Les thérapies ciblées toquent à la porte de la cardiologie. C’est ce que laisse penser une vaste étude publiée dans le « New England Journal of Medicine », qui vient d’identifier le gène de l’apolipoprotéine C3 (APOC3), comme nouvelle cible thérapeutique dans le risque cardio-vasculaire.
Le groupe de travail dirigé par le Dr Sekar Kathiresan, en charge spécifiquement de l’étude du profil lipidique dans le cadre de l’Exome Sequencing Project, a montré que quatre mutations rares de l’APOC3 étaient associées à un profil lipidique amélioré, en particulier à une triglycéridémie basse. Dans une population de 110 970 personnes poolée à partir de 15 études, le risque coronarien s’est révélé 40 % plus bas chez les 498 sujets porteurs d’un des variants par rapport aux 110 472 non porteurs.
Un meilleur profil lipidique
Alors que la génétique explique plus de 50 % de la variabilité individuelle pour la triglycéridémie et que 150 loci ont été identifiés en lien avec le profil lipidique, la force de l’association pour les variants rares n’avait jamais été mesurée, pas plus que les conséquences potentielles sur le risque coronarien. « Cette étude est très complète, commente le Pr Éric Bruckert, chef du service d’Endocrinologie-Métabolisme à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière, Paris. Elle part des mutations, analyse l’impact sur les taux sanguins d’APOC3 et les conséquences sur les paramètres lipidiques ».
L’étape de séquençage a concerné 18 666 gènes chez chacun des 3 734 participants de l’étude Exome Sequencing Project. Quatre variants rares du gène de l’APOC3 étaient associés à une triglycéridémie basse, les quatre étant des mutations avec perte de fonction, une « non-sens », deux « splice-site » et une « faux-sens ». Près de 1 sujet sur 150 était un porteur hétérozygote d’au moins un des quatre variants. Par rapport aux sujets non porteurs, les sujets porteurs d’une des quatre mutations présentaient un taux de triglycérides 39 % plus bas, un taux de HDL de 22 % plus élevé, un taux de LDL de 16 % moins élevé et des taux d’APOC3 de 46 % plus bas.
Une part de mystère
Pour les auteurs, « ces résultats montrent que la perte de fonction APOC3 assure une protection contre les maladies coronariennes », ce qu’avaient suggéré quelques études, dont l’une en population Amish et une autre chez des Indiens mayas. Tout n’est pas résolu concernant le mécanisme par lequel s’exerce l’effet athéroprotecteur, comme le souligne le Pr Bruckert « l’étude ne permet pas de dire si la diminution du risque est médiée plus par les triglycérides, le HDL ou le LDL ». Même si une piste se dégage toutefoisdavantage « dans le sens d’un rôle possiblement athérogène des particules riches en triglycérides, en particulier celles formées en période post prandiale ».
Les résultats de l’Exome Sequencing Project mettent en lumière, « l’utilité potentielle des mutations spontanées avec perte de fonction pour guider la sélection de cibles thérapeutiques ». Les auteurs rappellent ainsi l’expérience précédente pour le gène codant la proprotéine convertase subtilisine/kexine type 9 (PCSK9), qui avait conduit au développement d’anticorps monoclonaux anti PCSK9. Le Pr Bruckert estime quant à lui que « cette identification ouvre d’importantes perspectives avec les nouveaux antiAPOC3 ». Un oligonucléotide antisens s’est récemment révélé efficace pour diminuer l’APOC3 et le taux de triglycérides chez l’animal et des sujets volontaires sains.
The New England Journal of Medicine, publié en ligne le 18 juin 2014
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