« Malheureusement, chez les sujets à haut risque ayant des parents atteints de diabète de type 1 et sélectionnés selon nos critères, l'insulinothérapie sous-cutanée n'a pas permis de ralentir ou d'empêcher l'évolution de la maladie. » En dépit de son résultat défavorable, l'étude américaine que publient Jay S. Skyler et coll. dans le « New England Journal of Medicine » apporte un certain nombre d'enseignements. « Une des leçons de notre travail réside en ce qu'elle montre que des études pilotes limitées ne peuvent, à elles seules, conduire à une modification de la pratique clinique. »
En effet, dès 1940, un article de Best et coll. suggérait, dans cette même revue, l'utilisation de l'insuline en prévention du diabète. Plus de cinquante ans après, des études pilotes chez l'homme, soutenues par des travaux chez l'animal, sont aussi en faveur d'une action métabolique et immunologique de l'insuline sur les cellules pancréatiques, capable de retarder la maladie. Au vu de ces données convaincantes, certains médecins utilisent déjà ce traitement préventif chez des sujets à risque.
L'étude DPT-1 (Diabetes Prevention Trials) de J. S. Skyler avait pour objectif de prouver, sur une large échelle, la validité d'une telle pratique.
Identifier les sujets à haut risque
L'un de ses autres intérêts est d'avoir validé sur une population de 84 228 personnes, dont un parent du premier ou du deuxième degré est atteint de diabète de type 1, les critères permettant d'identifier les patients à risque. « Nous avons montré qu'il est possible d'identifier une cohorte de sujets à haut risque et de les inclure dans une longue étude de suivi. »
Ainsi, entre le 15 février 1994 et le 31 octobre 2000, la recherche des anticorps anticellules de Langherans a été positive (titre de 10 unités et plus) pour 3,7 % des sujets (n = 3 157). Parmi eux ont été exclu ceux dont la glycémie à jeun ou postprandiale évoquait un diabète installé. Pour les autres (n = 2 103), le risque de développer la maladie a été évalué en fonction du titre des anticorps, de la réponse primaire au test de tolérance au glucose intraveineux, du test de tolérance par voie orale, de la présence ou non de l'haplotype protecteur HLA-DQA1 012, DQB1 0602. Seuls les sujets ayant un risque à cinq ans estimé à 50 % et plus (absence de l'haplotype, réponse primaire à l'hyperglycémie provoquée en dessous du 10e percentile chez les enfants et du premier chez l'adulte à deux examens et/ou hyperglycémie par voie orale anormale) ont participé à l'étude contrôlée. Ainsi 169 patients ont été traités préventivement par insuline ultralente, en sous-cutané, matin et soir (dose totale de 0,25 U/kg/j), avec une perfusion annuelle de 4 jours d'insuline recombinée (dose initiale de 0,015 U/kg/h), et comparés à 170 patients soumis à une surveillance étroite (sans placebo).
Taux de progression identiques
Au total, 139 diabètes ont été diagnostiqués (tests de tolérance au glucose tous les six mois) pendant le suivi de 3,7 ans en moyenne : 69 dans le groupe traité contre 70 dans le groupe témoin. Le taux annuel de progression du diabète a été donc identique pour les deux groupes de patients (15,1 % par an contre 14,6 %), de même que l'incidence cumulée. Par ailleurs, les données ont confirmé qu'un test anormal de tolérance au glucose à l'entrée est prédictif d'une progression plus rapide vers un diabète confirmé qu'un test normal. Les injections sous-cutanées d'insuline ont été bien tolérées à cette dose et aucun épisode d'hypoglycémie sévère n'a été noté.
Selon les auteurs, l'administration tardive de l'insulinothérapie peut expliquer l'échec du traitement à retarder l'évolution de la maladie. A partir du dépistage effectué pour ce travail, une deuxième étude est en cours chez des sujets dont le risque a été estimé entre 26 et 50 %. L'essai (DPT-1 Oral Insulin) tentera cette fois d'évaluer l'efficacité de l'insulinothérapie par voie orale.
New England Journal of Medicine, vol. 346, n° 22, 30 mai 2002, pp. 1685-1691, 1740-1741.
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