Choc psychologique majeur

La perte d'un enfant, un risque de SEP

Publié le 16/03/2004
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De notre correspondant
à Londres

LES CHERCHEURS de l'université d'Aarhus avaient déjà montré, dans des travaux antérieurs, que le deuil d'un enfant affectait l'incidence de la survenue d'un infarctus du myocarde et d'un cancer chez les parents, ainsi que celle de la naissance ultérieure d'enfants atteints de malformations congénitales. La présente étude, qui a porté sur des cohortes de population à l'échelon national, a suivi, de 1980 à 1997, 21 062 parents ayant fait l'expérience du deuil d'un enfant mort avant l'âge de 18 ans (groupe « exposé ») et de 293 745 parents appariés non affectés par un tel événement (groupe « non exposé »).
Durant la période de suivi, qui a été, en moyenne, de 9,5 années, 258 cas de SEP ont été diagnostiqués (28 dans le groupe des parents exposés, 230 dans le groupe non exposé). Les cas de SEP survenus avant le deuil étaient exclus de l'étude. Les deux groupes étaient comparables quant à l'âge auquel le diagnostic de SEP était porté, quant à l'intervalle de temps entre l'inclusion dans l'étude et l'installation des symptômes et quant à l'intervalle de temps entre l'inclusion dans l'étude et le moment du diagnostic.

Un indice de risque supérieur à 2.

L'indice de risque (IR), chez les parents exposés, était de 1,56 (IC 95 %, 1,05 à 2,31) toutes SEP confondues et de 1,42 pour les SEP dont le diagnostic était « certain ou probable ». L'IR passait à 2,25 (1,32-3,81) et
2,12  (1,15-3,89), respectivement, lorsque la période de suivi était de huit à dix-sept ans. L'âge du décès de l'enfant ou son sexe, pas plus que l'âge et le sexe des parents, n'avaient d'incidence sur l'IR. En revanche, cet indice était particulièrement élevé, 2,13 (1,13-4,03), lorsque le décès de l'enfant était survenu de façon inattendue.
Ces résultats n'étaient statistiquement significatifs que lorsque la période de suivi était d'au moins huit années.
Les auteurs estiment que la mise en évidence d'un retentissement à long terme du deuil d'un enfant suggère que le stress psychologique provoqué par une telle perte pourrait influencer le développement de la maladie aussi bien que son aggravation.
Comment le stress psychologique peut-il avoir une influence sur la susceptibilité à la SEP ? Les auteurs citent quelques hypothèses. Le stress pourrait agir à travers un dérèglement du système immunitaire ou un dysfonctionnement de l'axe hypothalamo-hypophyso-gonadique. On a en effet rapporté des altérations de la barrière hémato-encéphalique ainsi que des perturbations de la production des cytokines et de l'activation des lymphocytes T chez certains patients atteints de SEP.
Cette étude a, par rapport aux enquêtes jusqu'ici effectuées dans le but d'explorer la relation entre le stress et la SEP, plusieurs mérites. C'est sans doute la première étude de suivi basée sur un vaste échantillon représentatif de la population. Elle était par ailleurs focalisée sur un type de stress spécifique, ce qui n'était pas le cas des études précédentes.
En revanche, un certain nombre d'informations manquaient sur le mode de vie des parents, l'existence de traumatismes physiques ou les antécédents familiaux ; c'est-à-dire des éléments qui auraient pu jouer un rôle de facteurs confondants. L'interprétation de l'enquête danoise appelle donc une certaine prudence.

J. Li, C. Johansen, H. Bronnum-Hansen, E. Stenager, N. Koch-Henriksen, J. Olsen. The risk of multiple sclerosis in bereaved parents. « Neurology », 62 (mars 2004), pp. 726-729.

> Dr BERNARD GOLFIER

Source : lequotidiendumedecin.fr: 7500