La pilule du lendemain répond bien à un besoin

Publié le 03/04/2001
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Q UE d'encre a coulé pour dénoncer cette révolution qu'est la délivrance sans ordonnance du lévonorgestrel : les jeunes femmes allaient prendre le produit de façon abusive, allaient l'utiliser comme moyen contraceptif régulier, c'était une incitation à la débauche, les effets secondaires du produit ne sont pas négligeables, la contraception d'urgence démédicalise la contraception...

Le bilan est en réalité tout autre. L'information sur la pilule du lendemain est « bien passée chez les jeunes », les populations les plus concernées. Selon une enquête ponctuelle réalisée en région parisienne (association Aremedia) auprès de jeunes de 17 à 24 ans cherchant un premier emploi, en mars 2000, trois mois avant la mise à disposition en pharmacie sans prescription médicale, moins de 1 % des jeunes filles de 17 à 19 ans n'a pas entendu parler de la pilule du lendemain. Chez les jeunes hommes du même âge, le pourcentage est plus élevé, 7,6 %. Une autre enquête, menée par Fil Santé Jeune de mai 2000 à juillet 2000 révèle, quant à elle, que plus de 85 % des jeunes interrogés ont entendu parler de la contraception d'urgence et 83 % la considèrent comme efficace. 700 000 unités de lévonorgestrel ont été vendues depuis mai 1999, constate le Dr Elisabeth Aubény (présidente de l'Association française pour la contraception), et actuellement 50 000 unités sont vendues par mois, « traduisant un véritable besoin ». Parallèlement, souligne-t-elle, « la contraception orale est en augmentation, ce qui signifie que la contraception d'urgence, aux yeux des utilisatrices, ne constitue pas une méthode de contraception, les femmes l'utilisent donc de façon responsable ». Et l'urgence passée, à l'incitation des pharmaciens ou des infirmières scolaires, les femmes vont chercher des conseils sur la contraception auprès de centres de planification familiale ou des médecins. La même attitude est retrouvée dans l'étude Aremedia. La pilule du lendemain, constate Marc Shelly, un des responsables d'Aremedia, « ne semble perçue comme un autre moyen de gérer sa contraception que par une très faible minorité (de 0,5 % à 1,5 %), ce qui est très marginal, et, paradoxalement, chez les plus de 20 ans ». Une large majorité des filles jeunes ayant eu recours à la contraception d'urgence déclarent par la suite employer une méthode contraceptive. Dans l'enquête Fil Santé Jeunes, 81 % des filles qui ont utilisé la contraception d'urgence déclarent ensuite avoir une méthode contraceptive, la pilule dans 44,1 % des cas, le préservatif dans 38,8 % des cas, les deux associés dans 16,5 % des cas.
Actuellement, déplore le Dr Aubény, aucune enquête n'a été réalisée sur une diminution éventuelle du nombre d'IVG chez les très jeunes femmes, parallèlement à la mise à disposition du lévonorgestrel.
Quant aux supposés effets secondaires, l'efficacité de la contraception d'urgence avoisine les 95 % quand elle est prise dans les 24 heures et décroît rapidement ; aucun accident ou incident même mineur lié à sa prise n'a été mis en évidence par la pharmacovigilance, et le pourcentage des grossesses extra-utérines n'a pas augmenté.
La demande de contraception d'urgence est la conséquence « d'une erreur contraceptive » et devient alors une « contraception de rattrapage » lors d'un échec (rupture ou mauvaise manipulation) de préservatif - estimé en pratique à 15 % - lors d'un oubli de pilule, lors de rapports non protégés. Pour ces derniers cas, des responsables de la planification familiale observent plusieurs situations : « Le coup de cœur », « Je ne pensais pas aller si loin », le désir non avoué de grossesse, le désir (plus rare) pour les partenaires hommes de « voir s'ils ne sont pas stériles », de fausses idées (pas de grossesse possible lors du premier rapport !), un rapport occasionnel. Enfin, la demande de contraception d'urgence existe dans le cas de rapports forcés (viol, inceste).

En pharmacie dans 65 % des cas

Pour se procurer la pilule du lendemain, outre les médecins, les centres de planification familiale, les pharmaciens, notamment en ville, sont le plus souvent approchés. En milieu rural, les très jeunes ont peur d'un manque de confidentialité dans l'officine. L'enquête Fil Santé Jeunes révèle que, dans 65 % des cas, la contraception d'urgence a été obtenue en pharmacie, le médecin n'ayant été sollicité que dans 18 % des cas, l'infirmière scolaire dans 5,6 % des cas. L. Camouilly, pharmacienne, souligne l'importance du rôle de l'officinal dans la délivrance : « Non seulement il délivre le produit, mais il conseille la patiente sur la nécessité d'une contraception, d'un suivi gynécologique par un médecin. » Elle rejette le reproche de manque de confidentialité de l'officine, soulignant que « l'agencement des officines actuellement est tel que la confidentialité est facile à obtenir ». Elle regrette cependant que, à ce jour, il n'y ait toujours pas de décret d'application : « Comment justifier de la délivrance du lévonorgestrel ? Quelle procédure existe pour la mise à disposition du médicament ? Quelle rémunération pour l'officinal ? »

* Centre d'orthogénie, hôpital Broussais, 96, rue Didot, 75014 Paris, tél. 01.43.95.90.60.

Martine DURON-ALIROL

Source : lequotidiendumedecin.fr: 6891