principe actif mais de certains excipients : la cellulose avait remplacé le lactose. Les comprimés avaient aussi subi une modification de taille, de couleur et de forme. En octobre 2007, le centre de vigilance des effets indésirables (CARM) reçoit un premier signalement lié à cette nouvelle formule. Leur nombre explose ensuite et demeure très élevé jusqu’en novembre 2008. entre-temps, Medsafe effectue diverses évaluations de la nouvelle formule, confirmant sa qualité, sa sécurité, et sa bioéquivalence avec l’ancienne formule. Le CARM produit un rapport de pharmacovigilance (en juillet 2008), qui conclut qu’une large part des effets indésirables sont liés à la dysthyroïdie en elle-même (et seraient donc dus un problème de dosage), mais que certains semblent différents (conjonctivite, troubles gastro-intestinaux…). En octobre 2008, le ministère de la Santé approuve la commercialisation de deux nouvelles marques.
Des explications non-pharmacologiques
Les signalements d’effets secondaires sont passés de 14 en 30 ans avec l’ancienne formule à 1400 en 18 mois avec la nouvelle formule (pour 70 000 patients traités, sur 4,7 millions d’habitants). Keith Petrie, professeur au département de médecine psychologique à l’Université d’Auckland a présenté dans le « British Medical Journal » les facteurs externes à la pharmacologie qui sont entrés en jeu. « La situation est très similaire à celle qui a lieu actuellement en France », indique Keith Petrie au « Quotidien ». « Les patients ont eu très peu d’informations sur le changement de formule, des rumeurs se sont répandues, il y avait un contexte de défiance envers les autorités sanitaires, et le nombre, tout comme le type d’effets secondaires signalés, étaient directement dépendant de la couverture médiatique. » En effet, dans un article paru dans le « BMJ Open », l’équipe du Pr Petrie a montré que le nombre de signalements augmentait juste après les reportages télé sur le sujet, et, plus troublant, que les effets secondaires qui étaient présentés lors de ces reportages étaient aussi ceux qui étaient rapportés par les patients suite auxdits reportages. En juin 2009, environ un an après la mise sur le marché de deux nouvelles marques, 80 % des patients prenaient la nouvelle formule d’Eltroxin.
Huit ans plus tard, en France, l'affaire Lévothyrox se poursuit. Ce mardi 17 octobre, une perquisition était menée au siège de l’ANSM dans le cadre de l’enquête Lévothyrox.
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