INTERROGÉ sur France 5, François Heisbourg, président de la Fondation pour la recherche stratégique, a déclaré que l'accord adopté à Bruxelles représentait une avancée et un succès pour l'Europe. C'est à peu près la seule remarque positive que l'on ait pu entendre sur la diplomatie sarkozienne. Non seulement les commentaires négatifs sont multiples, mais ils proviennent à la fois de France – ce qui ne surprendra personne – et de différents pays européens.
En France, on reproche à M. Sarkozy de n'avoir rien obtenu des Anglais et des Polonais, notamment parce que la règle de la majorité de 55 % des pays et de 65 % des populations ne sera mise en vigueur qu'en 2014. A gauche, on estime que le président de la République n'a rien fait pour rendre l'Europe « plus sociale », et surtout qu'il n'a pas débloqué le mouvement européen.
Belges et Italiens sont d'accord pour dénoncer l'insuffisance du mini-traité, la part trop belle faite aux Polonais, la reconstitution d'un axe franco-allemand qui impose ses décisions, la méfiance à l'égard de l'économie libérale (sous le prétexte que M. Sarkozy a fait supprimer une clause sur la prédominance de la concurrence), le statut de plus en plus spécial du Royaume-Uni.
Ils rêvent de l'Europe.
Ce déluge de commentaires acerbes aura pris par surprise les envoyés spéciaux à Bruxelles qui, eux, avaient assisté minute après minute à des tractations interminables et ont bien cru que la réunion se terminerait par un échec. C'est une question d'angle : l'Union européenne n'est certes pas en meilleure forme que pendant la situation antérieure au référendum sur le traité constitutionnel, mais elle va beaucoup mieux, depuis samedi dernier, qu'au lendemain des référendums français et néerlandais. Il nous semble que les censeurs de la France et de l'Allemagne se réfèrent plus à l'Europe idéale qu'à la réalité européenne d'aujourd'hui.
De grands Européens comme Romano Prodi, le président du Conseil italien, sont évidemment déçus, parce qu'ils ont une idée beaucoup plus unitaire de l'Union. Ils devraient se référer à Jacques Delors qui a salué l'accord. Car le mini-traité a un double objectif : d'abord mettre fin à l'apathie et à la dérive de l'UE depuis deux ans, en tournant la page noire du traité constitutionnel ; ensuite reprendre l'examen des dossiers en suspens.
L'instrument d'une relance.
On ne pouvait pas envisager une dynamique unitaire sans avoir assaini le contentieux. Or, comme le rappelle fort bien François Heisbourg, les Français (et les Hollandais) ont rejeté l'idée même de constitution européenne. Il n'est donc pas question de leur servir le même plat réchauffé et, d'un point de vue démocratique, il n'est pas souhaitable d'obliger les peuples à adopter un document en le leur présentant à plusieurs reprises et en jouant sur leur lassitude.
L'EUROPE POST-MINI-TRAITEE EST MOINS DYNAMIQUE QU'AVANT LE REFERENDUM, MAIS PLUS QU'APRES
Il n'est pas davantage question de soumettre le mini-traité à un référendum, comme le réclament les communistes. Par définition, ce n'est pas un texte majeur ou d'importance historique ; c'est seulement l'instrument de la relance européenne et c'est pourquoi les critiques exprimées par les pro-Européens sont malvenues : depuis deux ans, l'Europe était complètement immobile, elle roulait à vide, sans avancer. Il fallait lui donner un coup de pouce.
Si les Polonais, qui n'ont fait des concessions qu'à contrecoeur, s'en prennent à l'Allemagne avec une violence verbale excessive, d'autres pays ont cru bon de dénoncer le rôle de la France. C'est un peu comme si l'opposition nationale avait fait des petits ailleurs : Daniel Cohn-Bendit n'a jamais caché l'aversion que lui inspire M. Sarkozy et Romano Prodi, grand Européen respecté, est peut-être contaminé par la comparaison faite par la gauche française entre Sarkozy et Berlusconi. D'une part, cela signifie que, même s'il a tendance à présenter sa diplomatie comme une série de faits d'armes, M. Sarkozy est comme la plus belle fille du monde, qui ne peut donner que ce qu'elle a ; d'autre part, les uns et les autres, dans leur aigreur, semblent pratiquer, mais un peu tard, le TSS, tout sauf Sarkozy.
Il faut pourtant lui rendre ce qui lui appartient. Il mène ses négociations tambour battant, prend des engagements, se montre convaincant, trouve des solutions. Assurément, Angela Merkel n'a pas elle-même manqué d'arguments ni de finesse diplomatique. Toutefois, compte tenu de l'état des relations germano-polonaises, qui sont exécrables, l'influence du président français sur les jumeaux polonais a été plus déterminante.
La lucidité de M. Sarkozy est impressionnante : il a fait un effort colossal pour gagner la confiance de la Pologne ; mais, si le gouvernement de Varsovie continue à bloquer l'Europe en multipliant ses caprices et en se maintenant dans une position anti-allemande, la question se posera de la présence de la Pologne dans l'Union. De même que se posera la présence du Royaume-Uni si Gordon Brown, le nouveau Premier ministre, affiche, comme on le croit, un point de vue plus anti-européen que celui de Tony Blair, lequel a pourtant obtenu un certain nombre de clauses spéciales pour son pays. Certains comportements nationaux conduisent à des réflexions graves, dans la mesure où ils tournent le dos à l'esprit unitaire. On ne risquait pas de poser le problème et encore moins de le résoudre si on en était resté à l'Europe prostrée d'avant le week-end dernier.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature