Contre le cancer de la peau lié aux UV

La piste d'un topique pour les sujets à très haut risque

Publié le 01/03/2004
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L'APPLICATION topique de petites molécules d'ADN simple brin pourrait constituer une solution thérapeutique simple et efficace pour les individus particulièrement intolérants au soleil, génétiquement incapables de réparer les dégâts occasionnés sur leurs chromosomes par les rayonnements solaires. Une équipe américaine vient en effet de démontrer, in vivo chez la souris, que l'application topique de molécules d'ADN composées de deux thymines (pTT) stimule la machinerie cellulaire de réparation de l'ADN. Le traitement augmente la capacité des cellules à réparer les dégâts présents sur les chromosomes et diminue ainsi la fréquence des mutations induites par les UV. En conséquence, la carcinogenèse associée à l'irradiation de la peau par les UV est réduite et retardée.
L'action des pTT avait déjà été testée in vitro sur des cellules en culture. Il avait alors été démontré que ces minuscules molécules d'ADN augmentaient la capacité des cellules à réparer leur ADN en cas de dommage.
Goukassian et coll. (école de médecine de l'université de Boston) ont poursuivi ce travail en testant l'efficacité des pTT in vivo sur des souris imberbes. Dans ce but, ils ont comparé les effets d'une irradiation UV sur des souris qui ont reçu une application topique de pTT aux effets induits chez des souris contrôles non traitées.

Réparation accélérée.

L'anomalie de l'ADN la plus fréquemment détectée après une exposition aux UV est la formation de dimères de pyrimidine (CPD pour « cyclobutane pyrimidine dimers »). Si l'application topique de pTT n'empêche pas l'apparition de ces lésions, elle accélère leur réparation : vingt-quatre heures après une exposition aux UV, alors que seulement 5 % des CPD ont été réparés chez les souris contrôles, 37 % de ceux formés dans les cellules des souris traitées ont déjà disparu. Au bout de soixante-douze heures, il ne reste plus aucun CPD sur l'ADN des souris traitées. A titre comparatif, seulement 60 % de ceux formés chez les souris contrôles ont alors pu être réparés par la machinerie cellulaire de réparation de l'ADN. L'étude d'un gène rapporteur a, par ailleurs, permis de constater que l'application topique de pTT réduit de 38 % le taux de mutation de l'ADN induit par une irradiation UV.
L'analyse du contenu protéique des cellules traitées a montré que le traitement topique agissait sur les mécanismes de réparation de l'ADN, notamment en stimulant la production et l'activation du suppresseur de tumeur p53.
Les auteurs ont finalement évalué l'effet du traitement topique sur l'apparition de tumeurs cutanées en réponse à une exposition chronique aux UV. Ils ont pu observer qu'après vingt-quatre semaines d'irradiation chronique des néoplasmes étaient détectés chez 22 % des animaux traités, contre 88 % des animaux contrôles.

Xeroderma pigmentosum.

L'utilisation d'une lignée de souris modélisant la maladie humaine xeroderma pigmentosum a montré que le traitement topique agissait également sur l'organisme des souris dont le système de réparation de l'ADN est déficient : au bout de vingt-quatre semaines d'irradiation chronique, tous les animaux mutants non traités avaient développé une tumeur, alors que la moitié des souris traitées était toujours exempte du moindre néoplasme.
Les pTT semblent donc capables de prévenir le risque de cancer chez les individus les plus sensibles au soleil, notamment chez ceux qui sont génétiquement prédisposés au développement de tumeur cutanée. On attend les premiers essais de ce traitement sur l'homme.

D. A. Goukassian et coll., « Proc Natl Acad Sci USA », édition en ligne avancée, à paraître prochainement sur www.pnas.org.

> ELODIE BIET

Source : lequotidiendumedecin.fr: 7489