Rappelons tout d'abord brièvement que la carence en vitamine D entraîne une baisse de l'absorption digestive de calcium. Ce déficit de la balance calcique va induire à son tour une hyperparathyroïdie secondaire dont « l'objectif » est de maintenir la calcémie dans une fenêtre raisonnable. Le maintien du taux de calcium représente en effet une priorité vitale de l'organisme qui fait donc passer au second plan la sauvegarde de la quantité d'os, même si les conséquences sur la densité minérale osseuse de cette hyperparathyroïdie secondaire n'est pas, on le sait, sans poser de problème chez la personne âgée.
Si l'insuffisance en vitamine D entraîne donc une réaction d'hyperthyroïdie secondaire, la carence vraie induit une ostéomalacie histologique, une baisse de la calcémie, de la calciurie et de la phosphorémie. Quel que soit l'âge, ces deux situations sont particulièrement fréquentes en France où l'étude SUVIMAX a mis au jour les chiffres suivants : 30 % des sujets de 40 ans habitant le nord de notre pays présentent une insuffisance en vitamine D, contre... 0 % au sud. Le soleil et le plaisir lié culturellement à l'exposition solaire font la différence. Chez les femmes de 65 ans actives, en bon état général, bien sûr non institutionnalisées, on observait en 1993 une prévalence de l'insuffisance en vitamine D de 55 %, la carence vraie concernait quant à elle 15 % de cet échantillon. Et si l'on considère cette fois la population âgée institutionnalisée, la proportion d'insuffisance en vitamine D atteint 98 %.
Les situations dans lesquelles on observe un déficit en vitamine D isolé, sans carence calcique associée, sont finalement assez rares, les deux anomalies étant très fortement corrélées. Des études ont pourtant montré que l'apport en vitamine D seul permet de réduire significativement le risque de fracture par son effet de renforcement de la densité minérale osseuse, de l'équilibre et de la tonicité des quadriceps. On sait par ailleurs que l'apport conjugué vitamine D + calcium réduit de 30 % le risque de fracture.
200 000 unités per os tous les six mois
Si l'on s'en tient à la seule supplémentation en vitamine D (de façon un peu artificielle, il est vrai, puisqu'il faudrait ici envisager une personne à l'appétit conservé mais qui ne sort jamais de chez elle), il convient donc d'administrer la dose quotidienne recommandée, multipliée par le nombre de jours « de couverture ». Ainsi, pour une durée de six mois à la dose de 800 unités de vitamine D par jour, il faudra donc prescrire en pratique 150 000 ou plus facilement encore 200 000 unités, de préférence par voie orale, sauf en cas de malabsorption. Ce traitement aura pour effet de constituer, sans risque de surcharge et sans les effets indésirables de la voie parentérale (douleur à l'injection, formation d'une coque, mauvaise résorption, etc.), un stock de vitamine D dans le tissu adipeux, les muscles et le foie, qui sera progressivement métabolisé en fonction des besoins au niveau hépatique et rénal. C'est là le plus simple et le meilleur traitement des personnes âgées, chez lesquelles la forme goutte prescrite de façon quotidienne est plus aléatoire.
Quelle que soit sa voie d'administration, l'important est de donner une provitamine D - ergocalciférol ou de la vitamine D2 d'origine végétale ou colécalciférol appelé aussi vitamine D3 d'origine humaine - et non le calcifédiol ou 25-OH D3 (Dédrogyl), plus dangereux car déjà métabolisé, échappant donc au rétrocontrôle négatif de la calcémie sur les voies du métabolisme de la provitamine. A fortiori, on évitera le calcitriol ou l'alfacalcidol, compte tenu du risque élevé d'hypercalcémie-hypercalciurie lié à leur emploi et dont les indications concernent davantage l'ostéodystrophie rénale ou le rachitisme vitaminorésistant.
Chez la femme en période de postménopause, entre 65 et 75 ans, la supplémentation sera décidée au cas par cas, notamment si elle ne sort pas de chez elle ou ne s'expose pas aux rayons du soleil, que ce soit pour des raisons médicales ou culturelles : femmes voilées, religieuses cloîtrées, par exemple. Il est important de mener dans cette population une enquête qui s'attachera à faire préciser les apports en aliments riches en vitamine D et le degré d'exposition au soleil. On découvrira dans la grande majorité des cas une carence associée, calcique et vitaminique D, débouchant donc sur une double supplémentation. Notons ici que l'enquête qui concerne le calcium est facilitée par le fait que les apports calciques sont uniquement alimentaires (en prenant bien sûr en compte l'eau minérale) et que les habitudes vis-à-vis des produits laitiers, principaux pourvoyeurs de calcium, sont particulièrement stables au cours de la vie : le plus souvent, on aime ou on n'aime pas le fromage... De même, il apparaît que le petit déjeuner, qui apporte environ 40 % de la ration calcique quotidienne, est lui aussi particulièrement immuable au cours de l'existence adulte.
Enfin, même si le risque d'ostéoporose s'aggrave surtout après la ménopause, il ne faut pas omettre de proposer une supplémentation vitaminique D à la femme enceinte au cours du troisième trimestre de la grossesse, à la femme allaitante, à l'adolescent en période pubertaire et à l'enfant, a fortiori s'il est peu exposé aux rayons du soleil en raison du manque naturel d'ensoleillement (nord de la France), de problèmes médicaux ou d'une pigmentation importante de la peau. Ce complément permettra à l'enfant de constituer un squelette solide (dans la mesure de ses prédispositions génétiques et morphologiques) et à la jeune mère de ne pas dilapider trop précocement ses réserves osseuses de calcium.
D'après un entretien avec le Pr Patrice Fardellone, CHU d'Amiens.
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