IL NE FAUT PAS se focaliser sur la simple conséquence fracturaire : une première chute, même sans fracture, doit être un signal d'alarme. Une étude réalisée au service des urgences de l'hôpital Cochin a montré que le risque de mortalité à six mois après une chute était multiplié par cinq lorsque la personne âgée restait longtemps allongée sur le sol, en raison des importantes conséquences métaboliques.
On le sait, une première chute augmente la probabilité de rechuter dans l'année, l'évaluation de l'équilibre est donc indispensable dans la prévention des chutes.
Cet équilibre peut être mesuré facilement en observant comment la personne se tient debout au quotidien : la tester debout, pieds écartés et en essayant de la déséquilibrer sera un indice pour déterminer son équilibre. Un examen les yeux fermés permettra également de savoir comment le patient ressent la position de son corps dans l'espace.
L'examen posturographique combine les informations fournies par des capteurs pour donner la position du centre de pression des pieds d'un patient se tenant sur une plate-forme. Ces positions peuvent s'assimiler à la projection du centre de gravité. Si ce centre est déplacé ou élargi, il y a un risque de déséquilibre, donc de chute. Ce test doit être pratiqué en milieu hospitalier et dans les centres de rééducation.
Get up and go test.
Au contraire, le « get up and go test » fait partie de l'évaluation gériatrique standardisée, validée chez le sujet âgé : le patient est assis sur une chaise, se lève, marche sur une longueur de trois mètres et revient s'asseoir. Ce test est chronométré. Si le patient met plus de 30 secondes pour réaliser ce parcours, son équilibre n'est pas parfait.
D'autres tests peuvent être réalisés en médecine de ville mais demandent plus de temps :
– le test de Tinetti, questionnaire basé sur l'équilibre et la marche ; il est intéressant pour évaluer une éventuelle prise en charge de rééducation ;
– l'échelle d'équilibre de Berg : 14 mouvements de la vie quotidienne (s'asseoir, se lever, rester debout les pieds joints ou sur un seul pied…) sont analysés. La cotation de ces éléments se fera sur un score de 0 à 4.
Une trentaine de tests ou d'échelles existent ainsi dans la littérature, plus ou moins validés chez le sujet âgé et peu utilisés en pratique courante.
Deux indices à retenir car efficaces et plus facilement réalisables sont :
– l'appui unipodal qui consiste à rester plus de 5 secondes sur un seul pied. Ce test, proposé par l'équipe du Pr Vellas, permet de prédire la possibilité de chutes traumatiques ;
– le « stop walking and talking » test, mis au point par l'équipe de l'hôpital Sainte-Périne à Paris, qui repose sur le principe de la double tâche : il s'agit de voir si une personne est capable de faire deux choses à la fois.
Quand ces tests montrent un risque de chute ou un équilibre précaire, le médecin est souvent démuni pour orienter sur une prise en charge spécialisée. En effet, la prise en charge doit être multifactorielle ; à titre d'exemple, quelle solution envisager chez un patient qui chute la nuit alors qu'il se lève plusieurs fois pour aller uriner : l'opérer de la prostate, lui mettre une chaise percée, lui installer une lumière automatique dès qu'il se lève ? De simples dispositions peuvent éviter les chutes : enlever les tapis, lui recommander d'allumer la lumière la nuit, réduire ses déplacements inutiles à domicile. Un travail avec l'entourage pour améliorer l'aménagement à domicile est souvent nécessaire.
Enfin, un travail sur l'ordonnance doit être également fait : il faut réduire le nombre de médications pour ne garder que l'essentiel, on sait par exemple que les psychotropes et les antihypertenseurs favorisent les chutes. Les services des urgences peuvent enfin avoir un rôle de prévention à l'issue d'une chute, même non compliquée, en alertant le médecin traitant afin de débuter une prise en charge. Dans le futur, l'idéal serait de faire prendre en charge les personnes âgées à risque par des équipes pluridisciplinaires composées de gériatres, d'ergothérapeutes, de kinésithérapeutes, de rééducateurs. En ce qui concerne les tests, pouvoir évaluer le risque de chute et surtout les facteurs de risques principaux par un score composite permettrait d'apprécier au mieux ces populations âgées qui sont les plus fragiles ; c'est le travail actuellement développé par une équipe de l'hôpital de Poitiers.
Interview du Dr Frédéric Bloch, gériatre, praticien à l'hôpital Broca, responsable de l'équipe mobile de gériatrie à l'hôpital Cochin.
Un site web
Protec-chute.com, le premier site européen d'information et de conseil sur les chutes de personnes âgées, est le lauréat de la bourse Charles-Foix pour la recherche et l'innovation. Il détaille les principes de prévention, passe en revue les différentes pièces de la maison, rappelle la nécessité d'une bonne alimentation et d'une activité physique régulière.
Des méthodes de dépistage du risque de chute existent. On peut déjà détecter certaines chutes (port d'un accéléromètre ou analyse des changements de comportements). À Poitiers, le système Padchute permet d'analyser la posture et l'initiation de la marche chez la personne âgée. Le site nous promet l'arrivée des détecteurs de chute de 2e génération, plus performants.
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