POUR RESPONSABILISER les usagers de santé, rien ne vaut un petit coup au porte-monnaie. C'est en substance le raisonnement défendu par Jean-Pierre Raffarin. Sur France 2, le Premier ministre a souhaité que chaque patient, quand il se rend chez le médecin, « prenne conscience de l'acte médical », ou plutôt du coût des soins pour la collectivité nationale. Il s'agit d'en finir avec le sentiment de gratuité. Pour encourager cette prise de conscience, le chef du gouvernement envisage d'instaurer sur chaque acte médical « une contribution (financière) très modeste, pas plus d'une pièce, en tout cas », restant à la charge du patient. Une pièce de combien, exactement ? « Un euro, par exemple ». Les plus défavorisés et les plus fragiles seraient « bien sûr » exonérés de cette franchise non remboursée, comme « les enfants et les bénéficiaires de la couverture maladie universelle (CMU) ».
Devant les députés de la mission Debré sur l'assurance-maladie, Philippe Douste-Blazy s'était montré défavorable à l'instauration d'une franchise de deux euros... par boîte de médicament, « car cela ne différencie pas celui qui est riche et celui qui est pauvre ». Le ministre de la Santé n'avait certes pas évoqué l'éventualité d'un « reste à charge » par feuille de soins. Selon Xavier Bertrand, secrétaire d'Etat à l'Assurance-maladie, « cette "pièce" constituerait un acte fort, un engagement qui montrerait que la santé a un coût ».
Les limites du ticket modérateur.
Reste que la responsabilisation strictement financière des patients, même « modeste », est souvent jugée inéquitable et culpabilisante, pour peu de résultats. Pour Claude Pigement, délégué national du PS à la Santé, « le gouvernement fait des assurés une variable d'ajustement » des déficits . La franchise sur les actes médicaux serait « injuste » et « inefficace » en termes d'économies (l'assurance-maladie traite 840 millions de feuilles de soins par an, dont 213 millions de C) . Pour responsabiliser les patients « sans les montrer du doigt », le responsable socialiste prône « l'éducation sanitaire, comme pour les antibiotiques ou les génériques ».
Porte-parole du Collectif interassociatif sur la santé (Ciss), qui regroupe vingt-cinq associations d'usagers, Alain-Michel Ceretti s'étonne que le gouvernement « revienne à ce genre de mesures, le ticket modérateur, qui n'a jamais fait baisser quoi que ce soit ».
« Nous avions eu cette discussion avec Jean-François Mattei, ajoute-t-il, tout le monde était d'accord pour dire que ce n'est pas la solution ». Il regrette lui aussi que le malade soit considéré comme « la raison des 14 milliards de déficit » et s'interroge sur les « contreparties » que les usagers peuvent attendre de la réforme, notamment en termes de « transparence des pratiques professionnelles ».
La Mutualité française (95 % des mutuelles santé, 36 millions de personnes couvertes) est totalement hostile à la franchise sur les consultations. « Il s'agit d'une mesure gadget qui ne résout rien et qui risque de faire reculer l'accès aux soins d'une partie de la population », explique-t-on au « Quotidien ». « Si on exclut les patients en ALD et les CMU, il reste deux catégories : les gens qui se fichent d'une telle mesure parce qu'ils ont les moyens et ceux qui risquent de renoncer à certains soins. »
Même les médecins généralistes semblent sceptiques. « Ce n'est pas la bonne approche, analyse le Dr Pierre Costes, président de MG-France. Un bon système de santé doit faciliter l'accès aux soins de première ligne. »
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature