LES OBESITES monogéniques sont dues à une mutation rare sur un gène unique. Ces mutations de transmission autosomique récessive et à pénétrance complète ont été observées au sein de quelques familles dans le monde et sont extrêmement rares. Le diagnostic peut être suspecté devant une obésité sévère et précoce apparaissant dès les premiers mois de vie, en cas de consanguinité parentale avec des parents non obèses. Les enfants ont une courbe d'IMC (indice de masse corporelle) d'évolution rapide, sans rebond, dès la première année de vie avec des troubles du comportement alimentaire (impulsivité, hyperphagie) et des anomalies endocriniennes, variables selon le gène atteint.
Une mutation sur la voie de la leptine.
Une des voies hormonales impliquées dans le développement de ces obésités est la voie de la leptine, une hormone sécrétée par le tissu adipeux et impliquée dans le contrôle de la prise alimentaire. Les enfants ayant une mutation sur cette voie présentent principalement une obésité précoce et un hypogonadisme hypogonadotrope avec défaut de développement des caractères sexuels secondaires. Un trouble de la croissance staturale par déficit en hormone de croissance et une insuffisance thyréotrope d'origine centrale peuvent également exister. Des IMC atteignant 60 kg/m2 à l'âge de 13 ans ont été observés dans les familles touchées. La mutation porte soit sur le gène de la leptine, soit sur le gène du récepteur de la leptine. Le dosage de la leptine circulante permet alors d'orienter le diagnostic, avant d'adresser l'enfant dans un centre de référence pour l'analyse génétique (laboratoire de Karine Clément à la Pitié-salpêtrière à Paris). Dans le premier cas, la leptine sera indosable, dans le second elle sera présente à un taux anormalement élevé par rapport à la quantité de masse grasse de l'enfant. Une autre forme d'obésité monogénique existe en cas de mutation du gène de la pro-opiomélanocortine (POMC), préhormone cible de la leptine au niveau de l'hypothalamus. Cette préhormone est normalement clivée en petits peptides dont l'ACTH et l'aMSH (a Melanocyte Stimulating Hormone). Les anomalies endocriniennes associées à cette mutation sont donc une insuffisance corticotrope par déficit en ACTH et un trouble de la pigmentation lié au défaut d'aMSH ; les enfants sont roux avec une peau claire. L'obésité est due au défaut d'aMSH qui a une action anorexigène au niveau des centres régulateurs de la faim (hypothalamus). Quelques cas de mutation du gène de l'enzyme proconvertase 1, responsable du clivage de la POMC en peptides, ont été également décrits, entraînant un tableau clinique très proche.
Le diagnostic de ces obésités monogéniques est important pour adapter la prise en charge. Dans le cas des mutations du gène de la leptine, il existe un traitement substitutif par leptine recombinante, permettant une perte de poids, une diminution de la masse grasse et une augmentation de la masse maigre. En cas de mutation du gène de la POMC, le traitement consistera surtout en un traitement de l'insuffisance corticotrope et une prise en charge nutritionnelle.
Les obésités syndromiques entrent dans le cadre de maladies génétiques associant le plus souvent une obésité sévère et précoce, un retard mental, des malformations et des atteintes endocriniennes.
Plusieurs formes d'obésité syndromique.
Il existe de nombreuses formes d'obésités syndromiques ; les principales sont le syndrome de Prader-Willi, le syndrome de Bardet-Biedl et le syndrome de Cohen. Les enfants atteints du syndrome de Prader-Willi présentent une obésité apparaissant vers l'âge de 2 ou 3 ans avec une polyphagie, une impulsivité alimentaire et des accès de colère en cas de frustration alimentaire. Il existe un retard mental avec des difficultés d'apprentissage et des troubles du comportement. Le diagnostic peut être fait dès la naissance devant une hypotonie néonatale. La dysmorphie est caractérisée par des lèvres en chapeau de gendarme, des yeux en amande et de petites extrémités (acromicrie). Il existe souvent un hypogonadisme hypogonadotrope avec micropénis, ectopie testiculaire, ainsi qu'un retard statural. Le syndrome de Prader-Willi est une maladie rare, touchant 1 naissance/25 000, mais son diagnostic et sa prise en charge précoces sont importants. Le dépistage se fait par une étude de la méthylation, l'anomalie génétique de ce syndrome étant une délétion d'une partie du chromosome 15 paternel impliqué dans des phénomènes de méthylation.
Les signes cliniques caractérisant le syndrome de Bardet-Biedl sont une obésité apparaissant vers l'âge de 3 ou 4 ans, une rétinite pigmentaire, un retard mental modéré avec difficultés d'apprentissage, une polydactylie postaxiale fréquente, un hypogonadisme et des anomalies rénales à type de polykystose. Il concerne 1 naissance/150 000. Le syndrome de Cohen est encore plus rare, seule une centaine de cas ont été décrits en France. L'obésité est souvent moins sévère. La dysmorphie associe de grandes incisives, un nez proéminent, une microcéphalie, des extrémités fines. Sur le plan biologique, il existe une neutropénie sans déficit immunitaire.
Pour l'ensemble de ces syndromes génétiques, la prise en charge sera globale et multidisciplinaire, associant psychomotriciens, orthophonistes, neurologues, endocrinologues… Dans le syndrome de Prader-Willi, des mesures diététiques précoces et un traitement substitutif en hormone de croissance permettent d'améliorer la croissance staturale, de diminuer la masse grasse et d'améliorer le pronostic de ces enfants.
Les mutations du gène du récepteur de type IV aux mélanocortines (MC4R), impliqué dans le contrôle de l'homéostasie pondérale sont la forme la plus fréquente connue d'obésité d'origine génétique. Plus de 90 mutations différentes du gène de MC4R ont été décrites chez l'homme et ces mutations seraient responsables de 2 à 3 % des obésités de l'enfant et de l'adulte. Il s'agit d'une mutation à transmission autosomique dominante, à pénétrance incomplète. Il existe le plus souvent une histoire familiale d'obésité, avec des antécédents à chaque génération. Le degré de sévérité de l'obésité est variable, parfois il ne peut s'agir que d'un surpoids, et le rôle de l'environnement est important, raison pour laquelle on parle d'obésités oligogéniques. Il est difficile de les différencier des formes communes d'obésité précoce car il n'y a pas de signes cliniques spécifiques associés.
Le diagnostic de cette mutation est actuellement fait dans un objectif de recherche clinique, son dépistage n'est pas systématique. Des traitements spécifiques de cette anomalie, notamment par des agonistes du récepteur, sont à l'étude. En cas de mise sur le marché de telles molécules, la question du dépistage systématique sera alors réévaluée.
D'après un entretien avec le Dr Béatrice Dubern, pédiatre, hôpital Armand-Trousseau, Paris.
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