O N connaît deux formes du gène de l'ACE, l'allèle I (insertion) et l'allèle D (délétion), dont l'influence sur le risque de resténose sur stent a été démontré par plusieurs équipes, dont celle du Pr Amouyel. Les patients de génotype DD présentent ainsi un risque quatre fois plus élevé que la moyenne. Un taux anormalement élevé d'ACE ayant par ailleurs été constaté chez ces patients, on s'est naturellement tourné vers les IEC en prévention de la resténose.
En fait, en dépit de ses effets antiprolifératifs sur les cellules du muscle lisse, cette classe ne semble pas modifier le risque de resténose après angioplastie conventionnelle, par ballon. Dans cette situation, toutefois, la resténose paraît essentiellement liée à un remodelage vasculaire. Lorsqu'un stent est posé, en revanche, la resténose aurait pour origine une prolifération néo-intimale. Chez des patients DD, l'utilisation d'IEC apparaît donc a priori justifiée après pose d'un stent.
Les patients au phénotype DD
C'est cette hypothèse que l'étude PARIS (Prevention with ACE-inhibitors of angiographic RestenosIs after coronary Stenting) n'a pas confirmé, au contraire.
Il s'agit d'une étude menée chez 81 patients, recrutés parmi 115 patients de génotype DD, eux-mêmes sélectionnés parmi 315 patients consécutifs subissant la pose d'un stent. Le traitement a été instauré 48 heures après l'intervention. 46 patients ont ainsi reçu un IEC, du quinapril (40 mg/j), durant six mois, les 45 autres recevant un placebo.
Contre toute attente, les résultats ne sont guère en faveur du traitement. L'angiographie montre en effet que le diamètre coronarien moyen, de 2,93 mm après l'intervention dans le groupe traité par l'IEC, passe à 1,82 mm après six mois, contre 2,81 mm et 2,06 mm, respectivement, dans le groupe contrôle. A cela s'ajoute ce que les auteurs qualifient de « tendance intrigante à l'accroissement des événements cliniques défavorables » parmi les patients effectivement traités. C'est en effet dans ce groupe que figurent l'infarctus non fatal survenu en cours d'étude, les trois pontages coronariens, enfin dix des dix-sept réinterventions pour angioplastie ou réimplantation du stent.
Ces résultats demandent à être approfondis, dans plusieurs directions. Au plan fondamental, d'abord, le modèle initial, associant la resténose aux taux élevés d'ACE circulant chez les patients DD, semble se révéler un peu simpliste. Les auteurs envisagent, à côté de la prolifération néo-intimale, l'intervention de phénomènes inflammatoires liés au stent lui-même. Si tel est le cas, les taux élevés de bradykinine associés à l'inhibition de l'ACE pourraient aggraver le processus. Ce mécanisme pourrait peut-être expliquer le résultat paradoxal de l'étude. Il incite en tous cas à mener des travaux supplémentaires sur la resténose sur stent, et le rôle réel de l'ACE.
D'un point de vue clinique, ensuite, il est évident que l'effet des IEC chez les patients de génotype DD pourrait avoir des implications. Compte tenu du bénéfice des IEC dans différents contextes, il faut évidemment rester prudent. Toutefois, comme c'est aussi dans ces contextes que sont recrutés les candidats à la pose d'un stent, il importe aussi de vérifier rapidement que, dans un sous-groupe de patients important - de l'ordre de 30 % -, le traitement n'a pas l'effet inverse de l'effet attendu. Pour les auteurs, il est important « d'attirer l'attention de la communauté médicale sur ce problème potentiel ».
En attendant d'en savoir davantage, on peut déjà remarquer que le travail lillois est une parfaite illustration à la fois de la méthode et de l'utilité des études dites de pharmacogénomique qui vont sans doute devenir un pilier de la recherche clinique dans les années à venir.
T. Meurice et coll., « Lancet », vol. 357, n° 9265, 28 avril 2001.
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