DE NOTRE CORRESPONDANTE
C’EST EN TOUTE discrétion, à la tombée de la nuit, que la momie In-Nimen-Na-Es-Nebou a quitté il y a quelques semaines la salle fraîche et obscure du musée Georges-Labit, à Toulouse. Elle est partie pour une clinique toulousaine où elle devait être scannée. Plus de deux heures de réglages minutieux ont été nécessaires pour préparer cette patiente hors du commun à un examen qui allait révéler bien des secrets.
A la tête de ce projet, le Dr Philippe Pomar, praticien des hôpitaux de Toulouse, professeur des universités, anthropologue et passionné d’Egypte ancienne. Il mène les investigations sur la momie depuis une dizaine d’années. «Je n’en suis pas à ma première momie, mais celle-là présente des caractéristiques exceptionnelles», s’enthousiasme le spécialiste. Cette Nubienne vieille de 3 800 ans appartenait à la 12e dynastie égyptienne.
Elle a pourtant bénéficié de techniques de momification d’avant-garde, habituellement utilisées dans la 18e dynastie, donc, avec 500 ans d’avance sur son temps. «Pour avoir bénéficié de ces techniques, elle est sûrement d’origine royale. C’est en tout cas ce qui explique qu’elle soit si bien conservée.» Une technologie médicale de pointe a été mise au service du projet, notamment un scanner hélicoïdal avec acquisition spiralée qui a permis de « découper » le corps de la momie en 1 200 séquences fines et de le découvrir sans les bandelettes.
L’examen a révélé aux scientifiques que les embaumeurs de l’époque avaient des connaissances poussées en anatomie. «Ils ont pratiqué l’excérébration par la voie d’abord transrhinoseptale antérieure qui remonte dans le cerveau par la narine à travers la lame criblée de l’ethmoïde. Il s’agit d’une voie d’abord neurochirurgicale moderne que nous pensions avoir découverte bien plus tard.»
Voyage à l’intérieur du corps.
Grâce à des logiciels de modélisation et aux techniques mises au point par l’association Maât 3D de Philippe Pomar, un film inédit, sous la forme d’un « voyage » à l’intérieur du corps*, a été réalisé. Entrée par la narine (réplique du geste des embaumeurs) jusqu’au cerveau, puis descente par le dos au milieu des plis cutanés, des ligaments et jusqu’au tendon d’Achille. On y découvre ce corps dans un état presque parfait de conservation.
Mais la reconstitution ne s’est pas arrêtée là et les spécialistes français n’étaient pas au bout de leurs surprises.
En collaboration avec l’équipe du Dr Caroline Wilkinson (Ecosse), le seul médecin spécialisé dans la reconstitution faciale, la momie a retrouvé son visage. La reconstitution a été effectuée à partir de mesures issues des os de la face et du crâne et d’hypothèses statistiques et historiques. «Nous avons retenu l’hypothèse la plus scientifique, explique Philippe Pomar, mais nous ne nous attendions pas à ce que cette momie aux origines royales soit de type éthiopien, car à la 12edynastie, la Nubie venait à peine d’être rattachée à l’Egypte.»
* « Un corps de magie », film en 3D de 17 min diffusé au musée Georges-Labit, 14, rue du Japon, 31400 Toulouse, tél. 05.61.14.65.50.
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