CONGRES HEBDO
LE QUOTIDIEN. - Connaissons-nous aujourd'hui toute l'importance de visualiser l'aspect de ces plaques d'athérome in situ ?
Pr Jacques PUEL (Toulouse, Purpan).- L'importance in vivo de dépister et de reconnaître les plaques à risque relève du fait qu'aujourd'hui, nous savons a peu près formellement que les plaques vulnérables devenant ensuite instables et compliquées de rupture et de thrombose sont des plaques responsables des deux événements majeurs qui jalonnent la vie des coronariens, c'est-à-dire une majeure partie de l'ensemble des syndromes coronariens aigus (angor instables, infarctus du myocarde avec ou sans onde Q), et de l'évolution vers la sténose coronaire. Ces plaques vulnérables, puis instables, puis compliquées peuvent dans une proportion que la clinique ne connaît pas aujourd'hui évoluer selon le mode totalement asymptomatiques, mais elles induisent un phénomène cicatriciel, fibreux qui est pour une bonne partie responsable des sténoses coronaires. Il est donc important de reconnaître et de dépister ces plaques dans un double but thérapeutique : mettre à l'abri et contrôler dans la mesure du possible les patients des syndromes coronariens aigus et prévenir, éviter l'évolution vers la sténose coronaire stable, fixe, possiblement responsable d'un angor stable. Le dépistage et la reconnaissance de ces plaques donnent toute sa signification à la prévention primaire et secondaire chez les patients coronariens patents ou chez les coronariens potentiels parce qu'ils ont des facteurs de risque.
Quels sont aujourd'hui les techniques d'imagerie permettant de visualiser ces plaques ?
La connaissance académique de la gravité potentielle et patente de ces plaques est de savoir les dépister, les reconnaître chez les patients exposés au risque athéromateux. Jusqu'à ce jour, nous ne disposions que d'examens invasifs qui permettaient d'approcher ce type de lésions.
La connaissance de ces plaques ouvrent un champ d'investigation futur dans leur approche thérapeutique et dans leur reconnaissance diagnostique.
Actuellement, nous disposons d'examens très invasifs qui permettent une approche très indirecte de ce type de lésions : la coronarographie est un instantané dans la vie évolutive et capricieuse des coronariens dont les résultats ne nous parlent que de lumière artérielle et non pas de paroi. La coronarographie n'autorise qu'une évaluation très indirecte, très approximative et très distante de la lésion athéromateuse. Les moyens du diagnostic endoluminal ont permis de dépasser l'image coronarographique pour accéder à la paroi, c'est-à-dire à la lésion athéromateuse et aux troubles de la fonction artérielle lorsqu'elle est athéromateuse : l'angioscopie permet de visualiser le voile qui sépare le contenu du contenant, cette technique est actuellement abandonnée, mais il y a surtout l'échographie endocoronaire qui, elle, autorise une vision de nature anatomique de la paroi artérielle et donc de la lésion.
Les facteurs d'instabilité
Un autre examen a permis d'avancer, c'est l'étude histologique des prélèvements de l'athérectomie directionnelle (méthode d'angioplastie qui permet de recueillir les copeaux d'athérome et de les étudier). Il s'agit là d'examens invasifs coûteux, dangereux qu'il est exclus d'utiliser à visée de dépistage mais qui est utilisé dans le cadre d'études très ciblées, très spécifiques chez des patients soumis à une angioplastie. Mais ces examens ont permis au clinicien d'accéder à la lésion athéromateuse et qui lui ont permis de distinguer les plaques vulnérables et possiblement instables des plaques stables.
Quels sont les éléments histologiques caractéristiques de la plaque à risque ?
Les plaques vulnérables sont caractérisées par une charge en lipides et en cellules athéroscléreuses très fortes et par une structure, une constitution, un squelette fibreux très fragile, très gracile. Ces plaques soumises à des forces intrinsèques et extrinsèques peuvent devenir instables, se fracturer et se compliquer de caillots, de thrombus, du fait de la mise au contact du torrent circulatoire et du magma athéromateux endolésionnel. Et ainsi, nous avons une base thérapeutique de contrôle de ces plaques qui consiste, lorsqu'elle est compliquée, à contrôler la part thrombotique et à essayer par les interventions médicamenteuses à accélérer leur fibrose et à les alléger de leur contenu lipido-cellulaire. Ce sont ces plaques que l'on retrouve préférentiellement parce qu'elles sont causales dans les syndromes coronariens aigus. Mais bon nombre de ces plaques évoluent selon le mode asymptomatique. Ensuite, la plaque que l'on dit stable n'est très probablement que l'évolution dans le temps d'une plaque instable et cicatricielle ; ce sont des plaques dont la charge lipidocellulaire est très faible mais dont la structure fibreuse est forte et ce sont des plaques qui sont peu exposées au phénomène de la rupture et de la complication thrombotique, elles sont débonnaires, placides mais encombrante, c'est-à-dire sténosante.
Quels sont les moyens thérapeutiques pour stabiliser ces plaques ?
Il est d'autant plus important de les dépister parce que nous disposons dès aujourd'hui de drogues susceptibles de stabiliser ces plaques ; c'est le rôle de nombreuses classes médicamenteuses au premier rang desquels se placent les statines, les IEC... Nous disposons aussi des antiagrégants plaquettaires traditionnels comme l'aspirine ou nouveau comme le clopidogrel mais aussi les anti-GPIIb/IIIa qui, eux, ont pour effet de contrôler les complications thrombotiques d'une plaque déjà compliquée.
Quel est l'avenir de tous les examens d'imagerie ?
C'est tout le diagnostic endoluminal qui nous a permis d'avoir une intelligence histologique et physiopathologique de l'athérosclérose chez des patients qui souffrent d'une ischémie myocardique.
Ensuite, il y a une série de bilans et de tests qui se développent, qui permettent d'approcher le diagnostic in vivo, endoluminal du désordre fonctionnel et non pas anatomique provoqué par l'athérosclérose. Il existe une relation très étroite entre l'athérosclérose et la dysfonction endothéliale. Aujourd'hui, nous savons qu'une anomalie de la fonction de l'endothélium peut être reconnue cliniquement, qu'elle participe au développement initial de l'athérosclérose, à toutes ses complications que l'on peut explorer par les examens invasifs ; les interventions médicamenteuses peuvent participer à corriger cette dysfonction endothéliale.
Tous ces examens invasifs, agressifs, coûteux utilisés dans le cadre de protocole de recherche clinique très spécifique ne peuvent en aucun cas être utilisés à des fins de dépistage et de prévention. C'est dire, par conséquent, tout l'intérêt de développer des examens non invasifs, pas trop coûteux et interprétables qui permettraient de dépister chez des patients à risque l'existence d'une plaque instable dans le double but d'éviter la survenue d'un accident coronarien aigu et dans celui d'éviter une évolution sténosante quand elles évoluent suivant le mode asymptomatique. Il s'agit d'une imagerie en cours de développement centré essentiellement sur deux types d'examens : l'IRM et le scanner.
Une utilisation rationnelle
Ces techniques sont très prometteuses car il est d'ores et déjà possible chez des patients de distinguer quelques plaques instables, mais il faut faire confiance au développement de la technologie qui permettra d'avoir un diagnostic plus précis, plus fiable et d'utilisation plus généraliste afin de pratiquer ce dépistage chez les patients à risque.
De toute façon, les images ne sont que des images, elles n'ont véritablement de signification que si elles sont interprétées, étudiées, développées à la lumière d'une véritable expertise clinique dans un véritable objectif thérapeutique, médicamenteux
(la chimiothérapie athéroscléreuse), de l'évolution parallèle de la recherche fondamentale et qu'il serait grand temps que se rapproche autour de l'athérosclérose les cliniciens, les chercheurs, les imageurs, qui développent les techniques d'imagerie, afin d'approcher au mieux les anomalies de la paroi artérielle.
Un rapprochement très complémentaire doit s'opérer entre une imagerie qui se développe de façon extraordinaire, des cliniciens qui connaissent et comprennent la maladie beaucoup mieux qu'auparavant et qui disposent de drogues,, dont il faut avoir une utilisation rationnelle et le monde de la recherche avec son éclairage scientifique.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature